Avec 20 nouvelles lunes, Saturne devient la planète avec le plus de satellites

Avec ses nouvelles âmes sœurs, Saturne est désormais la planète de notre voisinage cosmique avec le plus grand nombre de lunes connues, battant Jupiter à plate couture.

De Michael Greshko
Publication 9 oct. 2019, 10:55 CEST
L'ombre de Saturne semble mordre dans ses anneaux dans une image composite réalisée à l'aide de ...
L'ombre de Saturne semble mordre dans ses anneaux dans une image composite réalisée à l'aide de certaines des images finales de la sonde Cassini de la NASA, capturées en octobre 2016. Aujourd'hui, près de trois ans plus tard, des astronomes viennent d'annoncer la découverte de 20 petites lunes en orbite autour de Saturne qui compte à présent 82 satellites naturels au total.
PHOTOGRAPHIE DE NASA, JPL Cal-tech, Space Science Institute

Jupiter est peut-être la reine du système solaire mais la cour de Saturne est bien plus fournie : des astronomes ont annoncé hier qu'ils avaient découvert 20 lunes supplémentaires autour de Saturne, portant à 82 le nombre total de lunes de la planète, le plus grand nombre pour une planète du système solaire. Ce coup de filet massif survient un an à peine après l'annonce de la découverte de 12 lunes en orbite autour de Jupiter mais avec ses 20 nouvelles lunes, Saturne surpasse à présent les 79 satellites naturels connus de Jupiter.

Prises ensemble, ces lunes relativement petites pourraient aider les astronomes à mieux comprendre les nombreuses collisions survenues dans les premiers instants du système solaire et constitueraient de nouvelles cibles propices au survol dans le cadre de futures missions à destination des géantes gazeuses.

« L'un des aspects les plus intéressants de ces nouvelles lunes est le fait qu'il y a toujours des missions prévues, » déclare Scott Sheppard, astronome de la Carnegie Institution for Science de Washington et coauteur des découvertes de nouvelles lunes pour les deux planètes. Rien qu'aujourd'hui, trois missions pour Jupiter et Saturne sont en cours de préparation : Europa Clipper de la NASA, la sonde Dragonfly de la NASA et la mission JUICE de l'Agence spatiale européenne.

« Ces lunes sont si nombreuses aujourd'hui qu'il est presque sûr que l'une d'entre elles se trouvera à proximité de la sonde spatiale lorsqu'elle entrera dans le voisinage de Jupiter ou Saturne, » explique Sheppard.

 

AGENTS DU CHAOS ?

Les nouvelles lunes de saturne ont toutes un diamètre d'environ 5 km, si discrètes qu'elles dépassaient de justesse la limite de détection du télescope Subaru, le dispositif installé au sommet du volcan Mauna Kea, à Hawaï, et utilisé pour les détecter.

C'est pour cette raison que la découverte aura pris plus de dix ans. De 2004 à 2007, Sheppard et ses collègues ont utilisé Subaru pour observer de très près les environs de Saturne afin de trouver des lunes encore inconnues. Et même s'ils avaient bien observé de curieux points de lumière, ils ne parvenaient pas à prouver que ces têtes d'épingles étaient bel et bien en orbite autour de Saturne.

« J'ai toujours gardé cette information dans un coin de ma tête, » raconte Sheppard. Aujourd'hui, les nouvelles techniques informatiques ont grandement simplifié la tâche qui consiste à analyser plusieurs années d'images télescopiques et à en faire ressortir les liens. Lorsque Sheppard a de nouveau analysé les données, les images ont confirmé que 20 points de lumière orbitaient autour de Saturne.

Sur les vingt nouvelles lunes, dix-sept orbitent dans la direction opposée à la rotation de Saturne. Chacune de ces lunes « rétrogrades » met plus de trois ans à compléter une orbite. Les trois lunes restantes orbitent Saturne dans la même direction que la rotation de la planète. Deux de ces lunes « progrades » mettent environ deux ans à achever une orbite alors que la troisième met plus de trois ans à faire le tour de Saturne.

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    Images de la découverte de la nouvelle lune prograde de Saturne, temporairement baptisée S/2004 S24. Les images proviennent du télescope Subaru, avec environ une heure entre chaque image. Marquée par les deux barres orange, la nouvelle lune se déplace sur fond d'étoiles et de galaxies statiques.
    Avec l'aimable autorisation de Scott S. Sheppard

    Ces nouvelles lunes s'intègrent aux groupes déjà établis de satellites saturniens qui portent chacun le nom d'un géant de la mythologie du groupe en question. En raison de leur direction orbitale, de leur distance à Saturne et de leur inclinaison par rapport à celle-ci, les lunes rétrogrades rejoignent le groupe nordique. Les deux lunes progrades les plus proches appartiennent désormais au groupe inuit et la plus éloignée au groupe celte.

    Sheppard et ses collègues pensent que chacun de ces amas de lunes se serait formé à partir d'un corps parent distinct que Saturne aurait capturé alors que le système solaire n'en était qu'à ses balbutiements. Puis, alors que le jeu d'auto-tamponneuses célestes suivait son cours, les collisions auraient fini par réduire les corps parents en fragments devenus les lunes que nous observons aujourd'hui.

    « Nous pensons que ces lunes nous montrent à quel point le système solaire était chaotique dans un lointain passé, » explique Sheppard. « Tous les objets entraient en collision et ces lunes sont les vestiges de ce processus. »

    Aucune des 20 nouvelles lunes n'a encore de nom officiel. Sheppard et ses collègues ont invité le grand public à faire part de suggestions dans le cadre d'un concours qui se terminera le 6 décembre.

     

    UN RÊVE DEVENU RÉALITÉ

    Les télescopes de prochaine génération, comme le télescope géant Magellan en cours de construction au Chili, trouveront probablement encore plus de lunes orbitant autour des géantes gazeuses du système solaire. Sheppard affirme qu'à l'heure actuelle, nos meilleurs télescopes ne sont pas en mesure de détecter des lunes autour de Jupiter dont le diamètre est inférieur à 1,6 km. Pour Saturne, cette limite se situe à environ 4,8 km. Et des objets encore plus gros pourraient se cacher dans l'ombre d'Uranus et de Neptune.

    « Ces deux-là sont si éloignées que la limite pour Uranus est de 32 km et pour Neptune d'environ 48 km, » déclare Sheppard.

     S'il y a davantage d'objets petits et distants à trouver, Sheppard est tout à fait prêt à relever le défi. Avec l'astronome Chad Trujillo, Sheppard a déjà codécouvert un objet extrêmement distant avec une orbite qui pourrait être déformée par une neuvième planète invisible, profondément enfouie dans les confins du système solaire. En 2018, il a codécouvert l'objet le plus distant de notre système solaire, une masse de glace baptisée Farout (en français, très loin) et située à plus de cent fois la distance terre-soleil. Et quelques mois plus tard, lui et ses collègues ont battu leur propre record en découvrant un autre objet encore plus éloigné qu'ils ont baptisé avec humour Farfarout (très très loin).

    Les découvertes lunaires de Sheppard ont une touche plus personnelle. À l'âge de 12 ans, il avait reçu un magazine de science pour enfants dans lequel se trouvait une liste de l'ensemble des planètes et des lunes connues à l'époque ; une liste qu'il s'était empressé d'accrocher au mur de sa chambre.

    « Pouvoir aujourd'hui compléter ce tableau est tout simplement un rêve devenu réalité, » conclut-il.

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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