Mars : des poches d'eau salée pourraient abriter la vie
Cette nouvelle étude s'intéressant aux hypothétiques poches d'eau salée sur Mars pourrait bouleverser notre compréhension de Mars et sa capacité à abriter la vie.
Lorsque l'on pense à un lieu où la vie telle que nous la connaissons existe, Mars ne nous vient pas vraiment à l'esprit. La surface de la planète rouge est bombardée de radiations qui endommagent toute forme de vie, et l'eau est uniquement présente dans ce paysage froid sous forme de glace et de minéraux hydratés, tandis que l'oxygène reste très rare dans le semblant d'atmosphère de la planète.
Mais d'après une nouvelle étude, Mars abriterait bien la vie : des poches d'eau salée, dont l'existence près de la surface reste encore à prouver, pourraient contenir suffisamment d'oxygène dissous pour permettre à des formes familières de microbes de subsister. Dans certains cas, l'oxygène serait même présent en quantité suffisante pour que des animaux qui en dépendent, comme les éponges, puissent respirer.
Cela ne signifie pas qu'il y a de la vie sur Mars, puisque les scientifiques ne sont même pas sûrs que de l'eau à l'état liquide coule en surface ou dans le sous-sol de la planète rouge. Toutefois, cette étude surprenante publiée dans la revue Nature Geoscience lundi 22 octobre suggère que l'environnement actuel de Mars n'est peut-être pas aussi inhospitalier que nous le pensions.
« C'est bien cela le problème avec l'habitabilité : nous ne pensions pas qu'une telle quantité d'oxygène était présente dans cet environnement», a indiqué l'auteur principal de l'étude Vlada Stamenković, planétologue et physicien au Jet Propulsion Laboratory de la NASA. « Cela change complètement notre compréhension de Mars quant à son potentiel à abriter la vie aujourd'hui ».
LE MYSTÈRE DU MANGANÈSE
L'atmosphère ténue de Mars est majoritairement composée de dioxyde de carbone, ainsi que de traces d'azote et d'argon. Les informations collectées par les rovers et les vaisseaux spatiaux en orbite autour de Mars suggèrent que l'atmosphère de la planète rouge contient 0,145 % d'oxygène. Celui-ci serait libéré par certaines molécules de dioxyde de carbone au moment où elles sont détruites par la lumière du Soleil.
Cette quantité d'oxygène est insignifiante comparée au près de 21 % contenu dans l'atmosphère moderne de la Terre. Mais il semblerait que l'oxygène soit à l'origine de quelque chose d'étrange sur la planète rouge.
En 2014, des chercheurs furent ravis de découvrir de l'oxyde de manganèse sur Mars. Le manganèse ne s'oxyde pas facilement et contrairement à l'oxyde de fer, qui donne à la planète rouge sa couleur rouille, l'oxyde de manganèse requiert la présence de microbes ou d'oxygène pour se former, explique Kirsten Siebach, géologue-planétologue à l'Université Rice qui n'a pas pris part à l'étude.
D'après les chercheurs, la présence de ce composé sur Mars suggérait que l'oxygène avait été présent en plus grande quantité dans l'ancienne atmosphère de la planète rouge. Mais pour Vlada Stamenković et ses collègues, il devait y avoir autre chose qui expliquait le phénomène.
UNE GUERRE DE L'OXYGÈNE
L'eau à l'état liquide est plutôt rare sur Mars, où la température moyenne à la surface est de - 62 °C. À l'heure actuelle, hormis quelques soupçons sur la présence d'eau souterraine en profondeur, aucune découverte de poche d'eau sur Mars n'a été confirmée. Les scientifiques pensent toutefois que de l'eau pourrait se trouver sous la surface de Mars et qu'il s'agirait de saumure, une eau très salée.
Lorsque vous ajoutez du sel dans l'eau, cela a pour effet d'abaisser légèrement la température à laquelle cette dernière gèle. Par conséquent, une présence accrue de sels dans la glace de Mars, ainsi que de perchlorates de calcium et de magnésium, très présents dans la poussière de la planète rouge, vont provoquer le dégel de l'eau.
Mais ces sels posent un problème. En effet, plus le sel est présent en grande quantité, moins l'eau contient d'oxygène, mais plus l'eau est froide, mieux l'oxygène se dissout dans celle-ci. Un véritable bras de fer a alors lieu entre les sels, qui repoussent le gaz dissous, et les températures froides, qui elles attirent le gaz. Pour déterminer l'hypothétique vainqueur de ce match, les chercheurs se sont tournés vers la modélisation mathématique.
Ils ont donc mis au point un modèle afin de tester la concentration en sel de six échantillons d'eau, pour savoir si celle-ci était suffisante pour rester à l'état liquide à des températures allant de - 133 °C à 26 °C. Le modèle prenait également en compte la pression atmosphérique moyenne de différents endroits sondés sur Mars.
DES EAUX SALÉES CAPABLES D'ABRITER LA VIE ?
Les résultats obtenus indiquent que les hypothétiques poches d'eau salée qui restent à l'état liquide au-delà du point de congélation de l'eau pure offrent aux microbes aérobies bien plus d'oxygène que la quantité nécessaire à leur développement. De plus, leurs meilleures estimations avec les perchlorates suggèrent que l'eau contiendrait encore assez d'oxygène pour permettre à des organismes plus complexes, comme des éponges, de vivre.
Les chercheurs ont également déterminé ce qu'il se passerait dans le pire des cas, afin d'avoir une petite marge d'erreur concernant les facteurs calculés de leur modèle. Et même dans cette situation, les poches d'eau salée contiennent suffisamment d'oxygène pour permettre à des microbes de vivre.
« Nous étions vraiment surpris », a indiqué Vlada Stamenković en se souvenant de la réaction initiale de son équipe. « J'ai refait l'ensemble des calculs cinq fois pour m'assurer qu'ils étaient corrects. »
Il y a 2,35 milliards d'années sur Terre, les microbes ont commencé à respirer l'oxygène de l'atmosphère et les êtres vivants ont proliféré. Mais avant cette date, la concentration en oxygène des eaux de la planète bleue était bien inférieure à celle que l'on trouverait hypothétiquement sur Mars à l'heure actuelle, et qui se serait maintenue sur la planète rouge depuis des millions d'années.
Selon Jodi Young, océanographe biologiste à l'Université de Washington qui n'a pas pris part à l'étude, l'eau salée serait donc « bénéfique au développement des organismes ». Elle explique que, sur Terre, les saumures oxygénées très fraîches se forment dans les réseaux de fissures des glaces marines et que de nombreux organismes y vivent.
Cet oxygène dissous aurait aussi permis la formation des oxydes de manganèse sur Mars, même dans une atmosphère pauvre en oxygène. « Notre explication n'est pas farfelue, c'est ce qui se passe sur Mars aujourd'hui », a confié Vlada Stamenković.
Kirsten Siebach juge brillante l'idée à l'origine de cette recherche. Toutefois, elle souligne avec prudence que la formation de certains des anciens oxydes de manganèse que l'on observe aujourd'hui sur Mars aurait nécessité des concentrations d'oxygène similaires pendant des milliards d'années.
« Il est difficile de déterminer depuis quand cela dure », a-t-elle indiqué.
UNE EXISTENCE À CONFIRMER
Avant de se réjouir de la présence de microbes modernes sur Mars, les scientifiques doivent tout d'abord confirmer l'existence de ces poches d'eau liquide sur la planète rouge.
« Nous sommes une communauté scientifique qui a pour habitude de faire des découvertes puis de revenir sur celles-ci », a expliqué Kirsten Siebach en riant. Selon elle, si de telles poches d'eau existent, elles seraient petites et il est possible qu'elles soient uniquement présentes à certains moments de la journée ou pendant certaines saisons.
Si les scientifiques parviennent à identifier de tels environnements qui abritent hypothétiquement la vie, il ne sera pas simple d'y accéder, poursuit Kirsten Siebach. Les liquides contenant le plus d'oxygène se trouveraient dans l'eau la plus froide, située aux pôles, où même les rovers auraient des difficultés à maintenir leur température à un niveau leur permettant de fonctionner. De plus, les scientifiques devront être méthodiques pour éviter que des microbes terrestres ne contaminent Mars.
« Si nous pensons que des formes de vie terrestres peuvent survivre dans ces eaux salées, nous devrons faire très attention au moment de nous en approcher », a déclaré Kirsten Siebach. Malgré cela, cette nouvelle étude fait miroiter la possibilité alléchante que nous allons peut-être découvrir quelque chose de vivant sur Mars dans un futur proche.
« Sur Terre, l'oxygène fut un important moteur de l'évolution », a souligné Vlada Stamenković. Sa présence sur Mars aura peut-être donné un coup de pouce à la vie dans un lieu autrement inhospitalier.
« Nous n'en avons pas la moindre idée, mais cela me donne de l'espoir et des envies d'exploration », ajoute l'auteur principal de l'étude.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.