Fast Fashion : comment se diriger vers une mode plus responsable ?

La prise de conscience écologique semble plus forte que jamais. Pourtant, loin devant la mode éthique et durable, la fast fashion continue d'attirer une grande partie de la population, essentiellement pour des questions de budget.

De Margot Hinry
Publication 13 juin 2022, 11:25 CEST
Des femmes du Rajasthan ramassent des saris fraîchement séchés dans une usine. Avant l'introduction des teintures ...

Des femmes du Rajasthan ramassent des saris fraîchement séchés dans une usine. Avant l'introduction des teintures chimiques au 19e siècle, les tissus étaient teints avec des matières naturelles comme l'indigo et la garance.

Photographie initialement parue dans le reportage La tradition ancestrale du sari indien en images

PHOTOGRAPHIE DE Tuul et Bruno Morandi

En février 2022 la plateforme de cartes bancaires en ligne pour adolescents Pixpay a réalisé une étude sur les habitudes de consommation de 50 000 de ses utilisateurs. La carte de paiement des 10-18 ans est copilotée par les parents. Les résultats montrent une montée en puissance de la consommation des adolescentes françaises sur des sites asiatiques. Entre le 1er janvier 2020 et le 15 mars 2021, Pixpay relève notamment qu’Aliexpress et Shein se sont placés à la 5e et 9e place des sites les plus utilisés par les utilisateurs de Pixpay. À la tête du classement, on retrouve les restaurants McDonald’s, mais également Apple, PlayStation, Amazon et AliExpress.

L’étude révèle une bataille acharnée entre marques pour conquérir le porte-monnaie et la garde-robe des adolescentes. « La bataille tourne largement en faveur de Zara face à H&M (70 % des dépenses en volume contre 30 %) ».

En avril 2022, Pixpay a dévoilé son baromètre de l’empreinte carbone des adolescents sondés. Les adolescent.e.s français émettraient, selon les chiffres, 33 kg de CO2 par mois, soit 396 kg par an, à travers leurs transactions. Si l'on compare cette consommation à celle des adultes, qui atteignait en moyenne 11,2 tonnes de CO2 en 2018, les chiffres ne sont pas considérables.

En revanche, « si on rapporte l’émission de CO2 par euro dépensé, ce sont les plus jeunes qui ont le plus gros impact avec 0,36 kg de CO2 par euro dépensé pour les 10-12 ans contre 0,33 kg de CO2 par euro dépensé pour les 16-18 ans ». Les jeunes filles émettraient 34,3 kg de CO2 par mois, contre 31,8 kg mensuellement pour les jeunes garçons, cette différence s'expliquant principalement par leur consommation de prêt-à-porter.

À ce jour, l’industrie du vêtement et de la mode est l’un des facteurs de pollution, de déchets et d’émissions de gaz à effet de serre les plus importants au monde. « La mode passe, mais les impacts environnementaux et sociaux qu’elle provoque s’inscrivent dans le temps. Alimentant notre dévorante envie de nouveauté, les grandes marques internationales de prêt-à-porter proposent chaque jour d’irrésistibles pièces à des prix défiant toute concurrence. Ce phénomène porte un nom : fast-fashion » décrit l’ADEME dans un dossier consacré à cette catastrophe écologique omniprésente.

La production de vêtements a doublé entre 2000 et 2014, pour un total de plus de 100 milliards de vêtements vendus tous les ans, aux quatre coins du monde.

En quoi la mode est-elle une industrie polluante ? Toute la chaîne de production de la fast fashion est néfaste pour l’environnement et d’autant plus puisqu’il s’agit de surconsommation, en perpétuelle hausse de demande. La production des textiles et des matières premières, mais aussi le transport des produits sur de longues distances et surtout le lavage de ces pièces traitées et conçues avec des matières et des produits toxiques qui rejettent dans les océans et dans l’atmosphère des microplastiques polluants. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), plus de 35 % des microplastiques rejetés dans les océans viendraient du lavage de textiles.

 

CONSCIENCE ÉCOLOGIQUE ET CONSOMMATION

Les Millénials et la génération Z sont particulièrement impliqués et conscients des enjeux de la crise climatique. On l’observe notamment grâce à l’émergence de nombreux mouvements en faveur du climat, par un engouement sur les réseaux sociaux pour la lutte contre le réchauffement climatique, ou encore à travers le boycott de grandes enseignes de fast fashion.

L’enjeu environnemental est de taille : selon le dernier rapport du GIEC, il nous reste un peu moins de trois ans pour agir sur nos habitudes de consommation et mettre fin à l’utilisation d’énergies fossiles pour réduire notre empreinte carbone et limiter les conséquences du réchauffement climatique. Passé ces trois années, les impacts irréversibles sur notre planète seront très nombreux. Et pourtant, alors que plusieurs limites planétaires ont été franchies et que les signes que la planète souffre se multiplient, la fast fashion ne finit pas de séduire.

En fait, selon l’étude réalisée par Pixpay sur ses consommateurs adolescents, c’est particulièrement le budget des jeunes filles qui aurait un fort impact environnemental en France. En orientant une partie de leurs dépenses mensuelles vers la fast fashion, les adolescentes françaises âgées de 10 à 18 ans émettraient 0,42 kg de CO2 par euro dépensé.

Comment faire évoluer les consciences vers des modes de consommation plus raisonnés, lorsque la mode tient une place centrale et bien ancrée au sein de nos sociétés ? Les jeunes adultes se tournent plus facilement vers des marques accessibles, bien que la recherche de vêtements vintage ou uniques commence à émerger.

Influencés par les tendances observées sur les bancs de l’école, dans la cour du collège ou sur les réseaux sociaux, notamment par le biais des influenceurs, les adolescents sont constamment poussés vers l’irrésistible désir de consommer.

Pour faire barrage à ce système polluant et non-tenable sur le long terme, plusieurs influenceuses, créatrices de contenus et jeunes entrepreneures décident de proposer des alternatives plus éthiques et créatives.

« Je consomme à 90 % de la slow fashion » affirme Samantha, créatrice de contenus sur les réseaux sociaux, représentée par l'agence AD Crew, sous le pseudo @lesbonnesappes. « L’idée, c’est d’acheter moins, mais mieux. En seconde main ou à travers une économie circulaire. J’achète des vêtements faits-main ou en Europe, où les conditions de travail des travailleurs sont respectées. Je m’intéresse aussi aux matières utilisées et je consomme ou fais moi-même de l’upcycling. Ça consiste à réparer ou à réutiliser les vêtements qui ne sont plus utilisés ou qui sont abîmés pour en faire une pièce plus tendance ».

Tess, connue sous le nom de @RosaBohneur sur les réseaux sociaux et représentée par l'agence AD Crew, prône la seconde main et les vêtements vintage, tout en encourageant ses followers à se mettre à coudre. « C’est possible d’être à la mode sans avoir un trop gros impact sur l’environnement, il y a tellement d’alternatives. Tous les motifs années 1970, la mode des années 2000, c’est ce qui se trouve dans les friperies. Quand on est jeune, le week-end, on a le temps d’aller chiner. Et pourquoi ne pas s’acheter une machine à coudre ? Il existe de plus en plus de tutos pour remettre des vêtements à sa taille, les adapter au top de la tendance, les upcycler » affirme la jeune femme de 23 ans.

« La plus grande force que l’on puisse offrir aux gens, c’est de leur apprendre à faire eux-mêmes, à partir des invendus » confirme Rubi Pigeon, designer d’upcycling également représentée par l'agence AD Crew, et connue sur les réseaux sociaux notamment pour sa marque de vêtements éthique Rusmin.

Afin d’apporter sa pierre à l’édifice, Marion Louisa, aussi représentée par l'agence AD Crew, a fait le choix de valoriser le « moins, mais mieux » sur les réseaux sociaux. Elle invite ses followers à « prendre soin de ce que l’on a déjà » et encourage ceux et celles qui le veulent à coudre eux-mêmes leurs vêtements. « J’ai essayé de créer des tutos faciles d’accès, en vidéos, en images. Pour les débutants, je propose des patrons très détaillés, avec des QR codes qui expliquent tout. Je me sers des nouvelles technologies pour créer une activité accessible, avec des patrons plus tendance et qui ne prennent pas beaucoup de temps à réaliser ».

« Les adolescentes dépendent du porte-monnaie de leurs parents. Et certains parents n’ont pas confiance envers les plateformes de seconde main, comme Vinted. Ils refusent d’acheter dessus et préfèrent consommer du neuf sur des sites de fast fashion ou en magasins tout simplement » précise Samantha. Comme l’explique à son tour Rubi Pigeon, « il ne faut pas oublier que c’est un luxe de pouvoir se poser ces questions d’éthique ».

Manque d’informations, d’accessibilité économique, géographique, la mode durable a encore du chemin à parcourir pour conquérir le cœur de toutes les fashionistas et prendre le dessus sur la fast fashion.

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    La course à la tendance est un phénomène accentué lors des années collège et lycée. L’adolescence est une période très particulière pendant laquelle chacun.e se construit et se cherche, notamment à travers un style vestimentaire et des tendances à suivre. « L’adolescent a besoin du groupe et du regard des autres » expliquait Philippe Hercberg, psychiatre, dans un article National Geographic consacré aux bouleversements de l’adolescence.

    Du côté des industriels et des marques, Sophie Pignères, fondatrice de WeTurn, une entreprise qui transforme les invendus textiles en matières premières recyclées, témoigne du changement de mentalités en interne dans le secteur de la mode.

    « Les industriels eux-mêmes expliquent que les clients demandent tous du recyclé et moins de polyester par pièces vendues. Les commandes ont largement baissé parce qu’ils ramassent toujours les pots cassés du Covid, mais aussi parce que les clients sont de plus en plus exigeants avant de lancer des commandes ».

    Accepter d’acheter moins, pour acheter mieux. Garder un esprit créatif et entretenir les pièces que l’on possède déjà, tout en se questionnant sur l’utilité réelle d’un produit avant de l’acheter. La slow fashion réussira-t-elle à suffisamment convaincre pour changer les mentalités et les modes de consommation ?

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