Ces villes s'enfoncent peu à peu dans le sol

L'activité humaine et les forces naturelles peuvent provoquer l’affaissement de certaines parties de la surface de la Terre. Plusieurs villes sont ainsi confrontées à un double problème : l'affaissement du sol et la montée des eaux.

De Elise Cutts
Publication 20 juin 2023, 15:21 CEST
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Si la ville de New York s'enfonce, la mer qui l'entoure monte d’autant plus vite. Un système de murs et de vannes d'une valeur de 1,45 milliard de dollars (environ 1,33 milliard d’euros) vise à protéger la ville de l'élévation du niveau de la mer.

PHOTOGRAPHIE DE Ed Jones, AFP, Getty Images

La ville de New York s'enfonce lentement mais sûrement dans l'océan Atlantique. Des chercheurs ont récemment montré que la ville se rapproche chaque année de 1 à 2 millimètres du niveau de la mer. Combiné à l'élévation de ce dernier et à l'intensification des tempêtes, ce phénomène pourrait accroître le risque d'inondations dévastatrices.

« La plupart des gros titres disent que les gratte-ciel sont le vrai problème, mais ce n'est pas le cas », déclare Tom Parsons, de l’Institut d'études géologiques des États-Unis, qui a dirigé l’étude.

Bien que certaines parties de la ville soient construites sur des territoires artificialisés, obtenus en déversant des sédiments dans l'eau, la plupart des gratte-ciel les plus lourds de la Grosse Pomme sont construits sur un soubassement solide. Le lent affaissement de la ville vers le rivage a bien plus à voir avec la géologie qu'avec de lourdes constructions. Dans le cas de New York, la mer monte en réalité plus vite que la terre ne s’enfonce, ajoute Tom Parsons.

« Sans l'élévation du niveau de la mer, le problème ne se poserait pas vraiment », ajoute-t-il.

Ce n'est cependant pas le cas pour de nombreuses autres villes dans le monde. De Jakarta, en Indonésie, à la Nouvelle-Orléans, aux États-Unis, nombreuses sont celles qui s'enfoncent beaucoup plus vite que l’eau ne monte pour les engloutir. 

 

AFFAISSEMENTS ET INONDATIONS

Chaque année, le niveau moyen de la mer s'élève d'environ 2,5 millimètres. Dans certaines parties de Jakarta, cependant, l'élévation annuelle relative du niveau de la mer peut être plus proche des 25 centimètres. Cela s'explique par le fait que l’eau ne fait pas que monter : la ville s'enfonce.

« Il faut faire la somme de ces deux effets », indique Pietro Teatini, ingénieur en génie civil à l'université de Padoue, en Italie, et président de l’Initiative sur l'affaissement des sols (LaSII) de l’UNESCO. « C'est ce que l'on appelle l'élévation relative du niveau de la mer : il s'agit de l'élévation du niveau de la mer cumulé à l'affaissement du sol. »

La subsidence, ou affaissement du sol, se produit lorsque l'activité humaine ou les forces naturelles provoquent l'enfoncement de certaines parties de la surface de la Terre. Cela peut entraîner des problèmes à l'intérieur des terres et sur les côtes. Bien que la subsidence ait de nombreuses causes, notamment les activités humaines telles que le pompage des eaux souterraines et la construction de villes sur des sédiments meubles, elle n'est généralement pas le résultat direct du changement climatique.

À cause d'une accumulation frénétique de facteurs humains et à une géographie malheureuse, Jakarta est l'une des villes qui s'affaissent le plus rapidement au monde. Plus de 40 % de la surface de la capitale étant située sous le niveau de la mer et les tempêtes s'intensifiant probablement en raison du changement climatique, les inondations deviennent fréquentes et dévastatrices, au point que le gouvernement indonésien envisage de déplacer sa capitale sur une autre île.

 

EXTRACTION D'EAU ET D'AUTRES RESSOURCES SOUTERRAINES

Les humains ont besoin d'eau. Cependant, lorsque les villes se tournent vers les aquifères, elles peuvent involontairement créer d'énormes problèmes d'affaissement. « Je peux affirmer sans aucun doute que [le pompage des eaux souterraines] est la principale cause d'affaissement des sols dans le monde entier. C'est certainement la plus importante pour les villes », déclare Pietro Teatini.

Les roches et les sédiments de certains aquifères agissent comme des éponges : ils sont parsemés d'espaces vides, appelés pores, qui sont remplis d'eau. Si l'eau est extraite, les pores peuvent se tasser ou rétrécir sous le poids de la terre qui les recouvre. C'est pourquoi le pompage des eaux souterraines peut entraîner un tassement du sol.

Dans certaines parties de la ville de Mexico, les scientifiques affirment que l'extraction des eaux souterraines provoque un affaissement du sol pouvant aller jusqu'à 35 centimètres par an.

« La population a augmenté et a besoin d'eau. Ils prélèvent donc l'eau de l'aquifère », explique le géophysicien Shimon Wdowinski, de l'université internationale de Floride. « La surface réagit en s'affaissant. »

Au cours du siècle dernier, la capitale mexicaine s'est enfoncée d'environ 10 mètres, déformant les bâtiments et perturbant les infrastructures. L'extraction des eaux souterraines est en grande partie responsable mais la géographie peu commune de la ville y contribue également. Une grande partie de Mexico a été construite sur un lac comblé et l'ancien lit de ce dernier est mou, gorgé d'eau et assez écrasé.

Les pores de la roche peuvent également contenir des hydrocarbures tels que du pétrole ou du gaz naturel. L'extraction de ces ressources peut aussi provoquer des affaissements, ajoute Pietro Teatini, comme cela s'est produit aux Pays-Bas et autour de Ravenne, en Italie.

 

DÉVELOPPEMENT HUMAIN 

Le développement au niveau du sol et à proximité peut également provoquer des affaissements.

Dans certaines régions des Pays-Bas, par exemple, le sol s'affaisse de presque 4 à 5 millimètres par an. Selon le géologue Gilles Erkens, de l'université d'Utrecht et de Deltares, une institution de recherche à but non lucratif, cela est dû en grande partie à l'intervention de l'Homme dans les zones humides.

L'assèchement des zones humides pour gagner des terres agricoles peut entraîner la dégradation du sol. Lorsque les zones humides s'assèchent, l'oxygène présent dans l'air s'infiltre dans le sol et les microbes qui le respirent commencent à manger la tourbe, la transformant en dioxyde de carbone pour obtenir de l'énergie. Ce phénomène tasse et fragilise le sol, ce qui entraîne une subsidence.

Bien qu'il s'agisse principalement d'un problème rural, certaines villes néerlandaises, comme Gouda, sont construites sur des sols tourbeux, explique Gilles Erkens. Comme la tourbe se compacte facilement, ajoute-t-il, elle est « susceptible de s'affaisser sous l'effet de la charge. C'est ce qui se produit dans les villes. »

La construction de villes lourdes sur des sédiments en suspension n'est pas seulement un problème dans les tourbières. De nombreuses grandes villes, de Shanghai à Jakarta, en passant par Le Caire, sont situées sur des deltas, soit des plaines plates et souvent fertiles à l'embouchure des fleuves qui, comme les tourbières, sont naturellement spongieux.

Au fil du temps, les sédiments des deltas se compriment naturellement sous leur propre poids. En temps normal, les crues régulières compensent ce phénomène en apportant des sédiments frais. Néanmoins, les villes confinent souvent leurs cours d’eau avec des digues pour éviter les inondations, ce qui empêche les nouveaux sédiments d'atteindre le delta. Construire un barrage en amont peut également interrompre l'apport de sédiments, ce qui entraîne des affaissements et des inondations.

« Un delta n'est un delta que s'il y a suffisamment de sédiments provenant de l'intérieur des terres... sans que le niveau de la mer ne soit trop élevé et les terres trop affaissées », explique Gilles Erkens. « Ces trois facteurs constituent actuellement un danger pour de nombreux deltas. »

 

MOUVEMENT NATUREL DE LA TERRE

La surface de la Terre est en perpétuel mouvement : les sédiments se compactent naturellement, le sol se déforme et les plaques tectoniques se fissurent et s'entrechoquent. D'ailleurs, l'affaissement de la ligne d'horizon de la ville de New York trouve son origine dans la période glaciaire et non dans la construction moderne.

« Au cours de la dernière période glaciaire, une énorme et lourde couche de glace a appuyé sur le centre du continent », explique Tom Parsons. Tout comme les côtés d'un matelas gonflable se remplissent d’air lorsque quelqu'un s'allonge au milieu, ce poids supplémentaire au centre de l'Amérique du Nord a fait remonter ses côtes.

« Lorsque la glace a fondu, le processus s'est inversé », poursuit-il. « C'est ce qui cause 2 millimètres [d'affaissement] par an tout le long de la côte Est, y compris à New York. »

Les terres situées sous la ville de New York continueraient donc à s'enfoncer à peu près au même rythme, même si les millions d'immeubles de la métropole étaient supprimés.

Si les forces géologiques remodèlent considérablement la surface de la Terre sur de longues périodes, l'activité humaine est presque toujours la principale cause des affaissements importants, souligne Pietro Teatini. Même dans des endroits comme New York, où les affaissements sont mineurs et échappent en grande partie au contrôle de l'Homme, de minuscules dénivelés s'accumulent, surtout lorsqu'ils sont combinés à l'accélération de l'élévation du niveau de la mer due au changement climatique.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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