Comment la NASA compte dévier les astéroïdes qui pourraient frapper la Terre

Dans le cadre de la mission DART, l'agence spatiale américaine teste actuellement des technologies qui pourraient bien sauver notre planète.

De Nadia Drake
DART, NASA's first planetary defense mission, will demonstrate asteroid deflection by crashing the APL-built spacecraft into ...

DART, NASA's first planetary defense mission, will demonstrate asteroid deflection by crashing the APL-built spacecraft into an asteroid at roughly 14,500 miles per hour.

 

PHOTOGRAPHIE DE Illustration de la NASA/Johns Hopkins APL

Le 29 avril, un astéroïde suffisamment grand pour creuser un cratère large de dix kilomètres et plonger le monde dans un nuage de poussière s'il frappait la Terre va innocemment passer à quelques encablures de notre planète.

Baptisé 1998 OR2, cet objet mesure au bas mot 1,6 km de large et bien qu'il ne constitue pas une menace, il passera tout de même à 6,5 millions de kilomètres de notre planète. Pour la NASA, une telle distance reste synonyme d'un objet potentiellement dangereux car ses passages à proximité de la Terre vont se répéter à l'avenir, les deux corps orbitant autour d'un même astre, le Soleil.

« C'est un gigantesque astéroïde, » déclare Amy Mainzer de l'université d'Arizona, l'une des plus grandes spécialistes de la détection d'astéroïde et de la défense planétaire. « Il est plus petit que celui qui a provoqué l'extinction des dinosaures mais il pourrait aisément causer beaucoup de dégâts. »

Le passage d'un astéroïde à relative proximité de la Terre est plus fréquent que nous ne  l'imaginons. Chaque année, des dizaines d'astéroïdes suffisamment imposants pour provoquer une destruction régionalisée passent à moins de 7 480 000 km de l'orbite terrestre, le seuil en dessous duquel un astéroïde est considéré potentiellement dangereux. En moyenne, un ou deux objets suffisamment grands pour déclencher un cataclysme à l'échelle continentale passent chaque année.

À un certain point dans le futur, la Terre finira sûrement par se heurter à un objet dont la taille suffira à anéantir une ville, ou pire. Si les humains sont toujours de la partie lorsque ce jour arrive, la prudence voudrait qu'ils disposent d'un plan pour protéger la planète. C'est pourquoi la NASA a programmé l'année prochaine le lancement d'une sonde spatiale visant à tester une stratégie de défense prometteuse contre ces tueurs nés : les frapper tant qu'ils sont assez loin pour que leur trajectoire s'en trouve modifiée.

Dans le cadre de cette mission baptisée Double Asteroid Redirection Test (DART), un engin spatial ira s'écraser sur le plus petit des deux astéroïdes en orbite l'un autour de l'autre. Le moindre changement dans l'orbite du plus petit objet sera facile à mesurer depuis la Terre et offrira un bon indicateur de réussite, ou non, de la tentative de déviation.

« Nous vivons une période fascinante, » déclare Ed Lu, astronaute de la NASA à la retraite et créateur de la fondation B612, une organisation à but non lucratif consacrée à la détection et la déviation des astéroïdes. « Je pense que DART sera une éclatante démonstration. »

 

UN SYSTÈME SOLAIRE SURPEUPLÉ

Avant même de penser à stopper ces astro-meurtriers, il faut les trouver. « Il y a littéralement des centaines de milliers d'astéroïdes en vadrouille et notre objectif est de distinguer ceux qui doivent être surveillés de près au fil du temps, » explique Lindley Johnson, officier de défense planétaire de la NASA. Pour le moment, ajoute-t-il, ce catalogue comporte 2 078 astéroïdes potentiellement dangereux.

L'astéroïde géocroiseur 1998 OR2 mesure au moins 1,5 km de diamètre et passera à 16 distances lunaires de la Terre le 29 avril 2020.

PHOTOGRAPHIE DE Arecibo Observatory, NASA, Nsf

L'astéroïde 1998 OR2 filera cette semaine à une vitesse de 32 000 km/h dans un rayon de 6,5 millions de kilomètres de notre planète, soit environ 16 fois la distance Terre-Lune. Bien que cette distance ne soit pas préoccupante, 1998 OR2 va poursuivre son orbite de 3,7 années autour du Soleil, traversant la ceinture d'astéroïdes au-delà de Mars pour ensuite revenir dans l'orbite terrestre à chaque nouvelle révolution. À son prochain passage aux abords de la Terre en 2078, il sera bien plus près, à moins de deux millions de kilomètres. Les astronautes ne sont pas en mesure de calculer la position exacte de 1998 OR2 au-delà de quelques centaines d'années.

Pour la NASA, tout objet de taille supérieure à 140 mètres passant à moins de 7 480 000 kilomètres de la Terre se classe parmi les astéroïdes potentiellement dangereux. « Cette distance provient du potentiel de modification des orbites au fil du temps, auquel une petite marge est ajoutée, bien entendu, pour être sûr de détecter tout ce qui représente un danger de collision potentiel à l'avenir, » explique Johnson.

Dans sept ans, un autre astéroïde colossal appelé 1990 MU, mesurant plus de trois kilomètres, passera à moins de cinq millions de kilomètres de la Terre.

« Il ne vaut mieux pas que nous soyons frappés pas quelque chose d'aussi gros, » indique Johnson. « Notre mission la plus importante est de les trouver pour compiler un catalogue exhaustif de tout ce qu'il y a là-haut et ainsi éviter les surprises. »

En 1998, le Congrès des États-Unis a demandé à la NASA de détecter et classer au moins 90 % des astéroïdes potentiellement dangereux dont la taille dépassait le kilomètre. Sept ans plus tard, l'agence spatiale recevait l'ordre de trouver 90 % des géocroiseurs d'une taille supérieure à 150 m.

Les astéroïdes les plus imposants, dont 1998 OR2 et 1990 MU, pourraient anéantir l'ensemble de la vie sur Terre s'ils venaient à frapper. « On estime que les astéroïdes d'un kilomètre ou plus engendreraient une destruction d'envergure continentale et que la poussière propulsée dans l'atmosphère entraînerait un important refroidissement planétaire accompagné de plusieurs années de mauvaises récoltes à travers le monde, » déclare Jay Melosh, géophysicien de l'université Purdue.

Nous avons trouvé environ 900 de ces objets volumineux, soit 95 % de la population totale estimée. Aucun n'a de chance, même infime, de frapper la planète dans les siècles à venir. Cependant, en ce qui concerne le groupe des objets plus petits, tout de même capables de détruire des villes, seuls 30 % des 25 000 objets estimés ont été détectés, d'après un rapport du National Science and Technology Council des États-Unis.

« Pour ces objets plus petits, dont la taille serait à l'origine de problèmes régionalisés, nous avons encore beaucoup de travail, » témoigne Mainzer. « La recherche de ces blocs de roche gris ou noirs sur le fond obscur de l'univers est un problème épineux. »

Même les objets dont la taille n'excède pas les 150 m pourraient se révéler dangereux. Certains météores explosent en plein ciel avec la puissance d'une bombe nucléaire, comme c'est arrivé au-dessus de Chelyabinsk en Russie en 2013. Avec seulement 20 m d'envergure, ce bolide a généré une onde de choc suffisamment puissante pour briser les vitres et blesser plus de 1 500 personnes lors de son passage sur la ville. Personne ne l'avait vu venir.

 

DANS LE MILLE

Pour stopper un astéroïde en route vers la Terre, rien n'est plus important que le timing. Avec plusieurs années voire plusieurs décennies de préparation, même le plus grand des astéroïdes pourra être dévié.

Avec sa mission DART programmée pour juillet 2021, la NASA souhaite tester la stratégie suivante : faire s'écraser un engin spatial sur un astéroïde en approche. En octobre 2022, à environ onze millions de kilomètres de la Terre, la sonde de la taille d'un réfrigérateur s'approchera d'un astéroïde de 800 m de diamètre appelé Didymos autour duquel orbite une lune de 150 m de largeur.

Affectueusement surnommé « Didymoon » (Didylune), ce satellite naturel est la cible de DART. Sa taille le situe au niveau des astéroïdes capables de détruire de villes. Les télescopes terrestres seront capables de mesurer la nouvelle durée de son orbite autour du plus grand astéroïde afin d'évaluer les effets de la collision.

« Si ce n'était pas un système binaire, il serait pratiquement impossible de mesurer les effets avec une précision importante, » déclare Megan Bruck Syal du laboratoire national Lawrence Livermore, qui utilise une combinaison de tests en laboratoires et de superordinateurs pour modéliser les impacts d'astéroïdes. « C'est une occasion en or de tester l'efficacité de la technologie d'impacteur cinétique sur un véritable astéroïde. »

Juste avant de percuter Didymoon à environ 23 700 km/h, DART libérera une caméra de la taille d'une boîte à chaussures fabriquée par l'Agence spatiale italienne. La caméra assistera à la collision en photographiant le jet de débris et peut-être même le cratère causé par l'impact. Johnson s'attend à ce que la collision réduise de sept minutes l'orbite initial de douze heures de la lune, mais l'équipe de chercheurs considérera la mission réussie si cette réduction dépasse les 70 secondes.

« En modifiant l'orbite de la lune, nous ne touchons pas à l'orbite de Didymos, » précise Johnson. « Didymos est un astéroïde potentiellement dangereux, nous ne souhaitons pas modifier son orbite. Nous ne voudrions pas le pousser accidentellement dans la mauvaise direction. »

Une autre sonde, appelée Hera, construite par l'Agence spatiale européenne (ESA) arrivera à proximité des deux astéroïdes en 2026 pour mesurer avec précision les conséquences de l'impact et tester par la même occasion les technologies de navigation autonome.

Même si la stratégie de « l'impacteur cinétique » est une notion maîtrisée, la capacité de l'impact à dévier l'astéroïde dépend de plusieurs variables, observe Syal. La composition du corps de la cible, sa solidité et sa structure, la quantité de matière éjectée par l'impact et l'angle suivant lequel arrive la sonde sont autant de facteurs non négligeables.

« Un ricochet serait un résultat très médiocre car il implique une perte importante du moment cinétique, » explique Syal.

La stratégie de l'impacteur cinétique pourrait être un succès dans le cas d'astéroïdes aussi petits que Didymoon, mais qu'en serait-il de 1998 OR2 ? Si un objet aussi imposant faisait route vers la Terre, il nous faudrait une stratégie plus ambitieuse, reprend Lu, par exemple l'explosion d'une bombe nucléaire à proximité de la surface de l'astéroïde pour le vaporiser en partie et le pousser hors de sa trajectoire. Une explosion à la surface même de l'astéroïde risquerait de projeter des fragments dont certains se dirigeraient toujours vers la Terre.

Directrice d'un projet de lancement d'un télescope spatial dédié à la localisation des astéroïdes dangereux, Mainzer indique que la stratégie optimale de déviation dépendra à la fois de l'objet et du temps dont nous disposons avant l'impact. Pour savoir ce qui fonctionnera, nous devons nous entraîner.

« On le voit avec le changement climatique, l'actuelle pandémie et même ce problème de défense planétaire : la préparation, aussi petite soit-elle, peut faire une grande différence, » conclut Mainzer. 

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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