Europe : plus de la moitié des espèces d'oiseaux sauvages sont en déclin
Selon un rapport de la commission européenne, 53 % des espèces d’oiseaux seraient dans un état de conservation défavorable dans les pays de l’Union entre 2013 et 2018. En cause, les activités agricoles, principales raisons du déclin des populations.
Un étourneau sansonnet, espèce de passereaux de la famille des sturnidés, originaire de la plus grande partie de l'Eurasie, ici photographié au Wildlife Center of Silicon Valley de San Jose, en Californie.
« L’évaluation au niveau de l’Union européenne indique que l’état des populations est jugé "favorable" pour 47 % de l’ensemble des espèces d’oiseaux, ce qui représente une baisse de 5 % par rapport au taux de 52 % enregistré en 2015 » indique la troisième édition du rapport publié le 15 octobre dernier. Tous les six ans, les États membres de l’Union Européenne rendent compte auprès de l’Agence européenne pour l’environnement de l’état de conservation des espèces et des habitats sur leur sol.
Cette année, la situation s’est sensiblement aggravée pour les oiseaux sauvages car pour la première fois, plus de la moitié des populations sont en déclin. À titre d’exemple, l’alouette des champs (Alauda arvensis), le chardonneret élégant (Carduelis carduelis) ou encore le Gypaète barbu (Gypaetus barbatus) apparaissent dans la liste des espèces en danger.
Ce déclin serait fortement lié à la destruction des habitats de ces espèces. Au moins 81 % des espaces protégés, qui représentent près d’un tiers de la superficie terrestre et 400 000 km² des eaux de l’Union européenne, sont désormais dans un état de conservation défavorable, contre 77 % pour la précédente période analysée. Les pelouses naturelles, les habitats d’eau douce, les dunes ont connu une dégradation continue ces dernières années.
Cette analyse porte sur les données de conservation de plus de 460 espèces d’oiseaux sauvages, 233 types d’habitats naturels, et près de 1400 végétaux et autres animaux sauvages protégés par la directive « Oiseaux » et la directive « Habitats ».
En ce qui concerne les mammifères, les reptiles, les poissons et les végétaux, le rapport souligne quelques améliorations puisque pour 27 % des évaluations effectuées, on observe un état de conservation favorable, contre 23 % lors du précédent rapport en 2015. La situation du lynx ibérique, du renne des forêts et de la loutre sont ainsi en voie d'amélioration. Pour 63 % des espèces en revanche, cet état de conservation demeure « insuffisant » voire « médiocre ».
« Cette évaluation fait apparaître la nécessité d’opérer un changement radical si nous voulons avoir une chance réelle de faire en sorte que la biodiversité de l’Europe soit sur la voie du rétablissement d’ici 2030 » indiquent les membres de la commission européenne dans leur conclusion.
L’AGRICULTURE, PRINCIPALE CAUSE DE LA PERTE DE BIODIVERSITÉ
« Bien que certains médias estiment que le texte acté par le Parlement européen soit équilibré et qu’il permette une future Politique agricole commune (PAC) résolument plus verte, cette proposition demeure bien insuffisante pour enrayer la perte de biodiversité dans les milieux agricoles du territoire européen » déclare Pauline Rattez, responsable politiques agricoles et alimentaires au sein de la Ligue pour la protection des Oiseaux (LPO).
Les pressions liées aux activités agricoles intensives sont les principales causes du déclin de la faune sauvage : pollution de l’eau et des sols, utilisation des pesticides à grande échelle, appauvrissement des sols mais surtout disparition des arbres et des haies au profit des monocultures... privent les oiseaux de lieux où nidifier, puis les empêchent de nourrir leurs petits, entraînant année après année la disparition d'espèces.
Le vote qui s'est tenu au Parlement européen du 20 au 22 octobre 2020 pour une nouvelle Politique Agricole Commune devrait être décisif en termes de conservation des espaces de vie et de la biodiversité sur le vieux continent. Elle engage notamment chaque pays européen à consacrer au moins 20 % de son budget agricole dans des solutions plus vertes. Des « éco-régimes », des aides directes seront attribuées aux agriculteurs qui se tourneront vers une agriculture biologique et favorisant la rotation des cultures.
Cette nouvelle PAC, initialement prévue pour 2021 n’entrera finalement en vigueur qu’en 2023.
Pourtant, selon la LPO, ces mesures ne sont pas à la hauteur d’une réelle transition agro-écologique. L’association estime que le texte proposé par le Parlement européen est loin de pouvoir permettre à l’agriculture de demain de relever les enjeux liés à la perte de biodiversité, à la dégradation des ressources naturelles ou encore au changement climatique. « Il n'y a aucune obligation de réduction de l’usage d’engrais chimiques, seule "l’utilisation d’un outil agricole pour la gestion durable des nutriments" est obligatoire. Il n'est pas non plus fait mention d’obligation de réduire l’usage d’engrais chimiques, mais la simple mise en place d’un outil de suivi des quantités utilisées. Pis encore, le caractère obligatoire du soutien à l’agriculture biologique a lui été explicitement rejeté » déplore Pauline Rattez.
Depuis 1979, la Directive « Oiseaux » cadre la protection de toutes les espèces d’oiseaux sauvages présentes sur le territoire européen des États membres. Elle dicte les mesures spécifiques de protection, comme la création de zones protégées, l’interdiction de ramasser les œufs de ces espèces ou de détenir un oiseau dont la chasse n’est pas permise.
À terme, le risque serait qu'un petit nombre d’espèces prenne la place de toutes les autres, avec d’un côté certaines adaptées à la pollution et au changement climatique, et de l'autre des oiseaux d'élevage qui seraient destinés à la consommation. Ce serait donc la fin d’une biodiversité foisonnante telle que nous la connaissons.