La pollution plastique est omniprésente : comment en venir à bout ?

Les collectes de déchets plastiques se multiplient. Absolument nécessaires, sont-elles pour autant les meilleures réponses à apporter à cette pollution protéiforme ?

De Marie Zekri
Publication 5 oct. 2023, 15:41 CEST
À Edithburgh en Australie, cet Austrodromidia octodentata, dit « crabe éponge » n'a pas d'éponge sur ...

À Edithburgh en Australie, cet Austrodromidia octodentata, dit « crabe éponge » n'a pas d'éponge sur la carapace mais un morceau de plastique transparent. Normalement, les crabes éponges se protègent des prédateurs en se camouflant avec des éponges qu'ils placent sur leur carapace. Ici, ce camouflage fabriqué par l'Homme n'est pas vraiment adapté. 

PHOTOGRAPHIE DE FRED BAVENDAM, MINDEN PICTURES, NATIONAL GEOGRAPHIC CREATIVE

L’urgence de la pollution plastique pousse de plus en plus de collectifs à imaginer de nouveaux moyens de débarrasser la mer de cette entrave imposée par l'Homme.

Ocean Cleanup, une organisation d’ingénierie environnementale à but non lucratif créée en 2013 par le Néerlandais Boyan Slat, alors jeune entrepreneur écologiste, mène ainsi des opérations de collectes de déchets plastiques dont le plus récent record a été battu cet été : 50 tonnes de déchets ont étés collectées en un mois, dont une prise record de près de 11,3 tonnes au niveau du Vortex de déchets du Pacifique nord, véritable continent de plastique flottant au cœur de l’océan Pacifique.

Mais la question de la pollution plastique des océans va bien au delà, ou plutôt en deçà, de la surface. Une récente étude des Universités Allemandes de Kiel, Hambourg (Wolfgang Streit) et Düsseldorf, dirigée par le professeur Ruth Schmitz-Streit de l’Université de Kiel, éclaire d’une lumière nouvelle cette pollution invisible, en démontrant la capacité de certains organismes vivants des grands fonds à produire une enzyme capable de dégrader continuellement le polyéthylène téréphtalate, ou PET.

 

UNE BRÈVE HISTOIRE DU PLASTIQUE 

Selon les chiffres du Parlement Européen, entre 4,8 et 12,7 millions de tonnes de plastique sont rejetées chaque année dans les océans, lesquels pourraient « contenir plus de plastique que de poissons ».  Cette pollution impacte la biodiversité marine à différentes échelles « dépendamment des espèces touchées, […] mais également du type de déchet », précise Céline Tardy, spécialiste de l’impact de la pollution plastique sur les cétacés, et chargée de missions au sein du groupe de recherches MIRACETI.

La pollution bien visible des macro-plastiques constitue une menace directe pour la faune marine, d’autant plus que l’on sait aujourd’hui « que la quasi-totalité des fonds marins est polluée », s’inquiète Céline Tardy. « Même dans la fosse des Mariannes, qui est la fosse la plus profonde du monde, on retrouve de la pollution plastique ».  

Une autre problématique, moins directe mais tout aussi inquiétante, est celle du microplastique, conséquence de la dégradation physique des déchets plastiques des profondeurs océaniques aux plus hauts sommets terrestres, jusque dans notre atmosphère, comme l'explique Ruth Schmitz-Streit.

La microbiologiste explique également que ces particules « sont [souvent] recouvertes de micro-organismes, sortes de « bio films » de surface, [potentiellement] pathogènes ». En se fixant à ces supports, ces derniers, comme le choléra, peuvent se propager dans l’océan, voir au-delà et contaminer de nombreuses espèces, dont l'Homme.

Cette micro-pollution reste dans les océans sur le long terme, suffisamment pour être métabolisée par la biodiversité environnante. « On retrouve certaines molécules interdites depuis une dizaine d’années dans le corps des animaux », ajoute Céline Tardy. En travaillant aux côtés de WWF, la chercheuse a mené des études sur différentes espèces de cétacés, dont le rorqual commun, le cachalot et le globicéphale noir, afin de déterminer le degré d’assimilation de ces molécules plastiques, notamment les phtalates, dans leur organisme. « On s’est rendu compte que 100 % des individus [étudiés] étaient contaminés ». 

 

PLASTIQUES ET MICROPLASTIQUES : COMMENT EN VENIR À BOUT ?

Les actions de prévention et de nettoyage, similaires à celles menées par Ocean Cleanup, sont les premiers remparts à la décomposition des plastiques. « Si nous ramassons les bouteilles et les grosses pièces en plastique [dans une dynamique de recyclage], nous nous retrouverons avec moins de micro-plastiques », explique Ruth Schmitz-Streit. 

Il est cependant essentiel, selon Céline Tardy, de « traiter le sujet à la racine ». La technique d’écumage des océans pour les débarrasser des déchets plastiques localisés dans les 10 à 20 premiers mètres de la colonne d’eau peut être une solution mais n’est pas nécessairement la meilleure. Une fois quantité de plastique ramenée à la quantité de CO2 émise lors de la navigation ou de la construction des navires qui partent écumer les mers, cette solution n’est pas toujours pertinente. 

« Il existe des systèmes de filtrage très simples à mettre en place, notamment au niveau des ports ou des bassins versants de rivières et des fleuves, qui ne consomment pas d’énergie et sont peu coûteux », explique Céline Tardy. Ces sortes d’entonnoirs portuaires peuvent être mis en place afin de contrôler le problème du plastique en amont. Ce type d’initiatives doit venir en complément des démarches individuelles et collectives et de meilleures habitudes de consommation et de tri. 

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    Dans la continuité de cette urgence de traiter la source du plastique, certains chercheurs et activistes sont allés plus loin. C’est le cas d’Imogen Napper, chercheuse et exploratrice National Geographic. L’une de ses premières recherches s’est concentrée sur les microbilles de plastique, notamment contenues dans les fibres de « 60 à 70 % des vêtements que nous achetons », qui finissent par se déverser dans les océans avec les eaux de lavage. Également présentes dans de nombreux produits de notre quotidien, ces microbilles de plastique ont finalement été interdites dans certains pays comme la Grande Bretagne, l’Inde et les États-Unis. 

    Une autre solution tient à la biodiversité elle-même. Il existe une vaste diversité de créatures, notamment dans les profondeurs des océans, capables de dégrader certains microplastiques, mais pas tous. « Il n’y a [par exemple] pas d’enzymes connues capables d’agir sur certains polymères comme le polyéthylène, le polypropylène ou le polystyrène », explique Ruth Schmitz-Streit. 

    Les équipes de la microbiologiste ont cependant découvert « une nouvelle ressource génétique [au large des côtes Vénézuéliennes] à partir de micro-organismes d’eau profonde ». La bactérie Escherichia Coli synthétise une protéine, qui permet la libération d’une enzyme capable de dégrader des molécules de PET, présentes par exemple dans les bouteilles en plastique. Cependant, cette enzyme n’est produite qu’en laboratoire. Ces recherches apportent des précisions supplémentaires quant au rôle écologique de certains micro-organismes des grands fonds dans la dégradation des déchets plastiques des océans. 

    Mais chaque intervention sur un environnement modifié et pollué par l’Homme constitue un choix qui « implique [également] de réfléchir aux mécanismes de résilience et d’adaptation mis en place par la biodiversité », conclut Céline Tardy. 

    SI VOUS VOULEZ VOUS ENGAGER - L’association Beyond Plastic Med lance son 8e appel à initiatives afin de lutter contre la pollution plastique en Méditerranée, un projet qui s’adresse à l’ensemble des pays côtiers de la région, pour un lancement effectif en juin 2024. 

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