Les orchidées victimes de leur succès (et du marché noir)
Les orchidées sont utilisées en décoration, en cuisine ou en médecine traditionnelle mais les cueilleurs illégaux pourraient causer la disparation de certaines espèces d'orchidées avant-même que nous ne les découvrions.
Pas moins de 1.1 milliard d’orchidées ont été commercialisées dans le monde durant la dernière décennie. 99 % de ces plantes sont artificielles et ne sont pas cueillies dans des endroits sauvages. Mais ces chiffres n'incluent par l'accélération considérable du commerce illégal d'orchidées sauvages.
Bien que les scientifiques ignorent le nombre d’orchidées sauvages collectées et vendues sur le marché noir chaque année, il est évident que ce commerce parallèle est un véritable problème. Même parmi les dizaines de milliers d’espèces d’orchidées connues par les scientifiques, beaucoup d’espèces ne pourraient plus être trouvées à l’échelle locale - ou nulle part ailleurs.
Les orchidées sont particulièrement vulnérables à la surexploitation car beaucoup d’espèces poussent dans une seule région et ne peuvent pas être produites à grande échelle. « Il suffit de cueillir quelques fleurs ici et là pour causer la potentielle disparition de toute une espèce », déclare Jacob Phelps, co-président avec Amy Hinsley du programme de l’Union internationale pour la conservation de la nature qui détermine le statut de conservation des espèces sauvages. Quelques orchidées ont été classées comme espèces en voie d'extinction dans le cas où ne serait-ce que 5 % des spécimens étaient récoltés.
La plupart d'entre nous considèrent les orchidées comme des plantes ornementales - leur forme, leur couleur et leur taille varient avec grâce, et agrémentent nos intérieurs. Les collectionneurs et les acheteurs sont quant à eux toujours à la recherche de la plus récente et de la plus rare espèce d'orchidée disponible sur le marché.
Les orchidées sont aussi consommées : les gousses de vanille sont prélevées d'une espèce d’orchidée - principalement cultivée - et les tubercules riches en amidon de certaines orchidées sauvages sont préparées en bouillon ou asséchées et utilisées pour produire la poudre de salep, une boisson traditionnelle en Turquie, ou le Chikanda, un cake préparé en Afrique centrale à base de graines d’orchidées, de tubercules et d’arachides.
Ces fleurs sont utilisées également dans la médecine traditionnelle. En Chine, la tige asséchée de dendrobium est appelée shi-hu et est utilisée pour soulager les fièvres, la sécheresse buccale et d’autres douleurs. La médecine ayurvédique pratiquée au Népal a aussi recours à environ 94 espèces d’orchidées différentes pour soulager de nombreux maux.
Pour Phelps, le plus inquiétant, c’est le fait que les trafiquants s’acharnent à trouver des orchidées toujours plus rares. Parfois ils arrivent même à découvrir de nouvelles espèces avant les chercheurs.
« Les trafiquants sont plus collectionneurs que nous », estime Phelps. « Nous, nous trouvons des espèces qui sont immédiatement commercialisées. »
Les scientifiques ont de fait plusieurs fois appris l’existence de nouvelles espèces d'orchidées après leur entrée sur le marché noir et dans les pépinières. L'orchidée Bulbophyllum, par exemple, serait endémique du parc National de Kubah à Bornéo, en Malaisie, et serait apparue dans les pépinières de Singapour avant d'être décrite officiellement par les scientifiques.
« Nous sommes ici face à un problème éthique », écrivent Jaap Vermeulen et Anthony Lamb, qui ont été les premiers à décrire cette espèce. « Le fait de décrire une nouvelle espèce en danger critique peut induire l’augmentation de sa valeur commerciale, ce qui par conséquent peut causer son extinction. »
Cela est déjà arrivé plusieurs fois. Par exemple, l’année suivant la publication scientifique décrivant la nouvelle espèce d’orchidée vietnamienne, la Paphiopedilum canhii, plus de 99 % des spécimens ont été cueillis par les collecteurs et commercialisés illégalement.
Afin d'endiguer ce phénomène, les descriptions d'espèces d'orchidées récemment découvertes ne dévoilent les régions dans lesquelles poussent ces plantes. Toutefois cette méthode n'est efficace que dans le cas d'espèces n'ayant pas déjà été découvertes par les trafiquants, ajoute Phelps.
« La découverte de nouvelles espèces est notre dernière chance pour montrer la diversité biologique de notre planète », considère Leonid Averyanov, le chercheur qui a découvert l’orchidée vietnamienne. « Dans ce cas quelques-unes de ces fleurs seront préservées dans des musées ou dans des jardins botaniques. Sinon elles n’auront aucune chance d’être mentionnées dans les annales scientifiques de notre civilisation. »
« Quand un commerçant dont le travail est de récolter ces plantes vous informe qu’il n'en trouve plus ou qu'il doit voyager plus loin pour les trouver, c'est révélateur », ajoute Phelps. « Ces personnes s’investissent car elles ont des intérêts particuliers. Si leur tâche devient de plus en plus difficile, cela nous envoie un signal très clair. »
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