Les États-Unis génèrent plus de déchets plastiques que n’importe quelle autre nation

Alors qu’une poignée de pays asiatiques étaient pointés du doigt comme responsables de la pollution plastique mondiale, une nouvelle étude révèle que les États-Unis seraient en fait les premiers producteurs de déchets plastiques au monde.

De Laura Parker
Publication 2 nov. 2020, 16:54 CET
Sacs en plastique provenant de magasins Walmart de l’ensemble des États-Unis en attente d'être traités dans ...

Sacs en plastique provenant de magasins Walmart de l’ensemble des États-Unis en attente d'être traités dans une ancienne usine délabrée de transformation alimentaire devenue usine de recyclage à Montezuma, en Géorgie.

PHOTOGRAPHIE DE Melissa Golden, Redux

Lorsqu’elle a dévoilé son programme de lutte contre les déchets maritimes au début du mois dernier, l’Agence de protection de l’environnement américaine a désigné cinq pays asiatiques, à savoir la Chine, l’Indonésie, les Philippines, la Thaïlande et le Vietnam, comme étant responsables de plus de la moitié des déchets plastiques qui se déversent chaque année dans les océans.

« Les États-Unis abritent quelques-unes des plus belles plages et sont bordés des plus beaux océans au monde. Son littoral est incroyable », peut-on lire en grand sur la première page du programme, une citation du président Trump. « En tant que président, je continuerai à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que nos océans ne deviennent pas les décharges des autres nations ».

Mais, pour les scientifiques, cette formule pose un problème : elle déforme les complexités d’un problème mondial et renforce la suffisance des États-Unis quant aux déchets maritimes, qu'ils attribuent à l’Asie. D’ailleurs, une nouvelle étude publiée vendredi 30 octobre dans la revue Science Advances révise le rôle des États-Unis comme consommateur de plastique et conclut que le pays a encore beaucoup à faire au niveau national pour la gestion de ses déchets.

Si le rapport souligne que la Chine est le plus grand fabricant de plastique au monde, les États-Unis sont, de loin, la nation qui génère le plus de déchets plastiques au monde : en 2016, le pays en a produit 42 millions de tonnes métriques, soit 46 millions de tonnes impériales). Les États-Unis occupent également la troisième place du podium des pays côtiers contribuant à l’afflux de déchets sur le littoral, soit parce que ces derniers ont été jetés illégalement, soit en raison de leur mauvaise gestion.

Moins de 10 % des déchets plastiques américains sont recyclés et les États-Unis envoient depuis 30 ans la moitié des déchets plastiques recyclables à l’étranger, principalement en Chine et dans d’autres pays en voie de développement qui ne disposent pas des infrastructures nécessaires pour les traiter. Cette pratique a été fortement réduite lorsque la Chine a annoncé en 2018 qu’elle cessait d’acheter des déchets plastiques dans le cadre de sa campagne écologique visant à nettoyer son propre environnement.

C’est en partie à cause de cette pratique de « recherche des coupables » que les auteurs de l’étude ont décidé de mener l’enquête, car cela ne permet pas de regrouper les pays pour trouver une solution mondiale au problème.

« Ne nous voilons pas la face, nous avons une importante population côtière [aux États-Unis]. Nous consommons beaucoup et cela a des conséquences. Nous devons cesser ces bêtises, cesser de croire que nous avons juste à empêcher les pays asiatiques de jeter des déchets dans l’océan et que tout sera résolu », explique Ted Siegler, économiste, partenaire à DSM Environmental Services à Windsor dans le Vermont et co-auteur de l’étude.

Cette nouvelle étude ne porte pas seulement sur l’analyse de la gestion des déchets plastiques par les États-Unis. La semaine dernière, l’Académie nationale des sciences des États-Unis a tenu sa première réunion publique pour une évaluation de 18 mois sur la contribution du pays aux déchets plastiques. Cette évaluation a été demandée par le Congrès et doit être rendue fin 2021. Elle est inscrite dans la législation finançant le programme relatif aux déchets maritimes de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), qui supervise le projet. Dans la convocation à la réunion, Amy Uhrin, scientifique en chef du programme de la NOAA, a rappelé à l’assemblée : « Ce problème ne se limite pas juste à l’Asie du Sud-Est ».

 

UN PROBLÈME MONDIAL

Il est paradoxal de souligner que l’Asie est pointée du doigt depuis 2015, quand certains auteurs de la nouvelle étude parue dans Science Advances publiaient la première évaluation globale sur le problème mondial posé par les déchets. S’appuyant sur les données de la Banque mondiale provenant de 192 pays côtiers, ils ont conclu que 8 millions de tonnes métriques de déchets plastiques (8,8 millions de tonnes impériales) rejoignaient en moyenne la mer depuis les côtes chaque année. Ce chiffre a été largement accepté comme valeur de référence.

Dans l’étude datant de 2015, les scientifiques avaient également publié un classement des 20 pays qui contribuaient le plus aux déchets plastiques et qui a été largement diffusé depuis. Les cinq plus importants pollueurs plastiques étaient la Chine, l’Indonésie, les Philippines, le Vietnam et la Thaïlande. Les États-Unis occupaient la 20e place du classement et étaient le seul pays riche à y figurer.

Bien sûr, les pays densément peuplés et en voie de développement d’Asie et d’Afrique, qui connaissent l’expansion de leur classe moyenne et un appétit grandissant pour les produits de consommation, mais manquent d’infrastructures pour gérer correctement les déchets, contribuent fortement à ce problème mondial.

Toutefois, Dave Ford, ancien directeur de la publicité, juge que ce discours n’est d’aucune aide. En 2019, il a fait appel à Soul Buffalo, le réseau de leadership qu’il a fondé, pour rassembler géants du secteur et défenseurs de l’environnement afin de trouver des solutions au problème posé par les déchets plastiques.

« 70 des plus grandes organisations et 25 marques nous ont rejoins », indique-t-il. « Nous dialoguons régulièrement avec les principaux leaders du secteur. Cependant, au moins une dizaine d’entreprises américaines me disent ne pas comprendre pourquoi elles devraient rejoindre cette initiative, car elles estiment que le problème concerne principalement l’Asie ».

Winnie Lau, scientifique au Pew Charitable Trusts qui n’a pas pris part à l’étude publiée dans Science Advances, déclare que cela « révèle l’ampleur réelle de la contribution des pays riches comme les États-Unis au problème de la pollution plastique marine mondiale ». Elle ajoute que les découvertes de l’étude viennent étayer les conclusions auxquelles l’organisation était parvenue dans son étude sur les déchets plastiques.

Un peu plus tôt dans l’année, à l’occasion d’un partenariat avec SYSTEMQ, une société de conseils environnementaux basée à Londres, Pew Charitable Trusts est arrivée à la prévision suivante : d’ici 2040, la quantité de déchets plastiques dans les océans triplera si le monde n’agit pas très rapidement pour réduire l’utilisation de plastique.

 

LE DÉVERSEMENT ILLÉGAL ET L’EXPORTATION DES DÉCHETS ENFIN PRIS EN COMPTE

Si l’étude novatrice de 2015 sur la pollution plastique marine n’incluait pas le déversement illégal et l’exportation de déchets plastiques, la nouvelle étude les prend en compte, mais uniquement pour les États-Unis. Selon les chercheurs, les données pour les autres nations n’existent pas ou sont incohérentes.

« Nous n’essayons pas de refaire l’étude de 2015 », confie Kara Lavender Law, océanologue à la Sea Education Association de Woods Hole dans le Massachusetts et auteure principale de la nouvelle étude. « L’objectif était d’étudier les États-Unis ».

Les scientifiques ont toutefois découvert que la plupart des pays en voie de développement présentant une mauvaise gestion des déchets dans l’étude de 2015, qui utilisait les données de 2010, ont depuis progressé dans la gestion des déchets et la construction des infrastructures. Les pays asiatiques qui occupaient les cinq premières places du classement se sont aussi améliorés. À titre d’exemple, la Chine a connu une diminution de 60 % des déchets générés et un recul de 51 % pour ce qui est des déchets mal gérés, ce qui s’explique principalement par la construction rapide d’incinérateurs.

En analysant les données de 2016, l’équipe a constaté que 3 % de tous les déchets plastiques générés aux États-Unis étaient jetés ou illégalement déversés dans la nature. Si ce pourcentage semble faible, cela représente toutefois 1,25 million de tonnes métriques de déchets.

Toujours en 2016, plus de la moitié des 3,91 millions de tonnes métriques de plastique collectées aux États-Unis a été exportée et était destinée à hauteur de 88 % à des pays ne disposant pas des ressources adéquates pour gérer et traiter correctement ces déchets. L’équipe a estimé qu’un million de tonnes métriques de déchets exportés des États-Unis finissaient par polluer l’environnement hors des frontières du pays.

L’American Chemistry Council, un groupe de commerce industriel, conteste l’utilisation des chiffres de 2016, qui ne reflèteraient pas les récentes et profondes évolutions du commerce mondial des déchets plastiques. Depuis 2018 et la fin de l’achat par la Chine des déchets plastiques importés, les exportations américaines de ces déchets ont chuté de 66 %. En outre, l’ONU a cherché à contrôler ce commerce avec la Convention de Bâle, même si les États-Unis ne l’ont pas ratifiée.

Selon les auteurs de la nouvelle étude, malgré les bouleversements qu’a connu le commerce des déchets plastiques, la raison principale pour laquelle les États-Unis en exportent un aussi grand volume reste la même : le secteur du recyclage continue de poser des problèmes dans le pays et nécessite une restructuration urgente. Cette situation a été relevée par les National Academies of Sciences (Académies nationales des sciences), qui se sont rassemblées la semaine dernière.

En 2016, les États-Unis ont contribué à jeter dans la nature 2,24 millions de tonnes métriques de déchets plastiques, dont plus de la moitié (1,5 million) le long du littoral, ce qui signifie que la probabilité qu’ils finissent dans les océans est très élevée.

Jenna Jambeck, professeure de génie environnemental à l’université de Géorgie et l’une des auteurs de l’étude, explique que ces 2,24 millions de tonnes de déchets seraient suffisantes pour recouvrir la pelouse de la Maison blanche sur une hauteur équivalente à l’Empire State Building.

Si cela ne constitue qu’une fraction des déchets générés par les pays en voie de développement, Kara Lavender Law regarde ces chiffres sous un autre angle : en 2016, les États-Unis représentaient 4 % de la population mondiale, mais ont généré 17 % des déchets plastiques mondiaux. D’après la scientifique, la conclusion de la nouvelle étude est simple : « Nous devons vraiment regarder ce qu’il se passe chez nous en ce qui concerne nos propres déchets plastiques », confie-t-elle.

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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