Découverte d'un trou noir à seulement 1 011 années-lumière de notre système solaire

Cet objet céleste, dont la masse est quatre fois supérieure à celle de notre soleil, est le trou noir le plus proche de notre planète jamais découvert.

De Michael Greshko
Publication 7 mai 2020, 10:18 CEST, Mise à jour 16 déc. 2020, 11:46 CET
Cette illustration montre les orbites des objets célestes qui composent le système HR 6819. Ce système stellaire ...

Cette illustration montre les orbites des objets célestes qui composent le système HR 6819. Ce système stellaire est composé d'une étoile intérieure (orbite en bleu), d'un trou noir récemment découvert (orbite en rouge), ainsi que d'une troisième étoile ayant une orbite plus large (également en bleu).

PHOTOGRAPHIE DE Illustration de ESO / L. CALÇADA

Pendant l'hiver dans l'hémisphère sud, un point de lumière bleu brille dans la constellation du Télescope. Ce petit point brillant dans le ciel, qui ressemble à une étoile, est en fait un duo d'étoiles en orbite étroite, doublé d'un trou noir connu comme étant le plus proche de la Terre.

Le trou noir que l'on vient de découvrir se trouve à environ 1 011 années-lumière de notre système solaire dans le système stellaire HR 6819. Dévoilé dans la revue Astronomy & Astrophysics, ce fascinant objet céleste aurait une masse estimée à environ quatre fois la masse de notre soleil.

« C'est comme s'il se cachait en plein jour », explique l'astronome Kareem El-Badry, doctorant à l'Université de Californie, à Berkeley, qui se spécialise dans les systèmes d'étoiles binaires, qui n'a pas pris part à la récente étude. « C'est un [système] stellaire suffisamment brillant pour que les gens l'étudient depuis les années 1980, mais apparemment il réservait quelques surprises. »

HR 6819 peut être vu au centre de cette vue à large champ du ciel créée ...

HR 6819 peut être vu au centre de cette vue à large champ du ciel créée à partir d'images du Digitized Sky Survey 2. Les deux étoiles sont si proches que l'on peine à les distinguer l'une de l'autre, et le système comprend également le trou noir, le plus proche de la Terre jamais découvert.

PHOTOGRAPHIE DE ESO/Digitized Sky Survey 2. Remerciements : Davide De Martin

À l'échelle humaine, 1 000 années-lumière représentent une distance considérable. Si un modèle de la Voie lactée était mis à l'échelle de manière à ce que la Terre et le Soleil ne soient séparés que d'un cheveu, HR 6819 serait à environ six kilomètres de notre système solaire. Mais dans le grand schéma de la galaxie, qui fait plus de 100 000 années-lumière, HR 6819 est assez proche, et cela suggère que la Voie lactée est parsemée de trous noirs.

« Si vous en trouvez un qui est très proche de vous et que vous supposez que vous n'êtes pas si singulier [dans l'univers], alors il doit y en avoir partout », explique le principal auteur de l'étude, Thomas Rivinius, astronome à l'Observatoire européen austral (ESO) au Chili.

 

DES TROUS NOIRS VALSANT AVEC LES ÉTOILES

Les chercheurs estiment depuis longtemps que la Voie lactée abrite des centaines de millions de trous noirs, des objets extrêmement denses dont les champs gravitationnels sont si intenses que même la lumière ne peut s'en échapper. Mais trouver ces objets très sombres dans la noirceur de l'univers s'est avéré extrêmement difficile. Des dizaines de trous noirs dans la galaxie ont été repérés « se nourrissant » de nuages ​​de gaz à proximité - un processus qui émet des rayons X lorsqu'un matériau tourbillonne aux abords du trou noir. Mais la majorité des trous noirs dans notre galaxie sont invisibles, donc la seule façon de les trouver est d'observer leurs effets gravitationnels sur les objets environnants.

Les astronomes étudiant HR 6819 n'étaient pas à la recherche d'un trou noir. Ils voulaient en savoir plus sur deux étoiles pour le moins étranges qui orbitaient l'une autour de l'autre.

L'étoile extérieure, connue sous le nom d'étoile Be, a une masse bien supérieure à celle de notre soleil et a une lumière plus chaude et plus bleue. À l'équateur, la surface de l'étoile tourne à plus de 485 kilomètres par seconde, soit plus de 200 fois plus vite que l'équateur de notre soleil. 

En 2004, une campagne d'observation de HR 6819 de quatre mois avec le télescope MPG / ESO de 2,2 mètres à l'Observatoire de La Silla au Chili a révélé que le système stellaire n'était pas un duo standard d'étoiles. L'étoile intérieure, « normale », semblait être en orbite autour d'un autre objet une fois tous les 40,3 jours, tandis que la plus grande étoile Be orbitait à une distance beaucoup plus éloignée, encerclant à la fois l'étoile intérieure et le troisième objet mystérieux.

Cinq ans plus tard, Stan Štefl de l'Observatoire européen austral a demandé à revoir les observations, qui contenaient les indices de la présence d'un trou noir caché dans HR 6819. Mais en 2014, Štefl est mort dans un accident de voiture, ce qui a eu pour effet de suspendre les travaux de recherche.

En novembre 2019, Rivinius, un expert des étoiles Be et un collègue de longue date de Štefl, a à son tour souhaité se repencher sur le cas de HR 6819. Un autre groupe de recherche a publié une étude qui détaillait un système d'étoiles surnommé LB-1 comprenant un trou noir environ 70 fois plus massif que notre soleil. L'étude a immédiatement suscité l'étonnement -voire le scepticisme- de la communauté scientifique. Sur la base de ce que les physiciens savent sur la formation des trous noirs stellaires - rémanents de la supernova d'une immense étoile - les trous noirs de cette masse ne devraient pas pouvoir se former. Lorsqu'une étoile assez grosse pour produire des trous noirs de cette taille meurt, elle explose de telle manière que les débris qui en résultent ne peuvent pas s'effondrer sur eux-mêmes.

L'équipe de Rivinius a cependant remarqué que les données LB-1 ressemblaient fortement à celles qui avaient été relevées des années auparavant pour HR 6819. Ils ont cherché à caractériser le troisième objet mystérieux du système et, sur la base des calculs de l'orbite et de la luminosité de l'étoile intérieure, l'objet invisible s'est avéré être au moins 4,2 fois plus massif que notre soleil, semblable à d'autres trous noirs connus dans la Voie lactée.

 

UNE CIBLE INVISIBLE

Si l'objet a une masse quatre fois supérieure à celle de notre soleil, il ne peut pas s'agir d'une étoile normale, car une étoile aussi grosse serait « très facile à détecter », explique le co-auteur de l'étude Dietrich Baade, scientifique émérite à l'ESO. Elle est également trop massive pour être une étoile à neutrons, ces noyaux stellaires denses rémanents de supernova.

Un seul type d'objet pouvait expliquer les mesures relevées : un trou noir.

Mais toutes les études de systèmes comme HR 6819, avec plusieurs éléments célestes à proximité, peuvent être l'objet d'erreurs potentielles, explique El-Badry. L'étoile Be externe et l'étoile interne de HR 6819 sont trop proches l'une de l'autre pour être observées au moyen d'un télescope optique. Les deux étoiles ne peuvent être identifiées que par les différents spectres de lumière qu'elles émettent.

Dans certains cas, des étoiles plus anciennes « dépouillées » d'hydrogène extérieur peuvent imiter l'apparence d'étoiles plus jeunes et plus massives. Si l'étoile intérieure de HR 6819 a ce pouvoir de dissimulation, les chercheurs devront recalculer la masse présumée du trou noir.

Dans un travail de suivi, les chercheurs dirigés par le co-auteur de l'étude, Petr Hadrava, visent à « démêler » la lumière émise par HR 6819 et à révéler les spectres précis des deux étoiles. El-Badry ajoute que le télescope spatial Gaia de l'Agence spatiale européenne, qui cartographie la Voie lactée avec une précision sans précédent, peut fournir plus de détails sur les orbites au sein de HR 6819. Et parce que ce système est très proche du nôtre, les astronomes pourraient localiser les deux étoiles en utilisant une technique appelée interférométrie, qui relie plusieurs télescopes entre eux.

« Habituellement, lorsque vous avez un trou noir avec une étoile autour, nous ne pouvons pas réellement voir l'étoile contourner le trou noir », explique Marianne Heida, co-auteur de l'étude, boursière postdoctorante à l'ESO. « Celui-ci est très proche, nous devrions être en mesure d'observer le mouvement... et cela signifie que nous pourrions avoir une bien meilleure connaissance de la masse du trou noir, si tout fonctionne. »

Alors que les chercheurs planifient les prochaines étapes d'observation, ils rendent hommage à Štefl, initiateur de cette recherche. « Stan était très prudent », dit Rivinius dans un sourire. « Il me regarderait probablement aujourd'hui et dirait quelque chose comme : Êtes-vous vraiment sûr ? »

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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