Consommer moins, récupérer plus : quelles solutions pour optimiser nos ressources en eau ?

En France, les pénuries d’eau saisonnières ont touché quasiment toute la population. Il apparaît essentiel de mieux comprendre notre consommation d’eau ainsi que les habitudes à adopter pour gérer plus efficacement nos ressources.

De Jon Heggie
Publication 30 sept. 2020, 19:02 CEST
Assurer l’avenir de l’eau douce en France
Le réchauffement climatique étant susceptible de rendre les pénuries d'eau de plus en plus fréquentes en France, le photographe National Geographic Matthieu Paley a enquêté sur les petits gestes du quotidien que nous pouvons faire pour économiser l’eau.

Des bancs de sable exposés sur des rivières réduites à peau de chagrin aux bestiaux décharnés paissant au milieu de pâturages desséchés, la France a connu l’une des pires sécheresses depuis des décennies au cours de l’été 2019. Les restrictions d’eau imposées sur les deux tiers du territoire nous ont brusquement rappelé que nos ressources n’étaient pas infinies et aussi fiables que nous le pensions, même en France. À l’heure où les pénuries d’eau saisonnières et locales risquent de se faire de plus en plus fréquentes, nombre d’entre nous s’interrogent : comment utilisons-nous notre eau ? Quelles mesures pouvons-nous mettre en place ?

Sur les importantes précipitations d’eau qui tombent habituellement sur la France, deux tiers finissent évaporés. Le reste étanche les rivières, les lacs, les bassins et les nappes aquifères qui constituent la sève de notre pays, aussi bien pour cultiver notre nourriture que pour alimenter nos villes en électricité. Or, le réchauffement global induit par le dérèglement climatique réduit nos ressources en eau ; l’année 2019 a battu des records en matière de températures et de faibles précipitations, véritable cocktail explosif propice aux pénuries d’eau. Selon les projections, le pays devrait subir de plus fortes chaleurs et sécheresses à l’avenir, impliquant des épisodes de pénurie plus fréquents et plus drastiques encore.

À la hausse des températures correspond une augmentation de la demande en eau, ce qui contraint à puiser dans des réserves d’ores et déjà amenuisées. La raréfaction de ce bien commun affecte chaque aspect de notre quotidien et peut provoquer des tensions parmi les consommateurs, soucieux de s’assurer l’approvisionnement en une resource dont ils ont besoin. Les foyers, l’industrie, l’agriculture et même le secteur de l’énergie dépendent énormément du approvisionnement en eau ; les centrales nucléaires ont en effet dû être mises à l’arrêt lorsque les cours d’eau, déjà taris, se sont avérés trop chauds pour pouvoir refroidir leurs réacteurs. La sécheresse produit également un effet dévastateur sur la faune et la flore ainsi que sur l’environnement dans son ensemble. En 2019, des milliers d’arbres ont succombé sous l’effet de l’aridité et des forêts desséchées se sont retrouvées en proie aux feux.

C’est au sein de nos foyers que la majorité d’entre nous prend réellement conscience des pénuries. L’eau potable représente environ un cinquième de la consommation du pays. Malgré des dispositifs destinés à donner la priorité à l’approvisionnement en eau de la population et à empêcher le tarissement des robinets, il n’est pas rare que les épisodes de sécheresse entraînent des restrictions à l’échelle locale. Dans les faits, les pénuries les plus sévères se traduisent par un débit réduit à un mince filet d’eau et par la distribution d’eau en bouteille de la part des autorités.

En France, le changement climatique mondial réduit notre approvisionnement en eau. L’année dernière, nous avons battu des records de températures élevées, un phénomène voué à devenir plus fréquent à l’avenir.

PHOTOGRAPHIE DE Shutterstuck

Toutefois, les moyens pour atténuer les répercussions des pénuries d’eau à notre échelle ne manquent pas. Le gouvernement a récemment proposé une série de mesures pour optimiser l’approvisionnement en eau douce du pays, mettant l’accent notamment sur une collecte accrue, sur la réduction de la consommation et sur la protection de nos sources d’eau. Parmi ces dispositions figurent une plus grande souplesse pour les autorités locales, alors libres d’augmenter le prix de l’eau lorsque celle-ci vient à manquer, ainsi que des mesures incitatives destinées à favoriser l’aménagement de réservoirs supplémentaires et la sauvegarde des zones humides. Outre ces solutions, le transfert d’eau des régions les plus humides à celles davantage frappées par la sécheresse, voire la construction d’usines de dessalement de l’eau de mer — des projets au coût plus élevé — sont également envisageables.

Peut-être le meilleur moyen de garantir la sécurité de l’approvisionnement en eau réside-t-il tout simplement dans un usage plus raisonné. Des économies d’eau peuvent être réalisées dans de nombreux domaines, à commencer par les infrastructures nationales, où les fuites sont à l’origine d’une perte de 20 % de l’eau potable. Alors que les agriculteurs investissent déjà dans des systèmes d’irrigation plus efficaces, le secteur industriel pourrait recourir à l’eau salée plutôt qu’à l’eau douce pour certains processus tels que le refroidissement. À l’échelle municipale, les villes pourraient recycler davantage l’eau et suivre l’exemple de Paris, où un double réseau d’alimentation garantit l’accès à une eau traitée depuis nos robinets et permet le nettoyage des rues au moyen d’une eau non traitée, assurant ainsi une meilleure gestion des réserves estivales.

Même à notre petite échelle, des changements minimes d’habitudes adoptés au quotidien par de nombreux individus à travers le pays pourraient faire évoluer les choses. Si la consommation domestique a diminué ces dernières années, nous utilisons en moyenne 143 litres d’eau par jour, dont 7 % seulement nous servent à boire et à nous nourrir. Réduire la durée de nos douches, réparer les fuites et espacer les chasses d’eau constituent autant de petits gestes générateurs d’importantes économies d’eau. À titre d’exemple, les lave-vaisselles consomment bien moins que le lavage à la main et le simple fait de passer l’étape du rinçage préalable des poêles et des casseroles peut permettre d’économiser chaque fois jusqu’à 60 litres. À la maison, chacun d’entre nous peut donc apporter sa pierre à l’édifice et contribuer à préserver notre eau.

Dans de nombreuses régions françaises, les pénuries saisonnières nous font prendre davantage conscience à quel point cet or bleu, que nous considérons parfois à tort comme acquis, est précieux. Au cours des 50 prochaines années, le dérèglement climatique risque de réduire de 40 % le débit de nos cours d’eau, diminuant drastiquement nos ressources au moment où nous en avons pourtant le plus besoin, lors d’étés de plus en plus chauds. À l’heure où nous réalisons la valeur inestimable de chaque goutte, adopter de bonnes habitudes dès aujourd’hui semble indispensable. En prêtant attention à notre consommation, de la douche jusqu’à la vaisselle, chacun d’entre nous peut contribuer à un avenir meilleur pour continuer d’assurer l’approvisionnement en eau dans l’Hexagone.

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