Quel avenir pour les stations de ski dans un monde en réchauffement ?
Compte tenu de la hausse des températures et d'un moindre enneigement, le secteur des sports d’hiver est confronté à un avenir incertain.
Les stations de ski se tournent vers des pratiques plus durables afin de réduire leur impact sur les écosystèmes de montagne et préserver l’environnement.
La saison dernière, une fois de plus, les conditions météorologiques ont posé de sérieux problèmes aux stations situées dans les Alpes. Les températures élevées et la pluie ont réduit l’enneigement pendant la période du Nouvel An. Quant au printemps, il a été sec, n’apportant que peu de neige jusqu’à Pâques. D’ici 2050, selon certaines estimations, de nombreuses stations de ski situées à moins de 1 200 mètres d’altitude devront s’en remettre entièrement aux enneigeurs si elles veulent éviter de faire grossir la pile de remontées mécaniques abandonnées qui commencent à joncher les montagnes. Depuis les années 1970, les relevés montrent que le manteau neigeux des Alpes diminue globalement de 5,6 % par décennie et l’épaisseur de la couche de neige de plus de 8,4 %. Alors qu’une action mondiale est nécessaire pour lutter contre le changement climatique, l’industrie du ski a été poussée à réagir après avoir été elle-même témoin des premières répercussions de ses activités.
« Le monde du ski regorge d’exemples fantastiques d’entreprises et de personnes qui prennent des mesures pour réduire les émissions de carbone, principale cause de l’augmentation des températures mondiales », affirme Charlie Cotton, fondateur d’Ecollective, qui aide les entreprises à mesurer et à réduire leur empreinte carbone. Il lance toutefois un avertissement : « Il faut que davantage d’entreprises s’engagent à réduire leurs émissions annuelles et que celles qui le font déjà redoublent d’efforts. »
L’imminence d’une perte de revenus est une incitation particulièrement forte. Noël, l’une des périodes les plus lucratives de l’année, n’est plus aussi « blanc » dans les montagnes car les chutes de neige ne surviennent désormais qu’en fin de saison. Pour compenser ce manque, les stations de ski se présentent comme des destinations ouvertes toute l’année. Les voyages et les vols étant cependant la principale source d’émissions, les voyagistes se rendent compte qu’ils se doivent d’agir davantage.
En juillet, Eurostar a annoncé sa décision de suspendre sa ligne de train directe pour le ski à partir de cette saison, invoquant les problèmes de frontières liés au Brexit et la nécessité de se concentrer sur les itinéraires principaux. Les voyageurs peuvent toujours passer par Paris ou Lille mais les options n’incluant aucun vol se sont réduites pour les skieurs britanniques qui se rendent dans les Alpes. Or, l’avion représente environ 80 % de l’empreinte carbone d’un voyage de sports d’hiver. « Au cours des cinq prochaines années, le changement clé dont nous avons besoin est une augmentation considérable du nombre de personnes qui prennent le train, le bus ou se déplacent en véhicule électrique pour se rendre dans les stations de ski », déclare Charlie Cotton, d’Ecollective.
Certaines entreprises sont déjà à l’origine de ce changement. « Nous ne recevons pas encore d’appels de consommateurs demandant à ce que leurs vacances s’inscrivent autant que possible dans une démarche de développement durable », indique Craig Burton de Ski Solutions, une entreprise qui propose depuis l’hiver dernier toute une série de forfaits de voyages en train pour les Alpes. « Mais, en tant que voyagiste ayant un intérêt à long terme dans la protection des Alpes, il est de notre responsabilité de donner le ton en encourageant les clients à voyager en train, dans les stations les plus respectueuses de l’environnement. »
Celles-ci prennent davantage d’initiatives écologiques. Le Club Med, par exemple, a créé un département de développement durable dès 2005 et s’efforce de réduire la consommation d’énergie et d’eau, ainsi que d’installer des panneaux solaires dans toutes ses stations. Hotelplan, propriétaire de Inghams et Esprit, voyagistes spécialisés dans le ski, a été l’un des premiers signataires de la Déclaration de Glasgow sur l’action climatique dans le tourisme. Krissy Roe, responsable du développement durable, explique que l’entreprise « s’engage sans relâche à atteindre les objectifs de réduction des émissions de carbone et à s’imposer comme une entreprise "positive pour la nature" ».
Grâce à leurs gros pneus, les fatbikes peuvent se déplacer sur des terrains difficiles, y compris sur la neige, ce qui accroît la popularité du fatbiking en hiver.
En 2020, 238 stations de ski françaises se sont réunies pour convenir de seize engagements écologiques, dont l’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2037, avec zéro émission de CO₂. Elles s’emploient systématiquement à démanteler les remontées mécaniques qui ne sont plus utilisées et à réensauvager les stations abandonnées. « La France est le seul pays où tous les domaines skiables ont pris un engagement collectif », déclare un porte-parole de Domaines Skiables de France, une association représentant l’industrie française du ski.
Les températures augmentant deux fois plus vite que la moyenne mondiale dans les montagnes, les stations se préparent à mettre en place des infrastructures. Le service climatique Climsnow travaille avec ces dernières pour modéliser différents scénarios basés sur les projections climatiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations Unies. En résultent le renforcement des systèmes d’enneigement et l’élévation des remontées mécaniques et des pistes vertes loin des infrastructures des stations. Pour consommer moins d’énergie, ces dernières utilisent toutes des systèmes de damage par GPS, réensauvagent les zones et adaptent les remontées mécaniques ; en Europe, les énergies renouvelables sont désormais la norme.
L’enneigement n’est plus la panacée que l’on croyait autrefois. Les canons à neige représentent 25 % des émissions de carbone d’une station et ne peuvent pas fonctionner dans certaines conditions climatiques, à partir de 1 °C ou plus ou encore lorsque le temps est humide. Leurs besoins en énergie et en eau sont si importants que des chercheurs de l’université de Bâle, en Suisse, ont averti que l’augmentation potentielle de 79 % de la demande en eau dans les stations situées à moins de 1 800 mètres d’altitude pourrait entraîner des conflits avec les communautés locales.
Le domaine skiable italien Dolomiti Superski, qui a été l’un des premiers à adopter les systèmes d’enneigement dans les années 1980, travaille néanmoins avec ses fournisseurs pour optimiser la technologie. « Les enneigeurs actuels produisent la même quantité de neige que les premiers modèles, mais avec moins de la moitié en eau et en énergie », explique le porte-parole du domaine, le docteur Diego Clara. « Presque tout le monde dans nos vallées dépend du tourisme de montagne, comme les hôtels, les restaurants, les écoles de ski, les locations, les magasins, etc. Et les jours froids de l’automne se font plus rares et plus tardifs. »
Les dameuses sont, elles, plus polluantes que les canons : jusqu’à 60 % des émissions d’une station proviennent des engins de damage des pistes et les stations font désormais la course pour convertir ces véhicules à l’huile végétale hydrotraitée (HVO) afin de réduire les émissions.
Cependant, tous ces équipements et infrastructures de haute technologie, des pylônes de remontées mécaniques aux panneaux solaires, sont vulnérables à un plus grand nombre d’avalanches de neige humide et lourde engendrées par les hivers plus chauds, les températures fluctuantes et les vents plus forts, explique Henry Schniewind, expert en neige et en avalanches basé à Val d’Isère.
Il existe toutefois un point positif : « Malgré une météo de plus en plus imprévisible et un nombre d’avalanches plus élevé à mesure que les températures augmentent, il y a moins d’accidents, en grande partie parce que le danger est plus prévisible ».
Être stratégique et faire preuve d’adaptabilité est la clé de la survie pendant la saison de ski. Diego Clara, de Dolomiti Superski, résume la situation ainsi : « Plus le temps passe, plus nous chercherons de nouvelles stratégies pour l’hiver car des milliers de familles en dépendent et seul le tourisme permet aux gens de vivre de manière stable dans leurs vallées alpines. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.