Cette expérience a validé la théorie de la relativité d'Einstein
En 2019, l'observation du trou noir supermassif situé au centre de notre galaxie a permis de tester une nouvelle fois la théorie de la relativité générale publiée en 1915.
Que se passe-t-il lorsqu'une étoile passe près d'un trou noir supermassif ? Elle offre aux astronomes l'opportunité de tester les théories d'Einstein.
En observant le comportement d'une étoile tournant autour du trou noir situé au centre de notre galaxie, les scientifiques ont confirmé que le champ gravitationnel intense de ce mystérieux objet cosmique avait un effet sur la lumière stellaire, retardant considérablement le voyage dans l'espace de ses visiteurs. Cette observation est le meilleur moyen de tester une prédiction clef de la théorie de la relativité générale d'Einstein, qui suggère que la lumière perd de l'énergie lorsqu'elle a du mal à se déplacer à travers un champ gravitationnel extrême.
« Ce type d’expérience permet de tester directement le fonctionnement de la gravité aux abords d’un trou noir supermassif », explique Andrea Ghez, astronome à l’Université de Californie à Los Angeles, dont l’équipe a rapporté les résultats dans la revue Science. « La gravité est extrêmement importante, tant pour notre compréhension de l'univers que pour notre vie quotidienne. »
Les astronomes espèrent trouver un jour la preuve que la relativité générale ne fonctionne pas dans des environnements gravitationnels extrêmes, car cela ouvrirait la voie à de nouveaux types de physique susceptibles de résoudre certains grands mystères de notre compréhension de l'univers.
Pour le moment, cependant, il semble qu'Einstein avait encore une fois raison et que les autres théories de la gravité, y compris celle développée par Isaac Newton, soient exclues.
UN ENSEMBLE MASSIF DE DONNÉES
Comme Einstein l'a décrit dans sa théorie de la relativité générale, ce que nous percevons comme gravité est le résultat de la masse d’un objet courbant le tissu de l’espace-temps. La théorie affirme également que la gravité affecte tout, y compris la lumière, et que les objets très massifs déforment toute lumière se déplaçant autour d'eux. Cet effet a notamment été observé lors d'une éclipse solaire en 1919 qui a fait de la relativité générale un pilier de la science.
C'est pourquoi les astronomes sont si enthousiasmés par la présence d'un groupe d'étoiles en orbite autour du trou noir supermassif au centre de notre galaxie, un monstre dont la masse équivaut à quatre millions de soleils appelé Sagittaire A*, ou SgrA*. Il se trouve à environ 26 000 années-lumière de la Terre, dissimulé derrière un rideau de gaz et de poussière.
L'étoile en question est nommée S0-2 et contourne le trou noir supermassif de la Voie Lactée, complétant une orbite de forme ovale en seulement 16 ans. Lorsque dans sa course l'étoile atteint son point le plus proche de Sgr A*, les étoiles se déplacent à travers l'espace à une vitesse d'environ 25 millions de kilomètres par heure, soit près de 3 % de la vitesse de la lumière.
Parce que son orbite est de forme ovale, S0-2 oscille entre une distance plus ou moins prononcée du trou noir Sgr A*. Ghez et ses collègues ont voulu étudier le point auquel S0-2 était le plus proche de Sagittaire A*, observé pour la dernière fois en mai de l'année dernière. Ainsi, entre mars et septembre 2018, l'équipe a pris des mesures précises des étoiles se déplaçant dans l'espace à l'aide d'une série de télescopes au Chili et au sommet du volcan Mauna Kea à Hawaï.
« Il faut vraiment connaître, sans ambiguïté, la forme de l'orbite », déclare Ghez. « C'est quand elle se trouve au plus près du trou noir que l'étoile fait l'expérience la plus forte du champ gravitationnel, et que vous pouvez tester la théorie de la relativité générale d'Einstein. »
Les scientifiques ont ajouté ces nouvelles données à une mine d'observations recueillies depuis 1995 ; mises bout à bout, ces informations leur ont permis de calculer l’orbite entière de S0-2 en trois dimensions.
VOIR ROUGE
Pour tester la théorie de la relativité générale, l'équipe a combiné des mesures de la position du groupe d'étoiles dans l'espace avec des observations de son mouvement le long de la ligne de visée de la Terre pour mesurer un effet appelé décalage vers le rouge gravitationnel, ou décalage d'Einstein.
En termes simples, lorsque S0-2 est proche de SgrA*, le trou noir agit comme un ralentisseur. L'effet apparaît comme un étirement de la lumière de S0-2 vers des longueurs d'ondes plus rouges.
« Le décalage vers le rouge gravitationnel est fondamentalement codé dans la spectroscopie », explique Ghez, qui a noté que la lumière stellaire de S0-2 ralentissait d'environ 201 km par seconde - exactement ce que les équations d'Einstein prédisaient pour un objet présentant le poids gravitationnel de SgrA*. En prime, l'étude détermine plus précisément la masse et la distance de SgrA*.
Les scientifiques ont déjà testé la théorie de relativité générale de cette façon. Les satellites doivent continuellement s'ajuster aux effets relativistes causés par la gravité de la Terre. Sans ces corrections, la navigation à l'aide de tout type d'application cartographique ne serait plus fiable.
De plus, l'équipe GRAVITY basée à l'Institut Max Planck en Allemagne étudie le centre galactique depuis des décennies. L'année dernière, elle a annoncé qu'elle avait détecté le même décalage vers le rouge gravitationnel pour S0-2 que celui décrit par l'équipe de Ghez aujourd'hui.
Les mesures concordent, ce qui suggère que la gravité est conforme à la théorie d'Einstein plutôt qu'à un modèle newtonien, mais elles diffèrent dans certains détails. Ghez émet l'hypothèse que les erreurs systématiques causées par les instruments et les référentiels expliquent les disparités. Elle ajoute que, à mesure que les équipes continuent d'étudier le centre galactique, il sera de plus en plus crucial de limiter voire d'éliminer ces erreurs.
Frank Eisenhauer, l'investigateur principal de GRAVITY, estime quant à lui qu'il est formidable de voir ces nouvelles mesures indépendantes et la confirmation du décalage vers le rouge gravitationnel. Pour lui, les résultats montrent que le monstre supermassif situé au centre de notre galaxie reste une cible clef pour déchiffrer la physique des trous noirs et tester la théorie de la gravité.
« L'avenir de la recherche sur les centres galactiques est prometteur », dit-il.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.