Non, ces signaux d'ondes radio venus de l'espace n'ont pas été émis par des extraterrestres

De Nadia Drake
Publication 9 nov. 2017, 01:42 CET
Vision d'artiste d'un sursaut radio rapide arrivant sur Terre.
Vision d'artiste d'un sursaut radio rapide arrivant sur Terre.
PHOTOGRAPHIE DE (Photo : Jingchuan Yu, Planetarium de Pékin)

Cela fait des années que les scientifiques s’arrachent les cheveux à propos de mystérieuses ondes radios originaires d’un point situé à plusieurs milliards années lumières de la Terre. D’une durée de quelques millièmes de seconde seulement, ces signaux, appelés sursauts radio rapides, apparaissent de façon aléatoire dans le ciel et sont souvent découverts des mois ou des années après leur arrivée sur Terre, bien cachés dans des paquets de données. Les scientifiques n’ont pas encore su comprendre la nature de ces puissants sursauts, évoquant, entre autres possibilités, l’évaporation d’un trou noir, l’entrée en collisions d’objets très denses ou des éruptions à la surface d’une étoile morte.

Pendant un moment, on a même pensé que ces sursauts énigmatiques étaient des objets produits par la vie sur Terre et non des signaux en provenance d’au-delà de la galaxie. (Les « extraterrestres » semblaient être la théorie préférée des lecteurs des articles à ce sujet.)

Après avoir étudié, dans le cas d’un sursaut détecté récemment, la façon dont ces ondes radios se tordent et se répandent, une équipe de scientifiques a récupéré des indices essentiels sur l’origine du signal. Il provient de très, très loin, d’une région riche en plasma dense et très magnétisé, et a voyagé à travers deux nuages de gaz avant d’être capturé par le télescope de Green Bank en Virginie Occidentale. « Il pourrait provenir d’une région propice à la formation d’étoile, des restes d’une supernova, ou des régions denses du centre d’une galaxie. Tout cela semble indiquer une population stellaire jeune, une région où se forment les étoiles et où elles meurent et explosent, » explique Kiyoshi Masui, de l’Université de Colombie-Britannique, qui a décrit le sursaut dans la revue Nature. « Il existe de nombreux modèles pour expliquer la nature de ces sursauts radio rapides. Je ne mettrais ma main à couper sur aucun d’entre eux en particulier, mais mon préféré est celui des éruptions à la surface de magnétars, » explique-t-il, évoquant une sorte d’étoile à neutrons extrêmement magnétisée et turbulente.

Chercher des données

Masui et ses collègues ont découvert le sursaut, baptisé FRB 110523, dans des données récoltées dans le cadre d’une étude de la structure à grande-échelle de l’univers. Après s’être intéressée aux sursauts radio rapides, l’équipe a décidé de chercher des signaux brefs mais puissants et a pour cela développé un programme informatique afin de passer au crible 650 heures d’observations. Le logiciel a identifié 6 496 sursauts potentiels. La difficile tâche de les passer un à un en revue est revenue à Hsiu-Hsien Lin de l’Université de Carnegie Mellon, qui a facilement identifié le véritable sursaut parmi des milliers d’imposteurs.

Le sursaut a été émis le 23 mai 2011 dans la constellation du Verseau et a duré environ 3 millisecondes. Grâce à la façon dont l’équipe observait le cosmos, les scientifiques ont pu extraire des informations importantes sur l’origine du sursaut. Cartographier de la matière dans l’univers permet de récupérer des informations détaillées portant sur la polarisation, c’est-à-dire l’orientation d’un rayonnement incident comme la lumière ou les ondes radio.

« Il faut récupérer des données de très bonne qualité, très bien calibrées, avec toutes les informations de polarisation, » explique Scott Ransom, astronome de l’Observatoire national de radioastronomie. « C’est trop demander pour la plupart des observations pulsar, mais c’est dans ce type d’observations que presque tous les sursauts radio rapides ont été découverts dans le passé. »

Des indices essentiels se cachaient dans les données de polarisation. Les ondes radios avaient été tordues par leur voyage dans le cosmos, ce qui n’est possible qu’en passant par un champ magnétique. En mesurant le niveau de torsion des ondes, l’équipe a pu déterminer la force du champ magnétique. Or, il n’existe rien de suffisamment puissant dans la Voie lactée pour déformer une onde radio de la sorte.

« Elle n’est tout simplement pas assez magnétisée, » explique Masui. « Et dans notre ligne de mire, sur presque toute la distance qui nous sépare du sursaut, on ne trouve que le vide de l’espace… La seule hypothèse qui nous reste est de supposer que la magnétisation provient de la source elle-même. »

Mais ce n’est pas tout. L’équipe a déterminé qu’en plus d’avoir été émis à proximité d’un champ magnétique très intense, le sursaut a voyagé au travers d’au moins deux nuages de gaz ionisé. Pendant ce voyage, les nuages ont éparpillé les ondes radio et ont déformé le sursaut, produisant des signatures visibles uniquement lorsque l’équipe scrutait les données à des intervalles de millionièmes de seconde. Selon Masui, le premier de ces nuages est à l’origine du signal, et le deuxième se trouve quelque part dans la Voie lactée.

Enfin, l’équipe a réalisé que le sursaut n’aurait pas pu voyager pendant plus de 6 milliards d’années lumières avant d’arriver sur Terre.

« Il pourrait bien être à une distance d’entre 6 milliards et 100 millions d’années lumières, » dit Masui.

Les astronomes qui étudient ces sursauts confirment la valeur du travail réalisé par l’équipe, et ajoute que de plus en plus d’arguments pointent en faveur d’une origine extragalactique.

« C’est stupéfiant de constater ce qu’ils ont su retirer à partir de si peu d’informations, » s’étonne Ransom. « Si ces phénomènes viennent vraiment d’en-dehors de la galaxie, alors ils sont vraiment extraordinaires. On ne les comprend pas. »

Des magnétars ?

Masui et ses collègues soupçonnent que le sursaut provient d’une région jeune et propice à la formation d’étoiles située dans une galaxie très lointaine. (Quelle galaxie ? « Il y a environ une centaine de galaxies candidates ; on n’en a aucune idée » dit Masui.) Les régions où se forment les étoiles sont réputées pour être poussiéreuses, turbulentes et parfois violentes. Dans ces régions, les jeunes étoiles s’allument lorsque la compression exercée par la gravité transforme des fragments poussiéreux en fours nucléaires, alors que les étoiles les plus grosses et les plus brillantes vivent à toute vitesse pour terminer en une mort explosive.

Il arrive que lorsque l’une de ces grosses étoiles meure, son cadavre se transforme en magnétar, c’est-à-dire en étoile à neutrons jeune, extrêmement magnétisée et en rotation. Un magnétar est un objet incroyablement dense et exotique, dont les champs magnétiques sont des millions de fois plus puissants que l’aimant le plus puissant que l’on pourrait retrouver sur Terre. Occasionnellement, un tremblement d’étoile se propage sur la croûte d’un magnétar, ce qui perturbe l’étoile morte et engendre d’énormes éruptions qui émettent un rayonnement gamma particulièrement intense. Les astronomes soupçonnent qu’un magnétar en éruption pourrait également émettre des ondes radio, et serait donc le coupable derrière les émissions de sursauts radio rapides.

« Ils comptent parmi les plus puissantes sources des rayonnements à haute énergie que l’on reçoit sur Terre, mis à part le Soleil, qui est lui vraiment à côté, » explique Shrinivas Kulkarni, astrophysicien à Caltech. Pendant des années, il a douté de l’origine extragalactique des sursauts.

Aujourd’hui, il reconnaît que la majorité des indices indiquent que le phénomène trouve ses origines en-dehors de la Voie lactée. Sa conclusion a été publiée cette semaine dans un article envoyé à arXiv.

« J’ai l’impression que tous les tests que j’ai réalisés pour prouver que les sursauts étaient proches ont échoué, » dit-il.

Dans cet article, Kulkarni et ses collègues se sont penchés sur un sursaut détecté par l’observatoire d’Arecibo à Porto Rico. Sans se concerter, ils sont arrivés à des conclusions poches de celles de l’équipe de Masui : le sursaut provient d’en-dehors de la galaxie, d’une région riche en plasma dense et très magnétisé, et il pourrait avoir été engendré par un magnétar.

Alors que les deux équipes ont récupéré ces informations à partir de seulement deux des seize sursauts radio rapides connus, les résultats sont une bonne nouvelle pour les scientifiques qui planchent sur les origines des signaux. Cette recherche pourrait être plus facile avec la nouvelle génération de télescopes qui arrive.

« C’est très prometteur, » dit Duncan Lorimer, l’astronome de l’Université de Virginie Occidentale qui a découvert le premier sursaut radio rapide en 2007. « On est vraiment en train d’avancer vers la résolution du mystère. »

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