En Asie centrale, l’eau est devenue une source de tensions

En Asie centrale, la pénurie d’eau menace. La soif inextinguible des humains, associée au réchauffement climatique, a radicalement changé l’environnement et fragilisé la paix.

De Elis Gorter
Photographies de Anush Baba Janyan
Publication 3 juin 2024, 12:07 CEST
Près du village dAkespe au Kazakhsan, cette source chaude, aujourd’hui prisée de la population pour ses ...

Près du village dAkespe au Kazakhsan, cette source chaude, aujourd’hui prisée de la population pour ses supposées vertus médicinales, jaillissait autrefois au fond de la mer d’Aral. Elle a fait surface avec l’assèchement de cet immense lac.

PHOTOGRAPHIE DE Anush Baba Janyan

Ces deux fleuves fournissent aux États de la région non seulement de l’eau potable, mais aussi de l’énergie, des ressources halieutiques et agricoles. Mais, depuis le milieu du 20e siècle, la consommation d’eau excède les ressources venues des hauts sommets. L’infrastructure hydraulique utilisée pour l’agriculture est aussi minée par le gaspillage et l’inefficacité, alors que le changement climatique provoque des sécheresses de plus en plus marquées. En de nombreux endroits, le manque d’eau a radicalement changé le paysage et la vie des habitants. Et, sous la pression du stress hydrique croissant et de l’explosion démographique, des conflits couvent entre les pays d’Asie centrale. 

Anush Babajanyan, photojournaliste arménienne et Exploratrice pour National Geographic, a enquêté sur la situation au Kazakhstan, en  Ouzbékistan, au Kirghizistan et au Tadjikistan entre 2019 et 2022. «Plus je voyageais dans la région, plus je découvrais des histoires souvant être liées à l’eau. Alors j’ai eu envie d’y retourner pour les raconter.»

Des arbres poussent dans le lit asséché de la rivière Zeravchan, près du glacier d’où elle prend sa source. La ...

Des arbres poussent dans le lit asséché de la rivière Zeravchan, près du glacier d’où elle prend sa source. La glace a reculé de près de 1 km durant les vingt dernières années. Le cours de cet ancien affluent de l’Amou-Daria est aujourd’hui dévié par des canaux d’irrigation en Ouzbékistan.

PHOTOGRAPHIE DE ANUSH BABAJANYAN

Son périple a suivi les bassins versants du Syr-Daria et de l’Amou-Daria, de leur terminus, dans l’ancienne mer d’Aral, jusqu’à leurs sources au cœur des montagnes. En remontant le cours de l’Amou-Daria à travers l’Ouzbékistan, la photographe a vite compris pourquoi si peu d’eau parvenait jusqu’au lac salé. 

L’industrie du coton représente une part cruciale de l’économie ouzbèke, qui en est l’un des plus gros producteurs mondiaux. Or cette culture est très gourmande en eau, d’autant plus dans le sol desséché des steppes. Ce choix agricole est un héritage de la Russie des tsars et de l’URSS, dont faisait partie l’Ouzbékistan – et les autres pays visités par la photographe– durant la majeure partie du 20e  siècle.

Dans le cadre du Grand Plan pour la transformation de la nature mis en œuvre par Staline, de gigantesques projets d’irrigation ont été lancés dans la seconde moitié du 20e  siècle, qui ont accru l’exploitation des eaux du Syr-Daria et de l’Amou-Daria. L’entreprise a permis une hausse significative de la production de coton, entre autres cultures. 

Mais, aujourd’hui, le vieux système d’irrigation soviétique gaspille beaucoup d’eau. Selon la Banque eurasiatique de développement, la déperdition atteint près de 50% avant même que les semences ne soient irriguées, notamment en raison des fuites et de l’évaporation. En Asie centrale, la productivité de l’eau (c’est-à-dire l’efficacité de son utilisation) compte ainsi parmi les plus basses du monde. La pression exercée sur le Syr-Daria et l’Amou-Daria, qui alimentaient depuis des millénaires la mer d’Aral, a aussi condamné celle-ci. Jadis quatrième plus grand lac de la planète, couvrant pratiquement la même surface que la Belgique et les Pays-Bas réunis, cette vaste étendue d’eau salée a perdu près de 90% de son volume depuis les années 1960.

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    PHOTOGRAPHIE DE ANUSH BABAJANYAN

    L’effondrement de l’Union soviétique, au début des années 1990, n’a guère changé la donne. Les investissements nécessaires pour améliorer l’efficacité de l’irrigation n’ont, pour la plupart, pas été entrepris, souligne la Banque mondiale. Une situation encore compliquée par le poids de la corruption et de la kleptocratie dans la région. Qui plus est, la gestion des ressources hydriques s’est retrouvée répartie entre plusieurs États aux intérêts distincts. Le Tadjikistan et le Kirghizistan, où les deux fleuves prennent leur source, disposent d’un accès privilégié à l’eau. Le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, en aval, dépendent en revanche de leurs voisins, mais sont un peu plus riches qu’eux. La façon dont est gérée cette ressource déclinante crée des dynamiques régionales intéressantes, estime Anush Babajanyan. « Il  est fascinant de voir comment les pays coopèrent ou s’affrontent. »

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