Les compétitions sportives internationales et la question de la responsabilité climatique
« On souhaite faire partie de la solution et non pas du problème » : le monde du sport peut-il emprunter un virage stratégique durable et respectueux de l'environnement ?
En 2013, Zhangjiakou a remporté la candidature pour accueillir les Jeux olympiques d'hiver de 2022. Dans le cadre des préparatifs, la ville a construit un parc solaire à grande échelle afin de fournir de l'énergie renouvelable pour les jeux.
Stades climatisés au Qatar, neige artificielle aux Jeux olympiques d'hiver 2022, consommation d’énergie, déplacements d’athlètes... les sports de haut niveau sont régulièrement au cœur de scandales climatiques. L’objectif fixé lors des Accords de Paris de ne pas dépasser les +1,5°C de réchauffement global ressemble de plus en plus à un rêve irréalisable. La question de la responsabilité climatique dans le milieu sportif s’impose.
En 2018, lors de la 24e conférence de l'ONU sur le climat en Pologne, le Comité international olympique (CIO) a déclaré prendre la question de la responsabilité climatique très au sérieux en s’engageant à accélérer les changements en matière d’émission de gaz à effet de serre. Ils ont fait partie des premiers signataires du Cadre d'action climatique dans le sport faisant écho aux Accord de Paris, suivis de la Fédération internationale de football (FIFA), l’Union des associations européennes de football (UEFA), la Fédération française de tennis et bien d’autres.
Les menaces pesant sur l’ensemble des écosystèmes de la planète sont nombreuses. « Le sport est également très affecté par les phénomènes extrêmes induits par le changement climatique. Les vagues de chaleur, les vagues de froid, les précipitations extrêmes sont autant de facteurs qui affectent la sécurité et le déroulement des jeux » soulève Liu Junyan, cheffe de projet au bureau de Pékin de Greenpeace Asie de l'Est. Bien que pouvant être facteurs d’émission eux-mêmes, les grandes organisations sportives entendent s'engager dans la lutte contre les changements climatiques, pour leur propre survie.
« Quelle skieuse peut skier sans neige ? Quel rugbyman ou marathonien [pourrait courir] sous 40 ou 45°C ? Quel régatier [pourrait naviguer] dans des mers couvertes d’algues toxiques ? Quel kayakiste [pourrait évoluer] dans des rivières à sec ? Quels sports de nature dans des paysages devenus arides ? » questionnait WWF France dans un rapport en 2021.
« La préoccupation pour l’environnement n’est pas nouvelle au CIO » affirme Marie Sallois, directrice de l'entreprise et du développement durable au Comité international olympique. « Dès les années 1990, on a créé la commission pour l’environnement. Il y a eu une forte accélération autour de 2015 avec un tournant à travers lequel la durabilité est devenue un pilier de notre stratégie pour le futur. C’est important puisque à ce moment-là, c’est devenu systématique et collectif ».
UN TOURNANT ENVIRONNEMENTAL
La directrice du développement durable du CIO témoigne de l’évolution de la préoccupation environnementale à Pékin entre les jeux d’été de 2008 et aujourd’hui. « C’est en lien avec l’engagement de la Chine de réduire ses émissions d’ici 2030 et d’être neutre en carbone d’ici 2060, sachant qu’ils ont encore beaucoup d’émissions aujourd’hui. […] Pour ce faire, ils ont réutilisé cinq sites des jeux de 2008 en les transformant de manière intelligente. Ils les ont fait évoluer au niveau des standards de construction les plus élevés du pays ».
Il s’agit des « Green buildings standards », permettant l’obtention de deux à trois étoiles aux infrastructures rénovées, selon Marie Sallois. « Tous fonctionnent grâce aux énergies renouvelables, utilisent des réfrigérants naturels, peuvent accueillir plusieurs sports, événements culturels, et sont optimisés au maximum pour l’avenir ».
Marie Sallois espère pouvoir utiliser le pouvoir de la visibilité des Jeux olympiques comme « plateforme pour montrer des innovations au-delà des jeux aux autres industries, pour développer des solutions zéro carbone ».
Un skieur suédois en compétition de slalom géant en Italie, en janvier 2022. Les patins servant à sécuriser les chaussures de ski n’ont été introduits qu’en 1868. Ils ont été inventés par Sondre Norheim, un skieur norvégien, considéré comme le père du ski moderne.
Parmi ces solutions, la directrice cite notamment une technologie permettant de réfrigérer la glace sans émettre d’émission carbone, en n’ayant aucun impact sur l’environnement. Ces systèmes de réfrigérants naturels pourront être utilisés, à l’avenir, dans la création de patinoires ou sites de hockey sur glace.
« Le sport, comme toutes les autres industries et activités, doit absolument se préoccuper du climat. Ce n’est pas juste une possibilité, c’est une absolue nécessité. Nous reconnaissons totalement notre responsabilité dans nos sphères d’activités […]. On souhaite faire partie de la solution et non pas du problème » affirme Marie Sallois.
La cheffe de projet de Greenpeace Asie de l'Est souligne l’utilisation de 100 % d’énergies renouvelables sur le site des jeux d’hivers de Pékin 2022. « La durabilité a été un point central régulier de la promotion des jeux, au même titre que les avancées dans le domaine des transports. Cela a été possible grâce à des années de progrès continus dans la transition énergétique et la protection de l'environnement. Et il reste encore beaucoup à faire ».
« C’est pour cela que l’on essaye de mettre tout en œuvre pour être à la pointe de la durabilité dans ce que l’on fait. […] Il faut le faire, le faire savoir et embarquer tout le monde avec nous. C’est une nécessité, c’est un sprint, et nous devons le faire ensemble » martèle la directrice du développement durable du Comité international olympique.
« Les athlètes de haut niveau peuvent être d'importants leaders d'opinion et des messagers de confiance pour communiquer l'urgence du changement climatique et appeler le public à des actions climatiques plus ambitieuses » conclut Liu Junyan. La responsabilité climatique passe aussi par les sportif.ve.s et leurs supporters. « Il existe un mythe, selon lequel la responsabilité personnelle et la responsabilité des gouvernements ou des entreprises ne sont pas liées. Nous agissons comme si elles existaient dans des univers différents. Les athlètes, comme d'autres individus ou petites organisations très visibles, ils ont le pouvoir d'aider les communautés à relier leurs actions à un impact à grande échelle ».
Malgré les efforts produits par le milieu sportif, les critiques sont vives. Richard Butler, spécialiste du tourisme durable déplore le choix de la localisation des jeux, entraînant la production de 100 % de neige artificielle. « Cela montre à quel point le terme durable, utilisé à tort et à travers, est devenu une coquille vide de sens ».
Le sujet divise et la réalité climatique ratrappe les organismes. De leur côté, certains sportifs Français prennent la parole pour exprimer leur incompréhension et appeler à la prise de recul.
« Ça peut choquer. La neige de culture, ce n’est pas ce qu’il y a plus écolo, mais il y a pire » exprimait Kevin Rolland, skieur professionnel, au micro de France Info. « Quand je vois des avions qui volent à vide pour conserver leur trajectoire, ça me choque plus ».
Le CIO s'attache actuellement à l'inventaire des sites des Jeux olympiques sur un siècle. « À travers le monde, il y a plus de 85 % des sites qui ont été construits, qui sont encore utilisé. Il y a toujours quelques problèmes, mais globalement, on réutilise bien ce patrimoine [...] et l'on soutient les solutions innovantes » conclut Marie Sallois.