Les méga-feux australiens ont provoqué une efflorescence de phytoplanctons
Une récente étude démontre que le fer présent dans les fumées des feux australiens aurait des conséquences sur les océans et la faune qu'ils abritent.
Une prolifération de phytoplancton dans la mer de Barents le 14 août 2011. Le cliché a été pris par MODIS (Spectromètre imageur à résolution modérée) depuis le satellite Aqua.
Pendant plusieurs mois, l’Australie s'est consumée. Hommes, animaux et végétaux ont tenté de survivre sous les épais nuages de fumée. Les impacts environnementaux sont nombreux. D’après les scientifiques, 19 millions d’hectares des terres australiennes ont brûlé, entraînant avec elles la mort d’un milliard d’animaux. Les émissions de CO2 liées à ces incendies sont évaluées à 715 millions de tonnes. Ces chiffres sont présentés au sein d’une première étude parue dans Nature.
Une seconde étude suggère un lien entre ces fumées et l’ensemencement de l’océan touché par une croissance du phytoplancton. L’objectif des scientifiques à l’origine de l’étude est de réussir à comprendre ce phénomène pour pouvoir faire le lien entre le réchauffement climatique et les différents impacts sur la concentration de CO2 dans l’atmosphère.
De prime abord, une efflorescence algale, aussi appelée bloom phytoplanctonique, est une bonne nouvelle pour nos océans. Le plancton favorise le développement de poissons et nourrit bon nombre de mammifères marins. Mais qu’en est-il lorsque cette efflorescence est une conséquence des méga-feux ? Une question à laquelle les scientifiques peinent à répondre.
« Le Graal pour nous, serait de déterminer si ce phénomène a permis de contrebalancer le taux de CO2 diffusé dans l’air », explique le scientifique co-auteur de l’étude, Nicolas Cassar.
UNE IMPRESSIONNANTE QUANTITÉ DE CHLOROPHYLLE
Ces méga-feux sont chargés de nombreux gaz, du CO2 et des aérosols notamment, ces « […] très fines particules assez petites pour être transportées sur de longues distances ». Ces particules vont ensuite se déposer sur les sols ou à la surface de l’eau.
Joan Llort, autre co-auteur de l’étude, parle de « matière imparfaitement brûlée ». Ces particules sont notamment très chargées en fer. « […] Plusieurs expériences ont démontré que lorsque l’on jette du fer dans les océans, il y a une effervescence de biomasse » témoigne Nicolas Cassar.
Pour observer ce bloom algal, les scientifiques s'appuient en partie sur les données satellitaires. D’abord, pour mesurer les particules présentes dans l’atmosphère. Ensuite, pour déterminer le taux de chlorophylle dans l'eau, caractéristique d’une forte concentration de plancton.
Les incendies sauvages en Australie en 2019 ont alimenté de grandes efflorescences algales, représentées en rouge foncé. Weiyi Tang et al./Nature
« Dans le phytoplancton, il y a plusieurs milliers d’espèces. Notamment certaines micro-algues qui produisent des toxines. Elles peuvent entraîner des troubles neurologiques chez les mammifères marins pouvant parfois entraîner la mort. Il y a eu ce genre d’épisode après l'apparition d’algues rouges au Canada ou en Californie » explique Emeline Pettex, docteure en écologie marine, spécialiste des oiseaux et des mammifères marins pour Cohabys et La Rochelle Université.
Les études actuelles ne permettent pas de déterminer la toxicité des planctons, puisque les scientifiques ignorent de quelles espèces il s'agit.
Les experts ont aussi travaillé avec la chimie atmosphérique, ainsi qu’avec les « flotteurs Argo » pour comprendre ce phénomène. Ces outils sont envoyés à plus de 1000 mètres de profondeur et remontent à la surface tous les dix jours. Ils transfèrent les informations qu’ils récoltent aux satellites puis retournent sous l’eau pendant dix jours.
FAIRE FACE AU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
Les feux de forêts australiens sont loin d’être un cas isolé. Les experts le répètent, les impacts du réchauffement climatique sont et seront très nombreux à l’avenir. Sécheresse, hausse des températures, inondations, incendies… Les auteurs de l’étude sur le boom algal tentent de comprendre les différents effets des catastrophes naturelles comme les méga-feux sur la planète, notamment sur l’atmosphère.
« D’abord, ce que l’on aimerait faire, c’est voir à quel point ce genre d’événements est fréquent. On a étudié les feux australiens, mais […] il y a beaucoup de feux de forêt dans le monde. Donc on veut observer les similarités des effets et des origines de feux comme en Californie, en Sibérie, en Amazonie ».
Lors des prochains feux, l'équipe collaborera avec des personnes sur place, capables d’observer les flotteurs Argo afin de déterminer « quelles espèces réagissent, combien sont exposées » explique le co-auteur de l’étude.
Enfin, on peut espérer un équilibrage naturel. Ce phénomène pourrait en effet, idéalement, contrebalancer les émissions de carbone mesurées pendant ces incendies. « C’est la bonne question, mais nous n'avons pas de réponse. La première étape est de démontrer qu’il y a un effet. S’il est fréquent, il va falloir que l’on modifie ou que l’on améliore les modèles climatiques pour inclure cet effet » conclut Nicolas Cassar.