Une collision ''catastrophique'' serait à l'origine de la comète Tchouri
Les comètes, souvent constituées de deux lobes, ne se seraient pas formées lors de la création du système solaire, mais bien plus récemment. Une découverte réalisée à partir des données recueillies par la sonde Rosetta sur la comète Tchouri.
Jusqu’à présent, les astrophysiciens pensaient que les comètes constituées de deux lobes, comme Tchouri, avaient été formées aux prémices du système solaire, il y a plus de 4 milliards d’années. Les conditions spécifiques d’alors — pas de planètes formées et présence d’un disque de gaz ralentissant les corps célestes — permettaient que des collisions lentes se produisent, rendant possible l’agrégation de deux corps. Ce qui pouvait expliquer la forme bilobée de certaines comètes.
Mais une équipe internationale vient d’échafauder un tout autre scénario. Principale révélation publiée dans la revue Nature Astronomy du 5 mars 2018 : la naissance de Tchouri serait récente. « Un milliard d’années ou quelques centaines de millions d’années », précise Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS pour l’observatoire de la Côte d’Azur, qui a participé à l’étude et doit encore préciser la date de sa formation.
Avec l’ancienne théorie, une question persistait : comment une si petite comète, 4 km de diamètre, a-t-elle pu conserver sa forme pendant plus de 4 milliards d’années dans la ceinture du Kuiper, une zone de collisions fréquentes ? Pour y répondre, l’astrophysicien Patrick Michel s’est inspiré des collisions d’astéroïdes : « Quand ces corps célestes se cassent, cela produit des petits fragments, d’une centaine de mètres, susceptibles de se réagréger. C’est peut-être la même chose pour les collisions de comètes, cela expliquerait leur faible densité, comme celle des agrégats. »
En utilisant le Mésocentre Sigamm, le supercalculateur de l’Observatoire de la Côte d’Azur, pour simuler la collision de deux comètes, l’équipe de l’astrophysicien a pu vérifier cette hypothèse. « Au point d’impact de deux comètes, la matière devient localement plus compacte, mais ailleurs la roche se fragmente. Les résidus entrent alors en collision très lentement, comme lors de la création du système solaire, permettant l’agrégation de la matière. » C’est ainsi que les deux lobes de Tchouri se seraient rassemblés dans la ceinture du Kuiper.
Problème : le principal intérêt de l’étude des comètes est de comprendre la formation du système solaire. « Car elles conservent dans leur cœur glacé la matière primitive constitutive de notre système planétaire », explique-t-il. C’est pour cette raison que la quête ultime de Rosetta était d’atteindre Tchouri, découverte en 1969 et observée de nombreuse fois depuis (en 2002, 2003 et 2009). La mission de la sonde consistait à recueillir des informations sur la structure de la comète, sa composition, etc. Mais si Tchouri n’est pas née il y a 4 milliards d’années, les données de Rosetta peuvent-elles encore servir à étudier la formation du système planétaire ?
À ce sujet, pas d’inquiétude. Le nouveau scénario ne vient pas tout bousculer. « Selon les données fournies par Rosetta, Tchouri est bien constituée de matières organiques, carbone et silicate primitifs », se réjouit Patrick Michel. « La NASA étudie une nouvelle mission pour récupérer des échantillons de la comète dans son programme New Frontiers. Ils permettront de dater précisément son âge. Et surtout, de voir si la matière organique qui la compose ressemble à celle de la Terre, dans le but de corroborer ou infirmer l’hypothèse selon laquelle les comètes ont amené la vie sur Terre. »
En dehors de cette question cruciale, les images de Rosetta vont permettre de percer de nombreux mystères sur la physique des comètes. « Il s’agit notamment de comprendre la présence sur Tchouri d’agrégats fractales, des petites structures millimétriques de forme linéaire qui se sont formées au niveau du disque protoplanétaire dans les premiers instants de la création du système solaire, avance le spécialiste. Mais aussi de mieux appréhender des phénomènes géologiques inconnus sur Terre, liés à la faible gravité qui règne sur les comètes. »