Pollution microplastique : peut-on encore porter des paillettes ?

En raison de leur toute petite taille et de la facilité avec laquelle elles se dispersent, les paillettes alimentent la pollution microplastique. S’il existe des solutions biodégradables, celles-ci restent néanmoins sujettes à débat.

De Leah Worthington
Publication 22 juil. 2024, 16:08 CEST

Contrairement aux paillettes en plastiques, courantes et bon marché, qui mettent des centaines d’années à se décomposer, les paillettes à base de plantes peuvent se dégrader naturellement en l’espace de quatre semaines.

PHOTOGRAPHIE DE Benjamin Droguet

Cela fait des siècles que les peuples exhibent pierres précieuses, métaux ou toute autre matière reflétant la lumière. Les paillettes, ces toutes petites particules réfléchissantes issues à l’origine de matériaux naturels tels que la poussière minérale, constituent depuis longtemps un moyen simple de se mettre en valeur.

Au 4e siècle de notre ère déjà, les Mayas ajoutaient du mica à leurs peintures pour leur donner un aspect miroitant sous les rayons du soleil. D’autres peuples antiques des Amériques utilisaient ce même minéral pour embellir les tombes et façonner des statuettes.

Grâce à l’industrie moderne, et en particulier à l’essor des plastiques synthétiques, nous disposons presque à l’infini de paillettes bon marché, aujourd’hui omniprésentes dans le maquillage, les bougies, le papier cadeau ou encore la crème solaire.

Mais une fois tombées de votre carte d’anniversaire ou ôtées de votre visage, ces particules brillantes ne disparaissent pas pour autant. En réalité, de plus en plus de recherches tendent à démontrer les conséquences environnementales désastreuses de la pollution microplastique.

« L’un des inconvénients [des paillettes] est qu’elles sont conçues pour être petites, et donc aussi très mobiles », explique Robert Hale, spécialiste de l’environnement et professeur à l’Institut des sciences de la mer de Virginie. Des rapports ont fait état de la présence de microplastiques dans de nombreux endroits, de l’Antarctique à l’océan profond et, plus récemment, dans le placenta, les matières fécales et les vaisseaux sanguins d’êtres humains. 

Alors que les paillettes sont sur la sellette, les experts étudient l’ampleur des dégâts que peut causer ne serait-ce qu’une petite quantité de paillettes en plastique, ainsi que la viabilité de leurs remplaçants biodégradables.

 

UN DANGER POUR LES ÉCOSYSTÈMES ET POUR NOUS-MÊMES 

Mesurant moins de 5 millimètres, la plupart des paillettes sont considérées comme du microplastique, et sont généralement composées de trois couches : un noyau en plastique, un revêtement réfléchissant et une autre fine couche de plastique. Comme les autres microplastiques (qui sont en grande partie des sous-produits issus de la fragmentation de plastique manufacturé de plus grande taille), les paillettes suscitent l’inquiétude du fait de la facilité avec laquelle elles peuvent se répandre dans la nature.

« On les applique généralement sur une surface fragile, qui par nature se décompose et s'éparpille », explique Hale. Avec le temps, ces particules scintillantes se fragmentent davantage, ce qui les rend encore plus petites et plus faciles à ingérer. « Au bout d’un certain temps, elles sont tellement minuscules qu’elles peuvent pénétrer dans les cellules, et interférer avec diverses réactions biochimiques essentielles. »

Les microplastiques représentent un danger pour l’environnement. Ils sévissent dans les environnements marins et terrestres et sont pratiquement impossibles à éliminer en raison de leur petite taille. Or de fortes concentrations de paillettes en plastique semblent entraver la croissance des organismes aquatiques, tels que le phytoplancton et le zooplancton, qui constituent la base de la chaîne alimentaire et jouent un rôle essentiel dans la production d’oxygène et la consommation de dioxyde de carbone.

« De l’ordre du nanomètre, ce microplastique est tellement minuscule que [le zooplancton] court le risque d’en consommer et, ce faisant, de déchirer ses organes internes », explique l’auteur de l’étude, Rafael Barty Dextro, biologiste au Centre pour l’énergie nucléaire et l’agriculture (CENA) au Brésil.

Cet échantillon d'eau prélevé dans la Manche montre ce que les poissons pourraient consommer à gauche, et le plastique à droite. Le morceau blanc et la fibre rouge effilochée à droite sont du polyéthylène, et risquent d'être pris pour de la nourriture par un jeune poisson.

PHOTOGRAPHIE DE David Liittschwager

De petites quantités de paillettes peuvent rapidement s’additionner et s’accumuler dans les cellules et dans des animaux plus gros situés plus haut dans la chaîne alimentaire. Les microplastiques sont omniprésents et l’on en retrouve d’importantes concentrations dans les étendues d’eau, et en particulier dans les sédiments marins, où ils entrent dans l’organisme de petits poissons et d’autres vertébrés qui sont ensuite consommés par d’autres espèces plus grandes.

Dans le cadre d’une étude sur la mortalité virale chez les poissons, Hale a constaté que les microplastiques amplifiaient les effets des virus, probablement en causant des dommages physiques aux branchies et en permettant aux agents pathogènes de pénétrer plus facilement dans l’organisme. Des tests ont révélé la présence de microplastiques dans le tractus gastro-intestinal et les excréments d’animaux terrestres, notamment de serpents, d’oiseaux et même de bétail.

Mais le plastique en lui-même n’est pas le seul à pouvoir s’infiltrer dans l’environnement et le contaminer : toutes sortes d’additifs chimiques toxiques peuvent entrer dans la composition des paillettes pour leur donner une brillance et une couleur particulières. « Ce mélange, une fois en contact avec l’eau et l’air, commence à se dégrader et à libérer ses composants dans l’eau », explique Dextro.

Bien que les effets les plus graves aient été constatés sur la vie marine et l’écosystème, les êtres humains sont également menacés, en particulier à cause des cosmétiques à paillettes.

Selon Hale, appliquer des paillettes directement sur la peau peut entraîner l’absorption ou l’inhalation de particules de plastique. Et selon une étude de 2019, les êtres humains ingéreraient entre 74 000 et 121 000 particules de microplastiques par an. Bien que les effets physiologiques soient encore à l’étude, ces « corps étrangers » ont été associés à plusieurs problèmes de santé, notamment des lésions de l’ADN, des cas de dysfonctionnement des organes et des problèmes cardiovasculaires. Une étude récente a établi une corrélation entre des niveaux élevés de microplastiques dans la plaque artérielle et des problèmes cardiaques et circulatoires, tandis qu’une autre étude a établi un lien entre les maladies inflammatoires de l’intestin et des concentrations plus élevées de microplastiques dans les matières fécales.

Même si les quantités de paillettes sont relativement faibles par rapport à d’autres sources de microplastiques, Hale estime qu’il s’agit d’un risque inutile. « Les paillettes font partie de ces expositions lourdes volontaires… que l’on peut facilement éviter. »

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    Les paillettes biodégradables brillent comme les vraies, mais se dégradent naturellement dans l’environnement.

    PHOTOGRAPHIE DE Benjamin Droguet

     

    QUELLES SOLUTIONS ?

    Les craintes croissantes concernant les dangers de l’accumulation de microplastiques ont poussé certaines autorités à tenter d’éradiquer les paillettes.

    En 2022, la Californie a examiné, sans l’adopter, un projet de loi qui aurait interdit les cosmétiques et autres produits contenant des « microplastiques ajoutés intentionnellement ». Autre exemple, les paillettes sont interdites au sein du festival annuel de Burning Man, Black Rock City, ainsi que dans des dizaines de festivals de musique britanniques. Des mesures « anti-paillettes », qui interdisent la fabrication et la vente de certains produits contenant des microplastiques, sont en vigueur en Nouvelle-Zélande et dans l’Union européenne.

    D’autres tentent de satisfaire les maquilleurs et les adeptes de festivals avec des solutions alternatives, telles que les paillettes biodégradables. Ces options sans plastique commencent à arriver sur le marché, par exemple des paillettes fabriquées à partir de cellulose végétale, de manioc et de mica.

    Bioglitter, le premier fabricant de paillettes sans plastique, produit ses paillettes écologiques à partir de cellulose issue de la pulpe de bois, principalement d’eucalyptus. Cet extrait est ensuite transformé en film, découpé en hexagones et recouvert de pigments, de stabilisants et, surtout, de gomme-laque, une sécrétion brillante de la cochenille asiatique Kerria lacca. En l’espace de quatre à six semaines, ces paillettes se dégradent naturellement dans des environnements contenant des micro-organismes, qui « consomment les paillettes et les transforment en substances inoffensives : eau, dioxyde de carbone et biomasse », explique Lauren Jones, fondatrice de Luminosity Glitter, un revendeur de Bioglitter. 

    Mais même les paillettes biodégradables apportent leur lot de problèmes. Des études préliminaires ont démontré que les paillettes de cellulose et de mica étaient plus nocives pour la croissance des lentilles d’eau et du phytoplancton que les paillettes conventionnelles. « Il convient de procéder à des recherches écotoxicologiques pour tester les effets de tout nouveau type de paillettes, et éviter que l'on se retrouve avec un nouveau problème », explique Dannielle Green, écologue et experte en pollution plastique à l’université Anglia Ruskin.

    D’autres ont obtenu des résultats plus prometteurs. Selon les premières observations d’une analyse en cours de Mauricio Junior Machado, microbiologiste agricole à l’université de São Paulo, les paillettes biodégradables à base de manioc et de mica n’auraient pas d’effets aigus sur la croissance cellulaire des cyanobactéries d’eau douce.

    En attendant, Green souligne l’importance des actions individuelles, dont le fait ne pas évacuer les paillettes dans les canalisations. « Nous avons le choix d’éradiquer les paillettes de nos vies ou de nous en débarrasser de manière responsable. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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