Dans l'Arizona, ce site amérindien sacré va être cédé à une société minière

Le site d’Oak Flat, situé dans l'Arizona, est sacré pour les Apaches. Il est prévu qu’il soit cédé à une société minière, mais nombreux sont ceux qui s’opposent à cette décision controversée.

De Douglas Main
Publication 18 janv. 2021, 16:39 CET
Pendant plus d’un an, Wendsler Nosie Sr., ancien président de la réserve apache de San Carlos et leader spirituel, ...

Pendant plus d’un an, Wendsler Nosie Sr., ancien président de la réserve apache de San Carlos et leader spirituel, a vécu dans un camping-car sur le site d’Oak Flat pour tenter de protéger ces terres.

PHOTOGRAPHIE DE Ash Ponders

Situé au cœur de la forêt nationale de Tonto dans l'Arizona, à une centaine de kilomètres à l’est de Phoenix, Oak Flat est un terrain de camping et un point de randonnée très populaire. Cette région montagneuse, parsemée de chênes d’Emory et aux magnifiques paysages, représente bien plus pour les Apaches. C’est notamment le cas de Wendsler Nosie Sr., ancien président de la réserve apache de San Carlos, qui vit sur place dans un camping-car.

Pour lui et bien d’autres, le site est sacré. « C’est comme le mont Sinaï. Il fait partie intégrante de notre identité en tant que peuple », explique-t-il. Il s’agit d’un lieu de révélation divine, où vivent les divinités.

Mais cela fait plusieurs années maintenant que la société Resolution Copper cherche à acquérir ces terres, baptisées Chich’il Biłdagoteel par les Apaches. Elles abriteraient, à environ 3 000 mètres de profondeur, l’une des plus grandes réserves de cuivre inexploitées d’Amérique du Nord.

Tout a commencé en décembre 2014, lorsque John McCain, alors sénateur, a rattaché un avenant à la National Defense Authorization Act (loi de finances relative au budget de défense nationale) de 2015, ouvrant ainsi la voie à la cession de plus de 1 000 hectares de terre (dont Oak Flat) à Resolution Copper. En échange de quoi le gouvernement obtenait un peu plus de 2 000 hectares de terre à la valeur monétaire présumée équivalente, acquis par la société ailleurs dans l’État.

Le 15 janvier dernier, le service américain des forêts a publié une étude d’impact environnemental définitif pour l’échange des terres d’Oak Flat et le projet d’exploitation minière initial. Cette décision est l’une des nombreuses prises par l’administration Trump au cours des dernières semaines pour aller plus loin dans son programme de facilitation de l’exploitation des ressources naturelles. Conformément à l’avenant de 2015, le titre de propriété des terres doit être cédé sous 60 jours à Resolution Copper, une société détenue en majorité par le géant minier anglo-australien Rio Tinto.

Mais Wendsler Nosie Sr. et les autres défenseurs du site n’ont pas dit leur dernier mot. Le 12 janvier, Apache Stronghold, une organisation à but non lucratif composée d’opposants au projet minier, a intenté une action en justice devant la Cour de district de Phoenix. Elle conteste la cession d’Oak Flat, qui se fonde sur « la violation de la loi relative à la restauration de la liberté de religion et des droits constitutionnels des Apaches en matière de liberté de conscience, de respect du droit, de requête et de recours ; un abus de confiance ainsi qu’un manquement aux obligations fiduciaires ».

Une demande de privilège d’urgence sur les terres a également été déposée le 13 janvier par le groupe afin d’en garder la possession. Dans la demande, Apache Stronghold estime que « les États-Unis d’Amérique ne possèdent pas ces terres ». L’organisation s’appuie sur un traité conclu en 1852 par les Apaches et les États-Unis, qui accorde au peuple autochtone des droits sur les terres. « Le traité n’a jamais été modifié ni abrogé », est-il indiqué dans la procédure judiciaire.

Enfin, Apache Stronghold a intenté une troisième action en justice, dans laquelle elle demande à la Cour de district de bloquer la publication de la déclaration du service américain des forêts jusqu’à ce que les autres procédures judiciaires soient résolues. La justice a refusé.

 

SACRÉ DEPUIS LA NUIT DES TEMPS

Le site d’Oak Flat est sacré depuis des milliers d’années. Il s’agit d’un lieu de cérémonie, de prière et de retraite, souligne Wendsler Nosie Sr. « Notre peuple vient ici depuis la nuit des temps pour être béni », confie-t-il.

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    PHOTOGRAPHIE DE Ash Ponders

    Si l’échange de terres a bien lieu, Resolution Copper a indiqué que les activités minières ne débuteraient pas avant plusieurs années, voire une décennie... voire jamais. Nombreux sont ceux qui s’opposent farouchement à la cession de terres fédérales à une entreprise privée.

    Randy Serraglio est porte-parole et défenseur de la conservation au Center for Biological Diversity (Centre pour la diversité biologique), une organisation environnementale. Selon lui, les activités minières risquent de détruire Oak Flat et de causer des ruissellements, provoquant ainsi la pollution des aquifères en aval. Elles sont également susceptibles d’entraîner une diminution des nappes phréatiques et de nuire au cactus hérisson d’Arizona, une plante menacée que l’on trouve dans les environs. D’autres espèces pourraient aussi en subir les conséquences, à l’image du coulicou à bec jaune ou du chevesne de Gila, un petit poisson coloré, mais menacé.

    Pour accéder au filon de cuivre, la société souhaite recourir à la technique d’exploitation par blocs foudroyés, qui consiste à creuser un tunnel sous le dépôt de cuivre pour provoquer son effondrement. Cela entraînerait la formation d’un cratère massif en surface, mesurant trois kilomètres de diamètre et jusqu’à 335 mètres de profondeur, qui détruirait en grande partie la surface de la terre et menacerait les pétroglyphes et les lieux de sépulture voisins. L’Apache Leap, falaise depuis laquelle des guerriers apaches ont sauté, préférant mourir que d’être capturés par les soldats américains dans les années 1870, serait également concernée par les destructions.

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    La ville minière de Globe, dans l’Arizona, est située non loin d’Oak Flat. Depuis 1955, date à laquelle le président Dwight Eisenhower a signé le décret présidentiel protégeant le site, l’exploitation minière est interdite au sein d’Oak Flat. En cas de cession des terres à Resolution Copper, le décret sera invalidé.

    PHOTOGRAPHIE DE Ash Ponders

    « La décision illégale prise par l’administration Trump de céder Oak Flat à une société minière étrangère constitue un acte de corruption scandaleux et une cruelle trahison envers les peuples amérindiens pour qui ces terres sont sacrées », estime Randy Serraglio. « Nous ne resterons pas les bras croisés face à ce dernier acte grotesque d’un président en disgrâce sur le départ ».

     

    DES NATIONS AUTOCHTONES IGNORÉES

    Avec la publication de l’étude d’impact environnemental par le service américain des forêts débute le décompte officiel de 60 jours pour réaliser la cession du titre de propriété. Celle-ci pourrait survenir d’un moment à l’autre. Contacté pour les besoins de cet article, le service américain des forêts nous a redirigés vers le site Internet de l’agence dédié au projet minier, mais a refusé de faire tout commentaire.

    Le révérend Willam Barber, pasteur protestant de Caroline du Nord et co-président de la campagne Poor People’s Campaign, figure parmi les défenseurs d’Oak Flat.

    « Je pense que l’oppression continue des peuples autochtones est l’une des choses les plus folles des temps modernes auxquelles j’ai assisté », déclare le pasteur. « C’est du vol, c’est de la violence politique ».

    Selon lui, cet échange de terres est particulièrement scandaleux, car le titre de propriété d’Oak Flat reviendra à une entreprise étrangère, Rio Tinto, connue pour ses destructions récentes qui sont le fruit de négligences. En mai 2020, la société a détruit un abri sous roche dans la gorge de Juukan en Australie-Occidentale. Celui-ci abritait des artéfacts précieux et présentait des signes de 46 000 ans d’occupation humaine continue. L’incident a provoqué un tollé international, contraignant plusieurs hauts responsables, dont le PDG de la société, à la démission.

    Le directeur de Rio Tinto, Arnaud Soirat, a déclaré dans un communiqué de presse que l’entreprise s’était « engagée auprès des Amérindiens pour les années à venir à trouver un accord, avant que les partenaires ne prennent la décision potentielle d’investir dans le développement de ce projet ».

     

    CONTINUER LE COMBAT

    Le 10 janvier dernier, Wendsler Nosie Sr., de nombreuses autres nations apaches et des opposants au projet minier se sont réunis lors d’une cérémonie à Oak Flat, priant pour avoir la force de lutter pour la protection du site. Cet événement a été marqué par le décès d’une femme apache âgée qui s'est écroulée au sol.

    Selon Wendsler Nosie Sr., ce fut un moment triste, mais éclairant. « C’est terrible de perdre quelqu’un que vous aimez », déclare-t-il avant d’ajouter qu’il aimerait quitter ce monde en priant dans un lieu sacré.

    Sa mort « revêt une grande signification… et elle nous a appris qu’il ne fallait pas baisser les bras » dans le combat, indique-t-il.

    Selon Vanessa Nosie, la fille de Wendsler, « ce qui se produit à Oak Flat établit un précédent pour ce qu’il se passe dans le pays et dans le monde » en matière de protection ou de non-protection des sites autochtones.

    « Le combat visant à protéger Oak Flat nous influence tous, que ce soit nos anciens ou ceux qui ne sont pas encore nés », confie-t-elle.

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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