Comment dessaler l’eau de mer de manière durable ?
Sur Terre, seulement 1 % de l’eau potable consommée provient du dessalement de l’eau de mer ou d’eaux saumâtres. Chercheurs, entrepreneurs et citoyens tentent de trouver des solutions pour dessaler l’eau de manière durable.
Le lien entre la Méditerranée et les océans du monde se limite à un passage maritime entre l'Europe et l'Afrique, le détroit de Gibraltar, comme le montre ce cliché pris par la Station spatiale internationale.
Depuis une cinquantaine d’années, des projets de dessalement de l’eau de mer ont vu le jour partout dans le monde et la taille des usines ne fait que croître. Chaque jour, 100 millions de mètres cubes d’eau sont dessalés dans le monde, un chiffre qui devrait augmenter dans les décennies à venir du fait de la croissance démographique, du réchauffement climatique, de la pollution environnementale. Malgré son abondance sur la planète bleue, seuls 2.5 % d'eau disponible sur Terre est consommable. Selon l’OMS, un tiers de la population mondiale n’aurait pas accès à une eau salubre. Dessaler de l’eau de mer semble être une piste intéressante pour faire face à ces besoins vitaux.
Actuellement, il existe trois techniques pour retirer les molécules de chlorure de sodium de l’eau. Les pays du Golf utilisent principalement la distillation thermique pour déminéraliser totalement l’eau de mer et obtenir une eau sans sel. Cette technique permet au sultanat d’Oman de produire près de 15 % de son eau.
Le traitement des eaux par osmose inverse, reposant sur des couches de sable et de charbons, est largement utilisé en Israël et engendre le rejet d’un substrat ou concentrât en sel, immédiatement rejeté en mer. Une autre technique permet de traiter les eaux dont la salinité est faible : l’électrodialyse. Cette dernière assure le passage d'ions à travers des membranes sous l’effet d’un champ électrique. Toutes ces solutions restent très couteuses en énergie, et contribuent elles-mêmes au réchauffement climatique.
« Pour dessaler l’eau de mer, il faut " pousser " l’eau afin d’obtenir des solutions aux concentrations en sel différentes de part et d’autre de la membrane. Aussi appelée osmose inverse, cette technique permet un taux de rejet en sel de 99 % » affirme Mahail Barboiu depuis son laboratoire de Montpellier, où il développe avec ses équipes des systèmes membranaires artificiels plus écologiques et plus rentables, de nouvelles techniques basées sur la technique de l’osmose inverse sous pression.
En 2010, les chercheurs étaient parvenus à recréer des membranes semblables à celles présentes dans la nature. Ces membranes dites biomimétiques permettent de dessaler trois fois plus d’eau et de consommer 12 % d’énergie en moins pour chaque mètre cube d’eau traitée que les méthodes actuellement utilisées.
Composées de fibres de polyamides et de canaux artificiels, leur fonctionnement est basé sur un procédé naturel d’osmose et bénéficie des progrès constants de la chimie. « Ces canaux artificiels d’eau de dimension nanométrique permettent de fabriquer des mètres carrés de membranes pour produire des millions de mètres cubes d’eau dessalée chaque jour » se réjouit le chercheur.
L’ÉNERGIE SOLAIRE AU SERVICE DU DESSALEMENT
« Les installations OSMOSUN produisent de l’eau de manière autonome du lever au coucher du soleil jusque dans les endroits des plus reculés du globe » déclare Maxime Therillion, responsable du développement de la solution OSMOSUN au sein de l’entreprise Mascara NT. La désalinisation génère l’émission d'environ 80 millions de tonnes de CO2 par an et ces émissions augmentent de 10 % chaque année. Recourir à une énergie intermittente comme le solaire ou l’éolien se révèle prometteur dans l’alimentation des usines de traitement de l’eau.
En 2014, deux entrepreneurs, Marc Vergnet et Maxime Haudebourg ont créé Mascara NT, une entreprise spécialisée dans le traitement de l’eau à l’aide d’énergies renouvelables. La première unité de la solution OSMOSUN a vu le jour en 2016 à Abu Dhabi puis les installations de l’entreprise dans le monde se sont multipliées et permettent à ce jour de dessaler l’eau de mer ou saumâtre dans les zones en stress hydrique les plus reculées grâce à l’énergie solaire. L’entreprise française fait le pari de réduire son impact environnemental tout en irriguant et en fournissant un accès direct à la consommation d’eau potable.
« Sur le long terme, l’alimentation des usines de dessalement par les énergies fossiles aggrave les problèmes d’accès à l’eau en accentuant le changement climatique avec les émissions de gaz à effet de serre » explique Maxime Therillion. L’entreprise se donne aussi pour objectif de réduire au maximum son impact environnemental en limitant le rejet de concentrât dans l’océan.
Aujourd’hui l’entreprise compte une trentaine d’unités implantées dans le monde : en Indonésie, en Australie, en Kenya, sur l’île Maurice… Le défi est d’avoir localement des personnes qui soient formées pour la mise en service et pour une exploitation pérenne. « L’autonomisation des points d’eau demeure aujourd’hui un élément crucial au bon fonctionnement d’OSMOSUN sur la durée » conclut Maxime Therillion.