En Antarctique, l’inquiétante modification de la végétation s’accentue

Déjà observé sur la partie ouest de la péninsule Antarctique, le phénomène touche aussi la partie orientale du continent, pourtant moins affectée par l'augmentation des températures.

De Julie Lacaze
Sagine antarctique (Colobanthus quitensis) de Saint Andrews Bay, en Géorgie du Sud. Avec la canche antarctique ...
Sagine antarctique (Colobanthus quitensis) de Saint Andrews Bay, en Géorgie du Sud. Avec la canche antarctique (Deschampsia antartica), elle figure parmi les seules plantes à fleurs du pôle Sud.
PHOTOGRAPHIE DE Flickr : Antarctique Pearlwort /Liam Quinn

Avec seulement 0,3 % de végétation, le continent blanc mérite bien son nom. Le climat extrême qui règne en Antarctique est peu propice à l'épanouissement de la flore. Très pauvre et peu diversifiée, elle est dominée par les mousses et les lichens, et se concentre essentiellement sur les zones côtières, avec seulement deux espèces de plantes à fleurs : la sagine antarctique (Colobanthus quitensis) et la canche antarctique (Deschampsia antartica). Mais, depuis quelques années, plusieurs équipes de scientifiques constatent un verdissement de la partie ouest de la péninsule Antarctique.

En cause, l’augmentation de la température dans la région (qui provoque une libération d’azote, induite par la décomposition du sol, moteur de la croissance végétale), mais aussi l’abondance d’eau de fonte et des étés qui s’allongent. Une équipe britannique a ainsi constaté, en 2011, dans la revue Nature, que les deux espèces de plantes à fleurs du continent avaient tendance à proliférer. Et le verdissement se confirme : un autre groupe de chercheurs britanniques a fait un constat similaire, en 2017, dans la revue Current Biology, sur les populations de mousses et de lichens, en effectuant cinq carottages dans l’ouest de la péninsule Antarctique, sur deux sites distants de 640 km.

Si la partie ouest du continent blanc est l’une des zones qui se réchauffent le plus vite de la planète, sa partie orientale connaît, au contraire, un refroidissement. Or une équipe d’écologues australiens vient de démontrer que cette baisse des températures avait également des effets sur la végétation. Cette étude, inédite sur cette partie du continent, est à lire dans la revue Nature Climate Change de septembre 2018.

Les auteurs rappellent que le phénomène paradoxal de diminution des températures du côté méridional est lié à l’oscillation antarctique, une ceinture de vents d’ouest qui s'abat intensément sur la zone depuis quelques décennies. L’accentuation actuelle de ce flux est directement due au dérèglement climatique — principalement à l’augmentation du taux de CO2 dans l'atmosphère et à la réduction de l’ozone stratosphérique.

Résultat : ces vents maintiennent une température basse à l’est de l’Antarctique. Or, la végétation de la zone ne dispose que de 8 à 16 semaines pour s’épanouir durant la période estivale, les mousses profitant alors des lacs et des petits ruisseaux formés par l’eau de fonte de la neige et de la glace. Mais, avec le refroidissement, la région se fait plus aride. La mousse endémique de la région, Schistidium antarctici, est de plus en plus teintée de marron, signe de déshydratation, et a tendance à être remplacée par des espèces moins avides d’eau, comme les C. purpureus and B. pseudotriquetrum. Selon les auteurs de l’étude, ce changement de végétation pourrait fournir un bon indicateur pour suivre les modifications climatiques des zones côtières du continent le plus isolé de la planète.

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