La vitesse d'expansion de l'univers dépasse toutes les prévisions

Une nouvelle étude vient accentuer le mystère qui plane autour de la constante de Hubble, l'une des valeurs les plus importantes de l'astronomie.

De Michael Greshko
Situé à près de 200 000 années-lumière de la Terre, le Grand Nuage de Magellan est ...

Situé à près de 200 000 années-lumière de la Terre, le Grand Nuage de Magellan est une galaxie satellite de la Voie lactée, c'est à dire qu'elle gravite autour de cette dernière. À mesure que la Voie lactée tire sur ses nuages de gaz, ils s'effondrent pour donner naissance à de nouvelles étoiles qui illuminent le Grand Nuage de Magellan de splendides couleurs à la manière d'un kaléidoscope.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, ESA. Josh Lake

De nouvelles preuves suggèrent que la vitesse actuelle d'expansion de l'univers serait supérieure à celle de ses jeunes années, une différence qui incite les scientifiques à mener des recherches sur les forces cosmiques susceptibles d'entrer en jeu. S'il est confirmé, le taux de variation (9 % plus rapide que prévu) nous contraindrait à repenser certains aspects fondamentaux du cosmos.

Les résultats publiés dans la revue Astrophysical Journal constituent la dernière actualité en date de l'interminable controverse sur la constante de Hubble, qui décrit le taux d'expansion de l'univers à un instant donné.

Ces dernières années, de nombreuses études ont démontré que les mesures de la constante de Hubble d'après le fond diffus cosmologique (la lumière la plus ancienne de l'univers, émise 380 000 ans après le big bang) sont en contradiction avec les estimations faites à partir d'étoiles plus jeunes, par exemple celles de notre Voie lactée, même après avoir pris en compte de mystérieuses forces cosmiques comme l'énergie noire qui accélère l'expansion de l'univers.

« L'univers est en train de dépasser toutes nos prévisions vis-à-vis de son expansion, et c'est très troublant, » déclare l'auteur principal de l'étude Adam Riess, astronome à l'université Johns Hopkins, récompensé en 2011 par le prix Nobel de physique pour avoir aidé à mettre en évidence l'énergie noire aux côtés de Saul Perlmutter et Brian P. Schmidt.

Pour certains, cet écart est dû à la nature incomplète des données, ou à des erreurs non détectées qui faussent les estimations. Cependant, en s'appuyant sur des mesures récentes de nos environs cosmiques réalisées par le télescope spatial Hubble, Riess et ses collègues affirment que l'écart est non seulement réel, mais qu'il est même plus grand qu'il ne l'a jamais été.

Dans la nouvelle étude, l'équipe de Riess évalue la constante de Hubble à une valeur de 74,03 km/s/Mpc (kilomètres par seconde par mégaparsec), plus ou moins 1,42. Un chiffre incohérent avec les meilleures estimations de Planck, l'observatoire spatial mis au point par l'Agence spatiale européenne et auteur des mesures les plus précises à ce jour du rayonnement micro-onde cosmique. Les données de Planck fixent la constante de Hubble à environ 67,4 km/s/Mpc, plus ou moins 0,5. En termes statistiques, la différence entre ces deux résultats est d'environ 4,4 sigma, soit 1 chance sur 100 000 que l'écart soit simplement dû au hasard.

« Pour illustrer, prenez par exemple un enfant de deux ans et mesurez sa taille puis essayez d'estimer la taille qu'il fera lorsqu'il grandira. On peut ensuite attendre qu'il ait grandi pour le mesurer à nouveau, » explique Riess. « S'il dépasse de loin cette extrapolation, on se retrouve face à un véritable mystère. Il y a quelque chose de faux dans notre compréhension de sa façon de grandir. »

 

CHRONOMÉTRER L'UNIVERS

Le calcul de la constante de Hubble et donc du taux d'expansion de l'univers en fonction des mouvement des étoiles exige deux types de données : à quelle distance se trouve une étoile donnée et à quelle vitesse elle s'éloigne de nous.

Pour mesurer la vitesse d'une étoile, les astronomes traquent les variations dans la lumière émise par cette étoile. Pour mesurer la distance, ils utilisent différents outils allant de la géométrie pure et simple à l'observation minutieuses d'étoiles variables appelées céphéides. La luminosité de ces étoiles augmente et diminue à intervalles réguliers, le rythme de ces pulsations est étroitement lié à la luminosité générale de l'étoile : plus elle est lumineuse, plus ses pulsations sont lentes.

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    PHOTOGRAPHIE DE NASA

    Les astronomes peuvent utiliser cette relation comme une règle. En mesurant le rythme de pulsation des céphéides, ils peuvent déduire la luminosité de l'étoile et en comparant cette luminosité absolue à celle qu'ils observent, ils peuvent déduire la distance qui nous sépare de cette étoile. Il est également possible de combiner les céphéides à l'observation de certaines explosions stellaires pour mesure des distances plus éloignées dans l'univers.

    L'élaboration de cette « échelle des distances cosmiques » a demandé plusieurs années de travail aux astronomes et ils essaient toujours de la rendre plus précise. Pour cette étude, l'équipe de Riess a utilisé le télescope spatial Hubble pour scruter 70 céphéides du Grand Nuage de Magellan, une galaxie satellite de la nôtre à la forme irrégulière. Ces nouvelles données leur ont permis d'estimer plus précisément les distances entre la Terre et les objets du Grand Nuage de Magellan, grâce auxquelles ils ont pu ensuite déduire la constante de Hubble avec une très grande précision.

     

    ÉQUILIBRER LES COMPTES

    Si la vitesse d'expansion de l'univers est réellement supérieure à nos attentes, alors il faudra établir de nouvelles théories physiques pour expliquer cette divergence. L'énergie noire est-elle plus exotique ou plus chargée en énergie que nous ne le pensions ? La matière noire est-elle plus complexe que nos prévisions ? Existe-t-il un autre type de particule non visible dans l'univers comme les neutrinos stériles qui interagissent avec d'autre type de matière uniquement par la gravité ?

    Et si notre grand livre des comptes cosmiques était vraiment dans le rouge, il faudrait alors s'adresser à un comptable externe et il se pourrait qu'il arrive bientôt. En 2017, des scientifiques ont détecté des ondes gravitationnelles, des vibrations de l'espace-temps et une projection de lumière suite à la collision de deux étoiles à neutrons. Ce relevé historique a permis aux astronomes de déduire une estimation de la constante de Hubble indépendante. Pour le moment, cette valeur s'intercale pile entre les estimations de Planck et celles obtenues grâce à l'échelle des distances cosmiques.

    L'efficacité de l'utilisation de tels événements comme « sirène standard » pour mesurer l'expansion de l'univers repose cependant sur le nombre de collisions d'étoiles à neutrons détectées par les observatoires d'ondes gravitationnelles comme LIGO. Jusqu'à présent, un seul de ces événements a été détecté par les astronomes mais LIGO pourrait bien en avoir détecté un second le matin du 25 avril. Cela dit, localiser la provenance des ondes dans le ciel s'est avéré difficile, ce qui complique les mesures de suivi à l'aide des télescopes.

    Dans le même temps, Riess et des astronomes du monde entier s'attachent à améliorer la précision de leur mesure de la constante de Hubble dans l'espoir qu'un écart même infime puisse apporter de nouveaux indices sur le fonctionnement de l'univers.

    « Un écart de 9 % est déjà très préoccupant lorsque la marge d'erreur se trouve à 1 ou 2 %, » confie Riess. « Nous avons l'impression que l'univers nous fait encore et toujours la leçon. »
     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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