Montagnes de l’Altaï : pour les nomades mongols, un lien sacré à la terre

La Mongolie est devenue un leader mondial en matière de conservation en renouant avec ses racines autochtones.

De Erjen Khamaganova
Photographies de Kiliii Yüyan
Publication 17 juil. 2024, 13:57 CEST
Tumen Ulzii Ivshintseren, pasteur mongol, installe une yourte, ou ger, pour ses hôtes dans les steppes ...

Tumen Ulzii Ivshintseren, pasteur mongol, installe une yourte, ou ger, pour ses hôtes dans les steppes de l’Altaï. La relation symbiotique entre les nomades mongols et la terre influence les efforts de conservation du pays, pionnier en la matière.

PHOTOGRAPHIE DE Kiliii Yüyan, National Geographic

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L’automne dernier, Bazar Losol, un pasteur mongol, a guidé notre petit groupe d’aînés dans les montagnes de l’Altaï. Quand la lumière de l’après-midi a frappé les parois rocheuses, un ensemble de pétroglyphes représentant des serpents, des bouquetins, des oiseaux, des soleils et des lunes est apparu sous nos yeux. Nous les vénérons comme des messagers nous reliant aux cieux, à la terre et au monde souterrain. La beauté de Bayan-Öndör (« riche et haut ») m’a subjuguée. Pourtant, j’ai ressenti un léger malaise, comme si quelque chose manquait.

C’est alors que Bazar Losol est sorti de l’ombre. Les motifs complexes et chatoyants de son deel bleu foncé, l’habit traditionnel des nomades, semblaient refléter les symboles gravés dans la pierre. À cet instant, j’ai compris la raison de mon trouble : ce lieu sacré était dépourvu de présence humaine. Contrairement à l’approche occidentale, qui exclut souvent l’homme des sites naturels pour les protéger, notre tradition s’appuie sur la relation avec la nature. La solennité de Bazar Losol et sa profonde vénération pour ce lieu reflètent notre philosophie en matière de conservation : l’idée d’un lien indéfectible unissant l’homme, la nature et la culture. Un lien sur lequel repose aussi le travail inlassable des groupes autochtones qui ont permis de faire de Bayan-Öndör une zone communautaire protégée. Grâce à leur engagement, les trésors de cette région ont été en grande partie préservés.

La connexion étroite que nous entretenons avec notre terre influence les efforts de conservation de la Mongolie. Il y a trente ans, après l’effondrement du régime communiste, le pays a renoué avec ses racines autochtones et adopté un programme pionnier visant à protéger 30 % de son territoire – bien avant que les Nations unies conviennent, en 2022, d’un projet similaire, baptisé Objectif 30 x 30, en vue de protéger 30 % des terres et des océans de la planète d’ici à 2030. Ces dernières années, la surface des zones protégées a considérablement augmenté en Mongolie : elles couvrent aujourd’hui environ 21 % du territoire, faisant de cet État l’un des plus avancés en matière de conservation. À l’instar du reste du monde, il fait lui aussi face aux forces de la mondialisation et à des défis environnementaux majeurs, tels que l’exploitation minière, le surpâturage et la perte d’habitat. Mais les Mongols disposent d’un atout de taille. En embrassant les valeurs traditionnelles que sont la réciprocité, les liens spirituels et le respect de toutes les formes de vie – des valeurs partagées par les peuples autochtones du monde entier –, le pays peut montrer l’exemple.

Bazar Losol, pasteur nomade et guide spirituel, pose à côté des pétroglyphes de Bayan-Öndör. Grâce aux efforts de la communauté, ce site de l’Altaï est protégé depuis 2019.

PHOTOGRAPHIE DE Kiliii Yüyan, National Geographic

Bazar Losol, notre hôte et guide, est un membre respecté du Conseil des anciens de l’Union mondiale des guides spirituels autochtones (WUISP), au sein duquel des détenteurs de savoirs traditionnels oeuvrent à la protection de la Terre mère. Notre groupe, composé de membres de l’Union, s’est rendu sur les terres de la panthère des neiges pour une cérémonie au coeur des montagnes. Nous voulions témoigner de notre gratitude envers un spécialiste de ce félin menacé et de ses écosystèmes, le biologiste Rodney Jackson. À cet effet, nous avions emporté une statuette de jade, baptisée « La Larme de la panthère des neiges ». Ce défenseur de l’environnement a travaillé plus de quarante ans avec les communautés et peuples autochtones des douze pays où l’animal est présent.

Le photographe Kiliii Yüyan s’est joint à nous pour capturer la signification spirituelle de ce voyage. Alors que certaines communautés cachent leurs pratiques sacrées, nous pensons que le moment est venu de faire découvrir les nôtres au reste du monde afin d’inspirer une réflexion critique sur le lien entre l’humanité et la nature, de remettre en question les approches actuelles et d’ouvrir de nouvelles perspectives.

Buyanbadrakh Erdenetsogt – ou Buya – a mené la cérémonie, jouant le rôle de médiateur entre les hommes, les esprits et la nature. Bien que les anthropologues utilisent le terme « chamanisme » pour définir ce phénomène, dans la culture mongole, le système de croyances traditionnelles est appelé boo murgel. Il repose sur la communication avec les esprits, la nature et les ancêtres pour guider et soigner les hommes. Nous vénérons l’Éternel Ciel bleu en tant que divinité suprême et la Terre mère en tant que source de vie. Malgré l’influence du bouddhisme, des autres religions et de l’athéisme, ces croyances font toujours partie intégrante de l’identité mongole, en particulier parmi les nomades.

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    La Mongolie compte douze montagnes sacrées qui font partie des quelque 20 % de territoires protégés. Parmi eux, la région des contreforts de l’Altaï, appelée Burgasny Khöndii, abrite une importante population de bouquetins.

    PHOTOGRAPHIE DE Kiliii Yüyan, National Geographic

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