Comment les ouragans sont-ils mesurés et classifiés ?
Même s’ils ne sont pas classés de catégorie 5, les ouragans peuvent faire de nombreux dégâts, notamment à cause des précipitations qu’ils déversent.
14 septembre 2018 : des vagues s’écrasent sur la jetée alors que l’ouragan Florence approche des côtes de Myrtle Beach, en Caroline du Sud. Cette tempête sert d’exemple pour expliquer pourquoi il ne faut pas uniquement se fier à la catégorie d’un ouragan. Bien qu’il ait été classé de catégorie 1 lorsqu’il a touché la terre, l’ouragan Florence a causé des inondations dévastatrices.
Après une saison cyclonique dans l’Atlantique nord très active en 2020, la saison 2021 s’annonce particulièrement chargée. L’ouragan Elsa s’est abattu sur les Caraïbes le 3 juillet 2021. Ce week-end, le statut d’Elsa a été retrogadé en tempête tropicale, une première cette saison. Elle atteindra sûrement la côte ouest de la Floride ces prochains jours, engendrant des ondes de tempête potentiellement mortelles.
Toutefois, ce type de déclassement ne signifie pas nécessairement que le phénomène est moins dangereux. En 2018, plus l’ouragan Florence s’approchait de la Caroline du Nord, plus sa sévérité était revue à la baisse. Il est passé d’une catégorie 4 à une catégorie 1. La force de ses vents diminuait mais il s’étendait, ralentissait et déversait des pluies torrentielles qui ont conduit à des inondations impressionnantes.
Les pires tempêtes sont souvent considérées comme celles appartenant à la classe des ouragans majeurs, à savoir de catégorie 3, 4 et 5. Pourtant, celles des rangs inférieurs peuvent également causer des dégâts catastrophiques.
La célèbre échelle de classification de l’intensité des ouragans, l’échelle de Saffir-Simpson, ne se base que sur les pointes de vent à un moment précis.
« Ce classement ne tient compte que d’une seule dimension de l’impact des ouragans sur [la population] », explique Allison Wing, météorologue à l’université d’État de Floride.
Les tempêtes tropicales aussi peuvent être mortelles. La tempête tropicale Allison s’est abattue sur le Texas en 2001. Elle a engendré des inondations extrêmes et causé la mort de vingt-trois personnes. La tempête tropicale Claudette, qui a touché la côte du Golfe le mois dernier, a généré des crues subites, tuant quatorze personnes sur son passage.
« Je pense que l’un des plus grands défis de communication pour nous tous, ce sont les précipitations », assure James Done, météorologue à l’université du Colorado à Boulder. « La plupart des dégâts sont causés par l’eau, que ce soit les inondations ou les ondes de tempête. »
C’est la raison pour laquelle lui et d’autres scientifiques ont conçu des échelles alternatives pour classer les risques d’un ouragan. Ils soutiennent qu’une communication plus claire au public pourrait aider à sauver des vies.
CE QUE LES CATÉGORIES DES OURAGANS INDIQUENT
L’échelle de Saffir-Simpson a été imaginée pour indiquer à ceux se trouvant sur la trajectoire d’une tempête quel type de dégâts elle risque de causer. Cela va des « dégâts aux toits et aux bardeaux pour la catégorie 1 jusqu’à la destruction totale des maisons pour la catégorie 5 », explique Michael Brennan, directeur de l’unité spécialisée dans les ouragans au National Hurricane Center des États-Unis. « C’est un bon moyen de fournir des informations concises sur les risques liés aux vents. »
Lorsqu’une tempête gagne en force, il peut être utile de le mentionner dans les bulletins météorologiques « car ça attire l’attention du public. Nous ne mentionnons généralement pas les systèmes qui s’affaiblissent ».
Il souligne que la vitesse du vent est également une mesure simple pour alerter car elle a la même valeur, qu’importe la ville.
Néanmoins, en ce qui concerne les décès, c’est l’eau déplacée par un ouragan qui représente généralement la plus grande menace. Certes, les vents d’un ouragan peuvent contribuer aux inondations en tirant l’eau de la mer dans les terres. Cependant, la taille de l’onde de tempête et les dégâts qu’elle peut causer ne correspondent pas nécessairement à la vitesse des vents. La forme du plancher océanique ainsi que celle du littoral, couplée au diamètre de l’ouragan, compte également pour des facteurs majeurs.
En outre, il faut prendre en compte la quantité d’eau déversée par la tempête.
« Les précipitations n’ont quasiment aucun rapport avec [les vitesses des pointes de vent] et dépendent généralement des mouvements d’une tempête », poursuit M. Brennan.
L’année dernière, l’ouragan Sally, de catégorie 2, a glissé sur le littoral de l’Alabama en déchargeant plus de 76 centimètres de pluie. En 2017, l’ouragan Harvey a touché Houston en étant classé comme de catégorie 4. Bien que ses vents aient causé de nombreux dégâts, il a rapidement été reconnu comme l’ouragan le plus pluvieux de l’histoire des États-Unis, à cause de sa vitesse de déplacement lente.
L’ouragan Irma a dévasté les îles françaises de Saint-Barthélemy et Saint-Martin en 2017 en étant classé de catégorie 5. Outre les nombreux dégâts matériels et sociaux, il a emporté onze vies sur son passage. À titre de comparaison, la tempête Xynthia a balayé la France métropolitaine en 2010 et a causé la mort de plus de cinquante personnes, alors que la vitesse de ses vents était moins forte.
L’échelle de Saffir-Simpson présente tout de même des avantages de par sa simplicité.
« Pour les autres dangers, il est difficile de les classer simplement. Les ondes de tempête peuvent drastiquement varier. L’impact des précipitations peut fluctuer en fonction de l’humidité des sols. Un sol déjà saturé a plus de risque d’être inondé. Il serait difficile de rendre ces paramètres dans un système de classification simple », indique M. Brennan.
PENSER AU-DELÀ DE L’ÉCHELLE DE SAFFIR-SIMPSON
Les mesures de prévision du National Hurricane Center des États-Unis sont celles le plus souvent utilisées dans les journaux et les alertes officielles. Pourtant, il existe d’autres méthodes pour classer les potentiels impacts d’un ouragan.
Depuis 1960, année où l’ouragan Donna a frappé la côte Est des États-Unis, Joel Myers, le PGD d’AccuWeather, affirme qu’il réfléchit à une meilleure solution pour décrire les dangers liés aux phénomènes météorologiques. En 2019, AccuWeather a commencé à utiliser ce qu’ils ont surnommé la Real Impact Scale. Sur une échelle de 1 à 6, elle évalue différents facteurs, tels que la vitesse des vents, le potentiel d’inondation et le nombre d’habitants dans la région où la tempête est censée s’abattre.
« Lorsque l’ouragan Florence a touché la Caroline du Sud en 2018, il a constitué un parfait exemple », souligne M. Myers à propos des différences de classification des ouragans. « Il était considéré de classe 1 sur l’échelle de Saffir-Simpson. Pour nous, il était de catégorie 4. »
Selon lui, c’est dû au fait qu’AccuWeather tient compte de facteurs supplémentaires, comme la taille de la tempête et les estimations de précipitations.
Grâce au soutien de compagnies d’énergie et d’assureurs étrangers, James Done a créé le Cyclone Damage Potential Index, qui classe les tempêtes de 1 à 10. Son index inclut deux autres variables : la taille moyenne des ouragans et leur vitesse de déplacement. « La combinaison de ces deux [paramètres] nous donne une durée des vents préjudiciables. »
En d’autres termes, cet index permet de prédire non seulement la vitesse de déplacement des vents mais également le temps qu’ils vont passer à se déplacer à ces allures. Il soutient que la connaissance de ces impacts peut s’avérer particulièrement utile pour les ouragans moins violents qui ne frappent peut-être pas d’un coup mais qui, avec le temps, peuvent causer autant de dégâts qu’un ouragan plus fort.
L’index de M. Done offre en outre une estimation des inondations potentielles. En effet, les ouragans à faible vitesse de déplacement, comme Harvey par exemple, déversent de l’eau plus longtemps.
Le National Weather Service, le service météorologique des États-Unis, étudie également une meilleure manière de communiquer les risques associés aux ouragans au public. Outre la catégorisation des vitesses des vents des ouragans, le National Hurricane Center des États-Unis partage aussi des mises à jour en temps réel sur les potentielles ondes de tempête et précipitations. Ce sont deux facteurs qui peuvent être aggravés par le changement climatique.
« Il existe deux éléments qui ne font aucun doute », indique M. Brennan. « Le niveau de la mer augmente et nous en sommes témoins. [Ce paramètre] accroît notre vulnérabilité face aux ondes de tempête. L’air plus chaud retient davantage d’humidité. Les taux de précipitations peuvent donc être plus élevés. »
Pour le moment, le principe est de « connaître quels sont les risques avant qu’une tempête ne nous menace ». Pour les communautés côtières, il recommande de se renseigner sur le niveau d’endommagement qu’un bâtiment est capable de supporter. Certaines maisons construites en Floride après le passage de l’ouragan Andrew peuvent servir d’abri si elles sont aux normes.
« Il est impératif de faire cette analyse et de déterminer si votre habitation est sûre. Si ce n’est pas le cas, trouvez un endroit où vous mettre à l’abri. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.