Des traces de vie ont été découvertes sous l'épaisse glace de l'Antarctique

Une équipe de scientifiques a trouvé et recueilli pour la première fois des microbes dans un lac de l'Antarctique situé sous une couche de glace de plus de 800 mètres d'épaisseur.

De Marc Kaufman

Pour la première fois, une équipe de scientifiques affirme avoir trouvé des formes de vie dans sous la calotte glaciaire de l’Antarctique.

La semaine dernière, l’équipe a découvert et recueilli des microbes dans un lac caché sous une couche de glace de plus de 800 mètres d’épaisseur. 

Cette découverte permettrait éclaircir, entre autres, ce qui se cache sous les calottes glaciaires des lunes de Jupiter et de Saturne.

Ces formes de vie n’ont que très peu de liens avec la vie à la surface de la Terre, et nombre d’entre elles semblent survivre en « mangeant de la roche », a déclaré lors d’une interview Brent Christner, de retour à la base américaine antarctique McMurdo après plusieurs semaines de travail de terrain sur le site reculé du lac Whillans.

Cela permettrait d’expliquer comment la vie pourrait survivre en l’absence de carbone sur d’autres corps célestes, tels que les lunes de Jupiter et Saturne.

« Les conditions dans lesquelles vivent les organismes du lac Whillans sont assez comparables à celles des lunes gelées telles que nous les imaginons », a ajouté Christner.

« Ces trouvailles nous en disent beaucoup sur la vie en milieu extrême sur Terre », et donc comment ce même genre de vie pourrait survivre sur une autre planète.

 

VIVRE DANS LA GLACE

Le 28 janvier, l’équipe américaine de 50 personnes a creusé la glace pour rejoindre le lac sub-glaciaire d’une surface de 50 kilomètres carrés. Ils ont eu deux jours polaires, c’est-à-dire 48 heures sans nuit, pour remonter des échantillons avant que le trou de forage ne commence à se refermer. Après une journée consacrée à l’alésage du trou, la collecte des échantillons a pu reprendre pendant deux jours supplémentaires.

En résultat de ces quatre jours de collecte, le butin des scientifiques se compose d’échantillons d’eau du lac, de sédiments du fond du lac, et des organismes vivants mis en culture en vue d’une étude plus en profondeur qui sera réalisée aux Etats-Unis.

Il faudra tout d’abord s’assurer que les microbes retrouvés n’ont pas été introduits lors du forage de la glace. L’équipe avait utilisé une technique de forage à l’eau chaude conçue pour réduire au minimum, voire éliminer, tout risque de contamination. Les autres techniques de forage au moyen de kérosène représentent un risque bien trop élevé de contamination.

Des sédiments s'effritent au moment où une caméra sous-marine touche le fond du lac Whillans, en ...
Des sédiments s'effritent au moment où une caméra sous-marine touche le fond du lac Whillans, en Antarctique.
PHOTOGRAPHIE DE Image Avec L'aimable Autorisation D'alberto Behar, Jpl, Asu, Nsf, NASA

Christner a expliqué que de la teinture avait été ajoutée à l’eau afin de colorer l’ADN des micro-organismes ; ainsi, une forte lumière verte a indiqué aux scientifiques la présence de microbes. Ces organismes sont certainement chémolithotrophes, organismes se nourrissant de composés minéraux de fer, de souffre et d’autres éléments.

Selon John Priscu, de l’université du Montana et biologiste en chef du projet Wissard (Whillans Ice Stream Subglacial Access Research Drilling), des tests en laboratoire effectués sur le site de forage confirment la présence de cellules microbiennes vivantes. 

« Je pense être en mesure d’affirmer que le lac sub-glaciaire situé sous le courant glaciaire de Whillans abrite un assemblage microbien qui s’épanouit dans cet habitat sombre et froid » d’une température de -0,5 °C, a-t-il écrit dans un email.

Le séquençage ADN qui sera effectué aux États-Unis « nous en dira plus sur leur identité et, avec d’autres expériences, comment ils arrivent à vivre ».

 

DES LACS CACHÉS

L’équipe américaine est l’une des trois équipes à opérer des forages dans le vaste système de lacs et de courants en profondeurs sous la surface de l’Antarctique. 

Une équipe britannique qui tentait de forer vers le lac Ellsworth, bien plus profond, a été contrainte d’abandonner en décembre à cause d’un problème d’équipement. Une équipe russe est quant à elle en plein travail et a recueilli des échantillons en provenance du lac Vostok.

L’évènement a fait beaucoup de bruit l’année dernière, car le lac Vostok se trouve en-dessous d’une couche de glace épaisse de 4 kilomètres. Il est bien plus profond et bien plus étendu que tout autre lac antarctique. À l’instar du lac Ellsworth, il se trouve sous une couche de glace bien plus froide et la quantité d’eau souterraine en mouvement serait bien moins profonde que celle de Whillans.

L’existence de lacs et de courants sub-glaciaires en Antarctique n’a été découverte que relativement récemment. Cela ne fait que quelques années que l’on a réussi à appréhender la taille de ce monde d’eau sous la glace. 

Helen Fricker, glaciologue à l’Institut d’océanographie Scripps et chercheuse principale sur le projet Whillans, fut la première à décrire lac Whillans en 2007.

À l’aide d’informations satellites, elle a remarqué avec son équipe entre 2003 et 2006 que la surface du courant glaciaire de Whillans montait et descendait périodiquement. Elle en a conclu qu’il y avait certainement un lac en-dessous.

La dynamique de la glace antarctique a gagné une importance cruciale à l’ère du réchauffement climatique. Le continent représente environ 90 % de l’eau douce présente sur Terre.

Bien que les lacs soient eux épargnés par le réchauffement, il est intéressant d’observer leurs interactions avec la glace de la région pour prédire le futur comportement des calottes glaciaires.

Par exemple, savoir si oui ou non la glace avance plus rapidement vers l’océan qui l’entoure est l’un des principaux objectifs du projet WISSARD, lequel s’inscrit dans un projet de plus grande envergure mené par la National Science Foundation américaine, qui porte sur la compréhension des mouvements de glace, des glaciers et de la biologie de la calotte polaire de l’Antarctique occidental.

 

DU PAIN SUR LA PLANCHE

Pour Christner, spécialiste en biologie antarctique à l’université de l’Etat de Louisiane, le travail ne fait que commencer. 

Deux laboratoires ont été transportés sur le site de Whillans par une caravane de camions en provenance de McMurdo. L’un pour faire une analyse rapide de l’eau du lac, et l’autre pour examiner les sédiments.

L’équipe de Christner est chargée de mettre des échantillons en culture dans des boîtes de Petri en vue d’une étude ultérieure plus en profondeur. D’après lui, certaines espèces de microbes, dont des bactéries et des archébactéries, seraient inédites. Mais la plupart existeraient certainement ailleurs, par exemple dans les grandes profondeurs des océans et des sous-sols.

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