La pollution atmosphérique tue trois fois plus que la Covid19
Une nouvelle étude réévalue à la hausse la mortalité liée aux particules fines produites par les énergies fossiles : elles auraient engendré 8,7 millions de morts prématurées en 2018.
Cinq régions concentrent le plus grand nombre de décès prématurés liés aux particules fines : la Chine (3,9 millions) et l’Inde (2,5 millions) sont les plus touchées, suivies des États-Unis, de l’Europe et de l’Asie du Sud-Est.
L’humanité paie vraisemblablement un tribut beaucoup plus lourd à la pollution atmosphérique que ce que l’on imaginait jusqu’à présent. Son impact a été revu à la hausse par des chercheurs des universités de Birmingham, d’Harvard et de Leicester. Selon leurs travaux publiés dans la revue Environmental Research, les émissions issues de la combustion des énergies fossiles ont été responsables de 8,7 millions de morts prématurées en 2018, soit un peu moins d’un décès sur cinq sur la planète.
Par comparaison, la mortalité imputée à la Covid19 s’élève à un peu plus de 3 millions de personnes dans le monde depuis l’apparition du virus en Chine en décembre 2019. Mais contrairement à la pandémie, cette autre crise sanitaire est une grande faucheuse invisible, qui opère à bas bruit, et selon des modalités encore mal appréhendées.
La nouvelle étude réévalue ainsi considérablement ses conséquences sanitaires par rapport aux estimations précédentes. Jusqu’à présent, l’Organisation Mondiale de la Santé lui attribuait « seulement » 4,2 millions de décès annuels. Le fossé est d’autant plus marqué que les chercheurs anglais et américains se sont concentrés sur un seul type d’émissions toxiques, les particules fines produites par les énergies fossiles (en particulier le charbon, le pétrole et le diesel), alors que les évaluations précédentes prenaient en compte l’ensemble des particules fines, ajoutant à ces émissions celles des feux de forêt et de la combustion du bois à usage domestique.
Le bond de mortalité constaté se fonde sur un modèle d’évaluation des risques basé sur des données plus précises en matière de pollution. Les études antérieures s’appuyaient sur des données satellite et des relevés de surface pour estimer les concentrations de particules fines dans l’air. Or, ces méthodes ne font pas de distinction entre les diverses sources d’émission des particules. De plus, les estimations antérieures reposaient sur des moyennes sur de vastes zones géographiques. Pour pallier ces limites, les chercheurs ont eu recours à un outil de modélisation en 3D de la chimie atmosphérique baptisé GEOS-Chem. Celui-ci rend possible une cartographie très précise de la pollution terrestre, en divisant le globe en un réseau de cases de 50 km sur 60 km pour l’étudier.
Pour évaluer la mortalité induite, les scientifiques ont couplé ces données à celles d’un grand nombre d’études épidémiologiques. Le corpus représente l’état des lieux le plus récent sur les pathologies liées à la pollution de l’air, dont la liste ne cesse de s’allonger. « Le modèle d’évaluation des risques sanitaires que nous avons utilisé prend en compte plus de risques que les modèles précédents.
Outre les maladies respiratoires, la pollution de l’air est aujourd’hui associée aux maladies cardiovasculaires, à la démence, au vieillissement du cerveau, à des problèmes de fertilité et à la cécité », explique Karn Vohra, doctorant à l’université de Birmingham et premier auteur de l’étude. « Notre modèle incorpore aussi des informations plus détaillées sur les effets de l’exposition aux particules fines aux deux extrémités de l’échelle de concentration : à des taux très hauts, comme en Inde, et à des doses très basses, telles celles qui existent dans certaines régions en Europe et aux États-Unis. »
D’où un bilan particulièrement alourdi. Dans ce panorama assombri, cinq régions concentrent le plus grand nombre de décès. La Chine (3,9 millions) et l’Inde (2,5 millions) sont les plus touchées, suivies des États-Unis, de l’Europe et de l’Asie du Sud-Est. En France, le nombre de morts prématurées annuelles s’élève à 100 000, avec des disparités régionales considérables, l’île de France constituant le grand point noir en matière de pollution de l’air. Ce coût humain aurait toutefois pu être pire, soulignent les chercheurs.
Le volontarisme de la Chine en matière de réduction des émissions de CO2, que le pays a divisé par deux entre 2012 et 2018, a sauvé 2,4 millions de vie dans le monde, dont 1,5 million en Chine précisent-ils. « L’impact immédiat des énergies fossiles sur notre santé doit faire partie des discussions sur le changement climatique lors de la COP26 et de conférences analogues pour que l’on prenne la mesure de l’urgence à opérer une transition vers des sources d’énergie plus propres. C’est maintenant qu’il faut agir, » conclut Karn Vohra.