Cela fait 20 ans que la Station spatiale internationale est occupée sans interruption

Depuis l'an 2000, des Hommes ont toujours vécu et travaillé à bord de la Station spatiale internationale. Un exemple de collaboration internationale réussie.

De Michael Greshko
Publication 29 oct. 2020, 15:19 CET
Sur ce cliché datant d’octobre 2018 pris par trois membres quittant la Station spatiale internationale, on aperçoit ...

Sur ce cliché datant d’octobre 2018 pris par trois membres quittant la Station spatiale internationale, on aperçoit cette dernière planant au-dessus de la Terre et de sa fine atmosphère bleue. Réussite technologique et diplomatique, l’ISS fait vivre et travailler en orbite des astronautes sans interruption depuis le 2 novembre 2000.

PHOTOGRAPHIE DE Roscosmos, NASA

C’est en cette journée d’Halloween 2000 qu’a été effectué le lancement d’un vaisseau spatial russe Soyouz depuis le cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan. Ce vol, transportant un astronaute américain et deux cosmonautes russes vers la toute nouvelle Station spatiale internationale (ISS), est entré dans les annales.

L’équipage est arrivé à destination deux jours plus tard et la station est depuis occupée par des femmes et des hommes sans interruption ; 20 années passées à vivre et travailler dans l’orbite terrestre basse.

« Nous vivons en dehors de la planète depuis la naissance d’enfants qui sont désormais à l’université », s’émerveille Kenny Todd, directeur adjoint du programme de la NASA pour l’ISS. « Lorsque j’étais petit, tout cela était un rêve ».

Le laboratoire en orbite fait partie des objets les plus onéreux et les plus complexes jamais construits d’un point de vue technologique : un habitat pressurisé de près de 128 milliards d’euros, aussi long qu’un terrain de football, filant à une vitesse d’environ 27 000 km/h à plus de 400 km au-dessus de la surface terrestre. Au fil des décennies, la station spatiale est devenue la maison temporaire de 241 femmes et hommes des quatre coins du monde, certains y passant près d’un an à la fois.

Sur ce cliché datant de décembre 2000, les membres de l’équipage de l’Expédition 1, c’est-à-dire les premiers habitants ...

Sur ce cliché datant de décembre 2000, les membres de l’équipage de l’Expédition 1, c’est-à-dire les premiers habitants à temps plein de l’ISS, s’apprêtent à manger des oranges fraîches. L’équipage se composait des cosmonautes russes Yuri Gidzenko et Sergei Krikalev (respectivement à gauche et à droite) et de l’astronaute américain William Shepherd (au centre).

PHOTOGRAPHIE DE NASA

« C’est assez fou. Je suis surpris que personne n’ait été gravement blessé », confie Scott Kelly, astronaute retraité de la NASA qui a effectué un séjour de près d’un an à bord de l’ISS. « Cela témoigne vraiment du sérieux et de l’attention du détail [dont] font preuve les personnes au sol ».

Selon David Nixon, qui a travaillé aux côtés de la NASA sur la conception de l’ISS dans le milieu des années 1980, jusqu’à une centaine de milliers de personnes ont œuvré ensemble pour concevoir, construire, lancer et faire fonctionner la tentaculaire station. « Si vous la comparez à l’ensemble des structures et des bâtiments extraordinaires érigés par l’humanité depuis les débuts de la civilisation, elle est aux côtés des pyramides, de l’Acropole, la crème des structures et des édifices », déclare-t-il.

 

UNE RÉUSSITE MONDIALE

À l’instar des structures qui perdurent sur Terre, des dizaines d’années furent nécessaires à la construction de l’ISS. Né en 1984 du concept américain de « Space Station Freedom », le projet de l’ISS s’est petit à petit transformé en un pacte conclu entre 15 nations : les États-Unis, le Canada, le Japon, la Russie et les onze États membres de l’Agence spatiale européenne. Les premiers éléments de l’ISS ont commencé à arriver en orbite en 1998 et les membres de l’équipage d’Expédition 1 sont montés à bord de la toute jeune station le 2 novembre 2020. Elle accueille aujourd’hui les membres de l’Expédition 64.

Tout au long de son histoire, le programme a été confronté à d’importants défis. En plus de causer la mort de 14 personnes et de signer l’arrêt des navettes Challenger et Colombia, les tragédies des navettes spatiales de 1986 et 2003 ont affecté le programme et freiné la construction de la station. En 2007, une déchirure d’environ 80 centimètres sur l’un des panneaux solaires de la station a contraint l’équipage à improviser une réparation et à faire une sortie dans l’espace très risquée : les astronautes flottaient au-dessus des panneaux solaires, attachés à une longe, alors que l’électricité circulait dans le panneau. Les différents équipages ont aussi dû faire face à des fuites d’air, des pompes de refroidissement défectueuses, des échecs de missions de réapprovisionnement et ont dû élaborer des réparations de l’équipement scientifique.

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    En 2007, les astronautes de la NASA Scott Paraynski et Doug Wheelock (hors champ) ont réalisé une sortie dans l’espace de sept heures et 19 minutes pour réparer une déchirure d’environ 80 centimètres de long sur l’un des panneaux solaires de l’ISS. Pour la réparer, les astronautes ont dû utiliser un ensemble artisanal de stabilisateurs à base de boutons de manchette.

    PHOTOGRAPHIE DE NASA

    Pour continuer à faire fonctionner la station et maintenir en vie ses habitants, les membres d’équipage et les équipes de soutien internationales doivent s’investir dans une collaboration technique que Kenny Todd compare à une « version miniature des Nations Unies ».

    « Nos astronautes et nos cosmonautes sont dans une situation très délicate, ils vivent dans ces petites boîtes de conserve dans lesquelles nous les avons tous placés en orbite », dit-il. « Il est formidable de voir à quel point le fait de réunir toutes ces cultures [s’est avéré] être une expérience enrichissante ».

    Même les tâches quotidiennes présentent des défis, en partie à cause de l’environnement unique dans lequel se trouve l’ISS. À chaque rotation autour de la Terre, toutes les 90 minutes environ, la station est chauffée par la lumière du soleil et refroidie par la pénombre. Ces différences de températures conduisent les structures métalliques à fléchir et à émettre des détonations. Certains astronautes dorment avec des bouchons d’oreilles pour plus de tranquillité.

    L’environnement n’est pas non plus tendre avec le corps humain. Alors que les fluides sont normalement attirés vers les pieds par la gravité, ils restent au niveau de la tête dans l’espace, ce qui est désagréable et peut engendrer des problèmes de vision chez les astronautes à leur retour sur la terre ferme. Les niveaux de CO2 sont également 10 fois plus élevés à bord de la Station spatiale internationale que sur Terre, ce qui suffit à donner des maux de tête aux membres de l’équipage. Les activités essentielles, comme aller aux toilettes (que nous avons appris à faire avec la gravité), deviennent compliquées.

    « Ce n’est pas comme si vous partiez en vacances », confie Scott Kelly, qui a passé 499 jours à bord de l’ISS, cumulés sur deux expéditions, dont une « année dans l’espace » de 340 jours en compagnie du cosmonaute Mikhail Kornienko en 2015 et 2016. « C’est assez désagréable ».

    Mais malgré l’inconfort physique, l’expérience de vivre dans la Station spatiale change les personnes d’une autre façon. Depuis son perchoir surplombant la Terre, Scott Kelly a admiré la couleur bleu électrique des Bahamas, l’immensité du Sahara et la fine atmosphère surnaturelle de la Terre, qui lui faisait penser à une lentille se fixant à un grand globe oculaire.

    « Vous avez cette impression que nous sommes tous des citoyens de la planète et pas d’un pays en particulier », explique-t-il. « Nous faisons tous partie de cette chose que l’on appelle l’humanité ».

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    Avant de revenir sur Terre en avril 2020, Jessica Meir, astronaute de la NASA et mécanicienne navigante de l’Expédition 61/62, joue du saxophone alto dans la coupole aux nombreuses fenêtres de l’ISS.

    PHOTOGRAPHIE DE NASA
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    Koichi Wakata, astronaute de la JAXA (Agence d’exploration aérospatiale japonaise) et mécanicien navigant de l’Expédition 38, fait de l’exercice sur le dispositif d'exercice résistif avancé (aRED) de l’ISS.

    PHOTOGRAPHIE DE NASA

    UN LABORATOIRE SCIENTIFIQUE EN ORBITE

    En plus d’assurer le bon fonctionnement de leur maison en orbite, les membres d’équipage de l’ISS y ont installé un laboratoire spatial. Mais adapter la station pour la recherche scientifique n’a pas été chose facile : même l’équipement le plus basique du laboratoire a dû être testé et souvent repensé pour fonctionner en microgravité. À ce jour, près de 3 000 expériences ont été effectuées dans l’environnement en microgravité unique de la station. (L’ISS orbite autour de la Terre : c’est pourquoi elle et les membres d’équipage à son bord sont sans cesse en chute libre. Cela génère une sensation constante d’apesanteur dans la station, comme si la gravité de la terre était réduite de plus de 99,9999 %).

    Les études portent sur le séquençage de l’ADN dans l’espace jusqu’à l’étude de particules à haute énergie issues de phénomènes cosmiques lointains. Mais c’est l’étude des membres de l’équipage qui s’avère être le domaine de recherche le plus productif de l’ISS.

    Selon Susan Bailey, radiobiologiste à l’université d’État du Colorado, l’ISS a fourni des données d’une valeur inestimable sur la manière dont l’espace a une influence sur la santé des astronautes. L’étude la plus importante était celle de la NASA sur les jumeaux, au cours de laquelle Scott Kelly et son frère jumeau, Mark, lui aussi astronaute, ont été examinés, car Scott avait passé près d’un an dans l’espace.

    Susan Bailey a examiné les échantillons sanguins des deux frères pour étudier leurs chromosomes, en particulier leurs télomères. Ces derniers sont des séquences d’ADN protectrices situés à l’extrémité des chromosomes qui agissent comme les embouts des lacets. En étudiant l’ADN des frères Kelly, la radiobiologiste et ses collègues ont pu mieux comprendre la réponse du corps humain à la microgravité et au rayonnement spatial. Les premiers résultats révélaient un large éventail de changements génétiques en réaction au voyage dans l’espace, notamment quelques signes de raccourcissement des télomères, phénomène associé au vieillissement et aux maladies cardiaques. (En savoir plus sur les premiers résultats de l’étude portant sur les jumeaux).

    En juillet 2019, la navette spatiale Endeavour s’est amarrée à l’ISS. La station a alors accueilli son ...

    En juillet 2019, la navette spatiale Endeavour s’est amarrée à l’ISS. La station a alors accueilli son plus grand nombre d’habitants : 13 personnes se partageaient le laboratoire en orbite. Huit d’entre elles sont ici photographiées en train de prendre leur repas.

    PHOTOGRAPHIE DE NASA

    « S’il est avéré que le vieillissement et le risque de maladie sont accélérés par les voyages dans l’espace, que pouvons-nous y faire ? », s’interroge Susan Bailey. « Trouver une réponse à cela bénéficiera aussi aux personnes sur Terre ».

     

    QUEL AVENIR POUR LA STATION SPATIALE INTERNATIONALE ?

    Comptant à son actif 120 000 révolutions et plus de 5 milliards de kilomètres parcourus au-dessus de la surface de la Terre, l’ISS fonctionne toujours aussi bien et n’a jamais autant été le fruit d’un effort international : les astronautes et cosmonautes de 19 pays ont séjourné à bord de la station. Alors que la NASA tente d’encourager une utilisation commerciale de l’ISS, et d’éventuellement y faire venir des touristes, de plus en plus de personnes issues de différents milieux sont susceptibles de voyager dans l’espace, qu’il s’agisse de chercheurs commerciaux ou de stars de cinéma.

    « Maintenant que la station devient plus ordinaire, les personnes qui y séjournent n’ont absolument pas « l’étoffe des héros », ne sont pas d’anciens pilotes d’essai ou pilotes militaires, mais sont issues du milieu scientifique ou de l’ingénierie », confie David Nixon. 

    Selon lui, avec l’élargissement de l’accès à l’orbite terrestre basse, l’ISS et ses successeurs devront devenir plus accueillants et plus faciles à faire fonctionner. Il rêve d’une future station qui serait moins bruyante, offrirait plus de confort matériel aux équipages et disposerait de chambres plus spacieuses dotées d’une vraie douche.

    « Ce serait formidable si quelqu’un livrait à la station un module tapissé de coussins et que vous pouviez juste rebondir à droite à gauche à l’intérieur », rit David Nixon. « Cela permettrait d’évacuer le stress de la journée, non ? Qu’en dites-vous ? »

    Pour le moment, nous ignorons si l’ISS perdurera suffisamment longtemps pour devenir cette maison confortable de l’exploration spatiale. Il est actuellement prévu qu’elle fonctionne au moins jusqu’en 2024 et la majorité de son matériel est homologué pour fonctionner en toute sécurité jusqu’en 2028 minimum, voire plus longtemps pour ses composants les plus récents.

    Cette photographie de nuit du Japon a été prise le 25 juillet 2015 par l’astronaute de la NASA ...

    Cette photographie de nuit du Japon a été prise le 25 juillet 2015 par l’astronaute de la NASA Scott Kelly. À cette date, il était au quatrième mois de son « année dans l’espace » et la mission Expédition 44 avait commencé depuis plusieurs jours.

    PHOTOGRAPHIE DE Scott Kelly, NASA

    L’avenir du laboratoire en orbite autour de la Terre est incertain alors que la NASA essaie de diriger une coalition internationale grandissante (composée uniquement de quelques pays partenaires de l’ISS pour le moment) pour aller sur la Lune. L’ISS sera-t-elle démontée et récupérée en orbite pour construire une station spatiale future ? Tombera-t-elle aux mains d’entreprises privées alors que les nations s’aventurent de plus en plus loin dans l’espace ? La structure toute entière se désintégrera-t-elle dans une gloire absolue et se dirigera-t-elle vers le Pacifique pour s’y écraser, à l’instar de Mir, la station spatiale russe ?

    Peu importe la destinée éventuelle de l’ISS, Scott Kelly estime que c’est son héritage ainsi que l’esprit d’exploration qui doivent perdurer.

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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