Les régions insulaires pourraient disparaître avant la fin du siècle

Les îles, plus que n’importe quelles autres régions, ont un écosystème singulier. Pendant des siècles, cela leur a donné le statut précieux d’écrin de la biodiversité. Elles sont aujourd’hui grandement menacées par le changement climatique.

De Juliette Heuzebroc
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Peia Kararaua, 16 ans, nage dans la zone inondée du village d’Aberao, aux Îles Gilbert. Pendant les marées hautes, de nombreuses parties du pays sont tellement inondées qu’elles sont, pour la plupart, inhabitables.
PHOTOGRAPHIE DE Vlad Sokhin, Panos

180 000 îles représentent 5 % des terres qui parsèment la Terre. Ce faible pourcentage rend d’autant plus inquiétant le fait que 41 % des espèces animales les plus menacées vivent en milieu insulaire. Les îles représentent  20 % de la biodiversité mondiale grâce à un écosystème en grande partie composé d’espèces endémiques. À Madagascar, par exemple, les chercheurs estiment que 90 % des plantes et 80 % de la faune sont uniques et propres à l’île.

Cette diversité est due aux conditions climatiques et environnementales caractéristiques des régions insulaires. La meilleure illustration reste les barrières de corail qui se forment autour des îles et permettent à un grand nombre d’espèces sous-marines de se reproduire et se développer en toute sécurité, dans un environnement favorable.

Cette biodiversité est précieuse mais menacée. Depuis l’an 1500, environ 61 % des extinctions ont eu lieu dans des régions insulaires. Dans le cadre d’une étude pour la revue Sciences Advances, des chercheurs ont établi que 1 189 espèces de mammifères, oiseaux, reptiles et amphibiens présents dans les îles faisaient l’objet d’un danger d’extinction. Les régions les plus concernées sont les Philippines, l’Indonésie et les Caraïbes qui recensent au moins 300 espèces endémiques sur leurs territoires.

La première menace qui fragilise ces régions est l’Homme. En investissant ces territoires et en construisant des infrastructures et habitations, c’est une partie de l’écosystème qui est détruit. De plus, de par son arrivée, les hommes ont introduit des espèces dites invasives, des espèces non-naturelles dans ces régions et potentiellement nuisibles.

Avec l’arrivée des chats, des chiens, des porcs, des vaches ou encore des rats (présents dans 78 % des territoires insulaires), l’Homme a induit une destruction de la chaîne alimentaire. Ces animaux piétinent, creusent ou consomment la nourriture ou les habitats des espèces endémiques.

La menace des espèces invasives est la première cause de disparition de la faune et de la flore. Par la suite, l’extinction d'espèces animales mène à l’absence de pollinisation d’un certain nombre de plantes, ce qui crée la disparition de la plante elle-même et donc un déficit en ressources pour d’autres animaux ou pour les hommes.

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La côte de Fair Isle, en Ecosse
Photo Blick Winkel, Alamy

Le CNRS s’est également penché sur ce qui menace les îles et leur biodiversité : la montée des eaux représente une menace majeure. Les chercheurs se sont penchés sur 1 269 des 2 050 îles françaises de plus d’un hectare à travers le monde.

Il en ressort que d’ici la fin du siècle, le réchauffement climatique sera à l’origine de la hausse du niveau de la mer d’un à trois mètres en fonction de la situation géographique. Ce phénomène mènerait à la disparition d’environ 6 % des îles françaises. Les archipels de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie seraient les plus affectés.

Différentes actions ont été pensées pour endiguer ces différents phénomènes. Protéger et replanter les mangroves est un premier pas incontournable. En effet, les mangroves, ces forêts qui bordent les littoraux des îles, constituent un habitat favorable pour de nombreuses espèces terrestres et aquatiques.

Elles sont également une ressource alimentaire indispensable et surtout, ces forêts absorbent 70 à 90 % de la force des vagues violentes auxquelles sont sujettes les îles. Cette présence les préserve donc également de l’érosion. La mise en place de parc nationaux et donc d’espaces protégés représente également un enjeu dans la préservation des espèces.

Parallèlement, beaucoup d’associations locales se battent pour la limitation des espèces invasives. Mais ces initiatives ont besoin d’être soutenues par les métropoles pour être efficientes. La théorie du « mort kilométrique » ne devrait pas s’appliquer aux trésors que les régions insulaires ont encore à nous offrir. La distance qui nous sépare de ces îles ne doit pas être proportionnelle à notre indifférence.

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