Alpes françaises : sur les traces du glacier Blanc, monument de glace en sursis

Au mieux, d’ici 2100, nous pourrions sauver seulement près de 20 % de ce glacier menacé par le changement climatique. Reportage au sommet.

De Manon Meyer-Hilfiger, National Geographic
Publication 1 avr. 2022, 11:30 CEST
Selon une étude, il pourrait ne rester qu’1% du glacier Blanc si nous ne limitons pas ...

Selon une étude, il pourrait ne rester qu’1% du glacier Blanc si nous ne limitons pas les émissions de gaz à effet de serre.

PHOTOGRAPHIE DE Thibaut Blais

Sur le parking du Pré de Madame Carle, au cœur du pays des Ecrins dans les Hautes Alpes, Claude Albrand réajuste son sac à dos, prêt à aller constater une nouvelle fois le recul du front du glacier Blanc. À 78 ans, ce guide de haute montagne au visage buriné sillonne les sommets depuis près de 60 ans. Lui a constaté de première main la lente disparition des glaciers. Surtout ceux iconiques de la région, le glacier Blanc et le glacier Noir. « Au cours du XXe siècle, ces deux glaciers ont reculé de manière constante » acquiesce-t-il pour lui-même.

Si nous sommes incapables de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, alors les glaciers des Alpes pourraient bien rejoindre les dinosaures au pays des disparus. En tout cas pour la grande majorité d’entre eux. Ces masses de glaces alpines risquent de fondre à près de 90 % d’ici la fin du siècle, d’après une étude parue dans la revue The Cryosphere en 2019.

En 1820, les deux glaciers se rejoignaient au parking. Aujourd’hui, le réchauffement climatique a acté leur rupture. C’est le glacier Blanc qui est parti en premier. « Le glacier Noir, lui est relativement protégé de la morsure du soleil par une épaisse couche de graviers, et de pierres » explique Claude. Devant lui, les pointes Durand et Puiseux s’élancent vers le ciel. Leurs corps immenses et gris sont striés de cascade opaline.  Leurs sommets atteignants près de 4000 mètres d’altitude, ils évoquent des géants aux crânes pointus.  « Nous étions l’endroit avec les plus hauts sommets de France au moment où Bonaparte a créé les départements. Voilà pourquoi le nôtre s’appelle les  « Hautes Alpes » ». En 1860, Napoléon III a intégré la Savoie– où le mont Blanc se pavane à plus de 4800 mètres – au royaume de France. « Nous avons donc perdu notre suprématie. Mais ici, on ignore Napoléon III. Pour nous, ce sont toujours les plus hauts sommets de l’Hexagone» sourit le guide.

Près de deux heures de marche nous sépare du front du glacier. Nous zigzaguons dans les forêts de mélèzes. Eux aussi évoluent avec le réchauffement. Comme d’autres espèces, ils s’installent plus haut en altitude.

L’alpinisme a commencé dans la région au XIXe siècle.

L’alpinisme a commencé dans la région au XIXe siècle.

PHOTOGRAPHIE DE Thibaut Blais

Un torrent translucide dévale la pente. « On l’appelle le torrent de la momie » explique doctement Claude en pointant l’eau avec son bâton de randonneur « parce que l’on retrouve parfois des alpinistes momifiés dans le glacier plus haut». L’alpinisme a commencé dans la région au XIXe siècle. En 1828, le capitaine Adrien Durand fut le premier homme-dont on a la trace- à s’aventurer sur les sommets du pays des Écrins, pour élaborer une carte de la région avec précision. Ensuite, ce sont pour beaucoup des grimpeurs britanniques qui se lancèrent à l’assaut des cimes et baptisèrent de leurs noms d’outre-Manche – Tuckett, Whymper - les reliefs et refuges de la région. Eux n’étaient pas préoccupés par le changement climatique et ses effets sur la montagne. Il s’agissait alors simplement de ne pas donner sa raison d’être au torrent, et ne pas finir momifié..

L’haleine du vent se fait plus fraîche. À 2300 m d’altitude, nous arrivons enfin aux abords du glacier Blanc, ce monument de glace en danger. Depuis 1986, il a reculé de près d’un kilomètre ! « La plupart des glaciologues disent que cela va perdurer dans les prochaines années » indique Claude.

 Le changement climatique est à l’œuvre. Les experts estiment que même si nous limitions la hausse des températures aux objectifs de l’accord de Paris, nous pourrions sauver seulement près de 20 % de cette masse de glace d’ici 2100. Selon cette même étude, il pourrait aussi bien n’en rester qu’1 % si les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter.

En descendant, laissant derrière nous un camaïeu de blanc et de bleu, la beauté et le silence des lieux invitent à l’introspection. Le changement climatique modifie les paysages que nous connaissons. Les pentes de la montagne verdissent -des plantes colonisent les endroits laissés libres par la fonte des glaces. Les êtres humains devront s’adapter. Une constante, toutefois : ces cathédrales de pierre millénaires resteront indifférentes à notre sort.

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