D'ici quelques décennies, de nombreuses îles seront inhabitables

Selon une étude récente, des inondations provoquées par les vagues, favorisées par la montée des eaux, risqueraient de dégrader les ressources en eau de milliers d'îles.

De Michael Greshko
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Aux Tokelau, sur l’atoll de Fakaofo, les enfants doivent prendre un bateau pour se rendre à l’école.
PHOTOGRAPHIE DE Vlad Sokhin, Panos

Dans les îles Marshall, le réchauffement climatique n'a rien d'un danger lointain susceptible de frapper dans les années à venir : il fait déjà des ravages dans plus de 1 100 atolls faiblement élevés de ce pays du Pacifique.

Selon une nouvelle étude, le réchauffement climatique pourrait bientôt porter un coup fatal aux ressources en eau du pays. À mesure que le niveau de la mer s'élèvera autour des îles, des vagues plus grosses s'abattront à l'intérieur des terres comme jamais auparavant. Au-delà d'un certain nombre de vagues, l'eau salée souillera les ressources en eau des îles de façon irrémédiable.

D'après des scénarios de référence du Département américain de la défense relatifs à la montée des eaux, l'un des atolls des îles Marshall (et des milliers d'autres îles, probablement) pourrait devenir inhabitable lorsque le niveau des eaux augmentera de 40 centimètres, un scénario probable dès 2050.

« Nous espérons que les responsables et les gouvernements tiendront compte de ces prévisions afin de permettre la restauration, la relocalisation des populations touchées ou d'atténuer les dégâts, de façon à économiser de l'argent et à sauver des vies », explique Curt Storlazzi, scientifique auprès du U.S. Geological Survey et auteur principal de l'étude.

Selon des chercheurs indépendants, l'étude publiée mercredi dans Science Advances présenterait le pire des scénarios. Néanmoins, la modélisation de l'étude et le signal d'alarme qu'elle envoie ont été applaudis par les scientifiques.

« Cette étude montre combien l'action des vagues joue un rôle important dans l'inondation des sites côtiers », déclare Kristina Dahl, climatologue en chef de l'Union of Concerned Scientists qui a étudié les effets du changement climatique sur les inondations récurrentes dans les villes. « L'île observée ici serait habitable jusqu'à la fin du siècle s'il n'y avait que la montée des eaux. Cependant, l'action des vagues raccourcit ce délai considérablement. »

 

FAÇONNER LE FUTUR

Pendant que les Hommes jouent avec le climat terrestre, le niveau des eaux monte, résultat du réchauffement des mers et de la fonte des glaces au Groenland et en Antarctique. Selon des études, les inondations rendront certaines zones inhabitables bien avant que les mers ne s'en emparent définitivement.

« La majorité des études sur la montée des eaux se contente d'observer le niveau des futures marées hautes et de le comparer à l'élévation des terres. S'il s'agit d'un premier pas précieux, ces études ne modélisent pas certains mouvements, tels que les marées de vives-eaux et les vagues qui s'intensifieront avec la montée des eaux », explique la climatologue.

Ces prévisions sont particulièrement inquiétantes pour les îles Marshall ainsi que pour d'autres nations insulaires de faible altitude, qui s'élèvent à seulement quelques centimètres au-dessus du niveau de la mer. Les îles Marshall sont de plus en plus en proie à de violentes tempêtes et à des marées hautes qui anéantissent les maisons et emportent les tombes sur leur passage. Par ailleurs, de récentes périodes de sécheresse ont d'ores et déjà malmené les ressources en eau marshallaises.

Alors que le réchauffement climatique dérègle déjà l'ordre des choses, nous sommes en droit de nous demander ce que nous réserve l'avenir. Le Département de la Défense américain, qui possède une base militaire dans les îles Marshall, a chargé l'équipe de Curt Storlazzi de modéliser l'impact des inondations provoquées par les vagues sur Roi-Namur, une île de l'atoll de Kwajalein.

Le scientifique a reçu trois scénarios à modéliser : le premier prévoyant une montée des eaux de 50 centimètres d'ici à 2100 ; le second, une montée des eaux d'un mètre ; le dernier, une montée des eaux de deux mètres. L'équipe a ensuite représenté le climat terrestre, les mouvements des inondations causées par les vagues et la réaction des aquifères souterrains à l'invasion des eaux salées.

Roi-Namur a laissé les chercheurs juger par eux-mêmes la véracité de leurs travaux. En mars 2014, une énorme vague a submergé certaines zones de l'île, scindant l'intérieur des terres en deux et engloutissant les routes côtières. « Un tel impact en une belle journée ensoleillée nous a pris de cours. C'est là le cœur même du problème », indique M. Storlazzi. « La plupart de ces inondations interviennent les jours de beau temps et sont provoquées par des vagues elles-mêmes engendrées par des tempêtes situées à des centaines voire à des milliers de kilomètres de là. »

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    À la surprise de l'équipe, ses modèles étalonnés ont prédit que les inondations induites par les vagues frapperaient chaque année une fois que le niveau des eaux aurait augmenté de 40 centimètres. L'eau douce de Roi-Namur serait alors trop salée pour pouvoir être bue. Dans de nombreux atolls, l'eau provient essentiellement des nappes phréatiques. Si elle est trop salée pour pouvoir être bue, les îles deviennent alors inhabitables.

    « Nous savions que le seuil critique serait atteint dans quelques décennies, et non pas dans quelques siècles, mais nous ignorions quand exactement », reconnaît le scientifique.

     

    D'AUTRES FACTEURS ?

    Toutefois, le délai très court établi par l'étude dépend de l'amplitude de la hausse du niveau de la mer. Des chercheurs indépendants appellent à la prudence quant à l'interprétation des scénarios de l'étude.

    « Considérer les îles comme des formations géologiques inertes et immuables ne tient pas compte de la réaction aux niveaux d'eau extrêmes fréquemment observée, à savoir le dépôt de sédiments issus des récifs à la surface de l'île », avance Murray Ford, géologue à l'université d'Auckland qui étudie la réaction des littoraux à la montée des eaux. « Ces résultats représentent donc le pire des scénarios, dans lequel le comportement naturel des rivages insulaires n'est pas pris en compte. »

    « Ces scénarios imaginés ne sont pas probabilistes mais couvrent un grand nombre d'éventualités », ajoute Bob Kopp dans un e-mail, climatologue à l'université Rutgers et expert de la modélisation de la montée des eaux. « Les deux scénarios les plus critiques tiennent compte d'une hausse du niveau de la mer trop important et trop tôt. »

    D'après des recherches menées par Kopp et d'autres scientifiques, il y a deux chances sur trois que la montée des eaux atteigne 40 centimètres entre 2056 et 2083, suivant les actions menées à l'échelle mondiale pour contrer le changement climatique. En comparaison, les scénarios les plus critiques de l'étude indiquent une hausse de 40 centimètres d'ici 2045.

    Kopp rejoint néanmoins l'argument de base de l'étude. « Même dans le cas de réductions drastiques des émissions, il est probable que le seuil concernant la salinisation des îles Marshall soit franchi au cours de ce siècle », écrit-il dans un e-mail.

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