France : dans le nouveau Parc National de Forêts, les arbres sont rois

Refuge pour 50 millions d'arbres, le Parc National de Forêts est un modèle de tourisme durable situé à 3h de Paris.

De Mary Winston Nicklin
Publication 2 sept. 2020, 11:57 CEST
Situé à trois heures de Paris, le 11e parc national français protège un écosystème unique de ...

Situé à trois heures de Paris, le 11e parc national français protège un écosystème unique de forêt feuillue de plaine.

PHOTOGRAPHIE DE Philippe Desmazes, AFP/Getty Images

Après une migration de 5 630 kilomètres le long de la côte ouest-africaine, les cigognes noires s'installent en France, dans le Parc National de forêts, construisant leurs énormes nids en haut des chênes centenaires, loin des yeux des Hommes. L'oiseau est un emblème des plus à propos pour le nouveau parc national français : non seulement cette espèce protégée représente la biodiversité de ces bois moussus, mais ses habitudes discrètes reflètent également le caractère d'un lieu trop longtemps négligé.

Les vignobles voisins de Champagne et de Bourgogne attirent nombre d'amateurs de vin venus du monde entier. Mais le plateau de Langres, richement boisé - dont près de 243 000 hectares constituent le 11e parc national de France depuis novembre dernier - est rarement visité.

Cet état de fait est amené à évoluer. À seulement trois heures de Paris, c'est le parc national le plus proche de la capitale. Et bien que la région soit en proie à l'exode rural depuis les années 1950, la charte du parc comprend un plan de développement économique local axé sur l'écotourisme et la recherche forestière.

« Le label "parc national" permet aux gens de changer leur vision du territoire, de le mettre en valeur et de le valoriser », explique Claire Colliat, maire du village de Saint-Loup-sur-Aujon, à la limite est du parc. Claire Colliat a œuvré à la création du parc auprès des riverains en portant la campagne Oui au Parc. « Les résidents reconnaissent maintenant sa richesse et ses ressources incroyables : naturelles, culturelles, humaines. »

En fait, le Parc National de Forêts est l'exemple parfait de la manière de créer des parcs nationaux aujourd'hui. Un processus politique de dix ans de négociations avec les agriculteurs, les chasseurs, les conseils municipaux et les associations à but non lucratif locales - non sans résistance.

 

LES RACINES D'UN ÉCOSYSTÈME

L'Europe abrite un peu plus de 460 parcs nationaux. S'appuyant sur une tradition de conservation initiée aux États-Unis et adaptée par la Suède, la Suisse et l'Espagne au début du XXe siècle, chaque pays a développé son propre système de création et de conservation de parcs nationaux.

Le premier parc national français, la Vanoise, a été créé en 1963. Aujourd'hui, 10 % de la France métropolitaine sont protégés en tant que parcs nationaux gratuits et ouverts au public. La création de ces parcs n'a pas pour corollaire le déplacement des populations limitrophes. Au lieu de cela, une « zone d'adhésion », composée de villages et de communes qui adhèrent aux valeurs de conservation, entoure le cœur du parc.

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    Le Parc National de Forêts abrite de nombreuses espèces rares et protégées, dont la cigogne noire.

    Le Parc National de Forêts abrite de nombreuses espèces rares et protégées, dont la cigogne noire.

    PHOTOGRAPHIE DE Fabrice Cahez, Minden Pictures

    En 2007, une commission nationale sur l'environnement a décidé la création de nouveaux parcs nationaux en choisissant des zones représentatives des écosystèmes emblématiques du pays. Après deux ans de recherche, le ministère de l'Écologie a choisi le futur Parc National de Forêts pour sauvegarder la forêt feuillue des basses terres.

    « La forêt est là depuis le Moyen-Âge », explique Sylvain Boulangeot, président de l'office de tourisme du pays Châtillonnais et responsable de l'association Maison de la Forêt, qui propose des promenades et des activités d'accrobranche. « C'est à cause de son sol rocheux qu'elle n'a pas été complètement reprise par l'agriculture. Ce calcaire oblige les arbres à pousser lentement, donc les troncs de ces chênes bicentenaires ne sont pas épais, mais le bois, solide, est prisé par les fabricants de tonneaux. »

    Ces arbres sont les racines de l'écosystème local, fournissant un habitat pour les oiseaux, les chauves-souris, les insectes et les champignons, étudiés par de célèbres naturalistes comme Georges-Louis Leclerc de Buffon. Désormais, ce parc national aux 50 millions d'arbres est appelé à devenir un centre européen d'études forestières. Sa principale réserve protégée est la deuxième plus grande du continent et restera totalement intacte. Un véritable laboratoire pour l'étude de la biodiversité et l'adaptation au changement climatique.

    « Parce qu'historiquement il n'y avait pas vraiment d'agriculture ici, la biodiversité a été préservée », explique Marion Delforge, responsable du développement durable du parc.

    Le Marais Tuffeaux, un complexe unique de micro-habitats de marais à couches calcaires datant de la dernière période glaciaire en est le parfait exemple. Ces marais abritent des plantes que l'on trouve généralement dans les Alpes en altitude, comme la linaire alpine et la gentiane des marais. Pendant des siècles, les habitants ont utilisé plusieurs de ces plantes à des fins médicinales.

    Mais la fleur star du parc est une orchidée rare et spectaculaire : le sabot de Vénus. Dans son restaurant éponyme à Bure-les-Templiers, le chef Arole Dupaty présente les délices comestibles de la région, des herbes fourragères et de la truite d'élevage local aux carottes glacées au miel des ruches du restaurant. Ce qui ne sera jamais au menu ? L'orchidée protégée elle-même. L'amende adressée à quiconque souhaiterait s'essayer à sa cueillette peut aller jusqu'à 15 000 euros.

    Dupaty - dont l'entreprise propose également la chasse aux truffes, en plus de la restauration et du gîte - n'est qu'un des exemples de la façon dont les habitants sont en harmonie avec la mission de conservation du parc.

     

    L'ÉLÉMENT HUMAIN

    Lors des négociations portant sur la création du parc, Delforge a rencontré une soixantaine d'agriculteurs. Malgré la résistance initiale, la communauté agricole a compris l'objectif du parc en gestion durable. En juillet 2020, 95 villes différentes ont voté pour faire partie du parc.

    « L'approche pour la création d'un parc national a changé », dit Delforge. « [Nous] travaillons en étroite collaboration avec les acteurs locaux sur la conservation et les pratiques agricoles respectueuses. »

    La ville de Châtillon-sur-Seine, en Bourgogne, est la plus grande ville du parc.

    La ville de Châtillon-sur-Seine, en Bourgogne, est la plus grande ville du parc.

    PHOTOGRAPHIE DE Parkerphotography, Alamy Stock Photo

    L'Homme peuple cette région depuis le néolithique. En 1953, des archéologues ont mis au jour la spectaculaire tombe de Vix, une sépulture à char princière datant de la période du Hallstatt final se situant sur l'actuelle commune de Vix, dans le Côte-d'Or. Les visiteurs peuvent découvrir ce trésor national et les nombreux artefacts qui le composent dans un musée dédié à Châtillon-sur-Seine, la plus grande ville du parc national.

    Aujourd'hui, de nombreux entrepreneurs partagent leur amour de cette terre à travers des opérations d'écotourisme. Florence Guerin a ouvert un cabinet de thérapie forestière à Recey-sur-Ource. L'apiculteur et professeur de yoga Annette Dulion anime des séances de yoga au son du bourdonnement des abeilles à Busseaut. Michel Vuillermet et son épouse Esther dirigent Donkey'âne, une ferme où les visiteurs peuvent participer à des randonnées à dos d'âne, y compris des excursions autoguidées de plusieurs jours.

    « Nous, les habitants, n'avions pas forcément conscience de la richesse de la région », explique Nathalie Pierre, originaire de la région qui a transformé un manoir du XIXe siècle en un élégant gîte, La Villa 1892. « Le parc national apporte un éclairage nouveau. Nous espérons que les nouveaux emplois donneront aux jeunes l'envie de rester ici, et je pense que les entrepreneurs extérieurs pourront également être un moteur de développement local. »

    Mathieu Bouchard est de ceux-là. Ancien boulanger dijonnais, il s'est installé à Rochefort-sur-Brévon et a ouvert une chambre d'hôtes avec sa femme. « C'est une opportunité incroyable de vivre dans un parc national », dit-il. « La forêt est ma deuxième maison ; c'est là que je vais penser, réfléchir. Et les nuits étoilées, avec peu de pollution lumineuse, sont merveilleuses. »

    « C'est le nouvel El Dorado », estime Fabian Ansault, un artiste qui dirige Les Z'uns possible, un musée et café « cabinet de curiosités » au bord de la Seine.

    Malgré un démarrage lent du tourisme en raison de la pandémie de coronavirus, le nouveau parc national suscite l'optimisme dans la région.

    « Dans une décennie, j'espère que de nouvelles familles se seront installées ici, ouvrant de nouvelles entreprises et activités », explique Claire Colliat. « J'espère que nous pourrons accueillir des générations d'enfants, et leurs parents, pour qu'ils vivent une expérience unique en découvrant la forêt et en comprenant à quel point notre avenir est lié au respect de notre environnement. »

     

    Mary Winston Nicklin est une écrivaine et journaliste freelance basée à Paris. Retrouvez-la sur Twitter.
    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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