Le plus gros iceberg au monde s’est détaché de l’Antarctique
L'iceberg A-76 devrait dériver dans la mer de Weddel avant de se fractionner et fondre peu à peu.
Cet iceberg dont la taille équivaut à la superficie des Alpes-Maritimes, de la Haute-Savoie ou encore de la moitié de la Corse a quitté le continent gelé et dérive à présent dans la mer de Weddell. « L’iceberg, baptisé A-76, fait environ 175 km de long sur 25 km de large, pour une surface totale de 4 320 km² » précise Jerome Bouffard, géophysicien, responsable de la mission CryoSat à l’Agence Spatial Européenne (ESA). Avec de telles dimensions, l’iceberg A-76 est actuellement le plus grand du monde.
L’iceberg à la dérive dans le sud de l’océan Atlantique, avait initialement été repéré par le British Antarctic Survey (BAS), un organisme de recherches britannique sur les zones polaires, qui dispose d’une base dans les alentours. Il a commencé à se séparer le 13 mai de la barrière Ronne mais les images de l'énorme bloc de glace ont été dévoilées jeudi 20 mai 2021 par l’ESA.
Les images de l’iceberg prises par le satellite Sentinel-1 dans le cadre du programme européen d'observation de la Terre Copernicus avaient permis en février de montrer la rupture d’un autre iceberg de 1270 km², nommé A-68. « Traditionnellement, les icebergs sont nommés par une lettre correspondant à la partie de l’Antarctique où ils sont originellement détectés puis suivis d’un numéro une fois qu’ils sont détachés » explique Jerome Bouffard.
Avant A-76, l'iceberg géant A-68 était le plus gros iceberg connu du monde, lui aussi à la dérive près des côtes de l'Antarctique
De fait, le continent Antarctique se réchauffe à un rythme plus rapide que le reste de la planète mais pour cet iceberg en particulier, il est difficile d‘établir un lien direct avec le réchauffement climatique, il peut s’agir d’un processus cyclique naturel. « Depuis une vingtaine d’années, 6.5 trilliards de tonnes de glace ont fondu et cela s’accélère » confirme le géophysicien. En revanche, cet évènement ne devrait pas avoir d’impact sur le niveau de la mer car la banquise de laquelle s’est détaché A-76 était déjà en flottaison sur l’eau.
Dans les prochains mois, cet iceberg géant devrait être transporté par les courants puis se fragmenter peu à peu. Les chercheurs pourront suivre l’évolution de cette fragmentation grâce à Sentinel-1. « Nous pourrons suivre deux composantes : les images bidimensionnelles de surface pour voir comment il se déplace et l’altimétrie satellitaire qui permet d’obtenir des informations tridimensionnelles » explique Jérôme Bouffard. Ainsi les scientifiques pourront obtenir une topographie très précise de cet iceberg et connaître son épaisseur, probablement de l’ordre de quelques centimètres.
En fondant, A-76 va apporter de l’eau douce à son environnement, modifiant la circulation thermo haline tout en enrichissant les eaux Antarctique en nutriments. Ces derniers auront un rôle important dans la biologie marine, notamment dans la production de plancton, le premier maillon de la chaîne alimentaire dans les mers et océans du globe.
Dans les années à venir, l’ESA prévoit d’améliorer la couverture spatiale de ce type de phénomènes dans le cadre de la mission Copernicus. « En termes de mission polaire, nous préparons la mission Crystal, qui est une mission altimétrique, ROSE-L, un satellite stabilisé 3 axes dans la même lignée que Sentinelle 1. Et le satellite CIMR, qui permet de caractériser la glace de mer » précise Jerome Bouffard. Ces futures missions permettant d’accroître les capacités d’observations, l’Europe sera ainsi dotée des meilleurs instruments au monde pour scruter notre planète et reporter les bouleversements dont elle est l'objet.