Europe, l'une des lunes glacées de Jupiter, pourrait briller dans le noir

Les futures missions spatiales pourraient utiliser cette étrange lueur pour cartographier la chimie complexe de la surface glacée d'Europe et découvrir ce qui peuple son océan subglaciaire.

De Maya Wei-Haas
Publication 10 nov. 2020, 17:24 CET
Europe, l'une des lunes de Jupiter, est recouverte d'une épaisse couche de glace sous laquelle se ...

Europe, l'une des lunes de Jupiter, est recouverte d'une épaisse couche de glace sous laquelle se trouverait un immense océan, où la vie pourrait s'être développée.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, JPL Cal-tech, Seti Institute

La grande Jupiter pourrait avoir sa propre petite veilleuse, sous la forme d'une lune glacée qui brille dans la nuit.

Tout comme notre Lune, Europe brille intensément du côté que le Soleil éclaire, mais la face cachée de notre âme sœur baigne dans l'obscurité, ce qui explique pourquoi la Lune croît et décroît allant même jusqu'à nous donner l'impression de disparaître de temps à autre. D'après des expériences menées en laboratoire, il semblerait en revanche que la face cachée d'Europe s'illumine de lumière blanche aux reflets vert-bleu alimentés par le bombardement radioactif constant de l'intense champ magnétique de Jupiter.

« Si l'on pouvait se tenir sur Europe, le spectacle serait vraiment féérique, » rêve Murthy Gudipati, astrophysicien au Jet Propulsion Laboratory de la NASA et auteur principal de la nouvelle étude publiée aujourd'hui dans la revue Nature Astronomy.

Les chercheurs ont analysé de la glace contenant différents types de sels censés être présents sur Europe et ont découvert que sa composition influençait l'intensité des couleurs de la lueur. Ainsi, si le scintillement de la lune jovienne est confirmé, les futures missions pourraient étudier la lumière de sa face nocturne afin de déchiffrer ses procédés chimiques dans toute leur complexité. Grâce à cette analyse, les scientifiques devraient en apprendre plus sur la composition de l'océan profond et potentiellement habitable qui s'étendraient sous la croûte glacée d'Europe.

Ces prochaines années, deux programmes vont entreprendre le long voyage afin d'observer la lune de plus près : Europa Clipper de la NASA et Jupiter Icy Moons Explorer (JUICE) de l'Agence spatiale européenne. Cette nouvelle étude vient « compléter notre boîte à outils » pour aider les scientifiques à élucider les mystères chimiques de la surface d'Europe, indique Curt Niebur, directeur scientifique du programme Europa Clipper non impliqué dans l'étude.

« Mais le simple fait que la surface brille est déjà plutôt sympa en soi, » s'amuse-t-il.

 

UNE SURPRISE SALÉE

Les scientifiques savent depuis les années 1950 que la glace d'eau pure scintille en cas d'exposition à des radiations, nous informe Anna Pollmann, physicienne des astroparticules à l'université de Wuppertal et membre du comité d'évaluation de la nouvelle étude. Lorsque les électrons entrent en collision avec les molécules de la glace, ils leur transmettent une petite quantité d'énergie. Ces molécules « excitées » ne peuvent pas rester très longtemps dans cet état et libèrent rapidement leur énergie sous forme de lumière.

Pollman exploite ces modestes soubresauts lumineux pour identifier d'éventuelles particules cosmiques exotiques piégées dans les glaces de l'Antarctique après être retombées sur notre planète. Néanmoins, l'épaisse atmosphère de la Terre et son bouclier magnétique la protègent de la majorité des radiations entrantes, c'est pourquoi ce phénomène se fait plutôt rare.

À l'inverse, Europe est quasiment dépourvue d'atmosphère et se trouve donc à la merci du maelström de radiations déchaîné par le champ magnétique féroce et colossal de Jupiter. Les radiations à la surface de la lune sont si intenses que vous ne pourriez pas y survivre plus de 10 à 20 minutes sans protection, affirme Niebur.

L'ambition première de Gudipati et ses collègues était d'étudier la façon dont ces radiations affectent les propriétés de l'enveloppe glacée d'Europe, une étape essentielle si l'on souhaite un jour envoyer un atterrisseur sur la lune extraterrestre. Pour cela, ils ont construit un instrument qui leur permettait de bombarder d'électrons des morceaux de glace et de suivre la situation sans être inquiétés. Gudipati a baptisé l'installation ICE-HEART, pour Ice Chamber for Europa High-Energy Electron and Radiation-Environment Testing.

Lorsqu'ils ont dirigé le faisceau d'électrons sur un bloc de glace d'eau pure, la lueur a attiré leur attention. Ils ont ensuite braqué le faisceau sur de la glace de chlorure de sodium et la lumière était nettement plus faible. Pensant qu'il y avait un problème, Gudipati et son équipe ont réitéré l'expérience, sans changement.

Les chercheurs ont alors testé une variété de sels dont la présence sur Europe avait été suggérée par différentes études. Certains, comme les sels de carbonates, semblent atténuer la lueur alors que d'autres l'amplifient, comme les sels de magnésium. L'intensité des couleurs qui composent la lumière variait également. Par exemple, le chlorure de sodium produit une lumière verte alors que les sels de sulfate ajoutent une nuance rouge au mélange.

Leurs résultats suggèrent que la présence de différents sels influencera tout rayonnement potentiel en provenance de la surface de la lune, un phénomène qui pourrait « nous aider à porter un regard nouveau sur Europe, » déclare-t-il.

 

LE PLEIN D'INFORMATIONS

D'après leurs calculs, la lueur de la glace générée par les radiations de la lune est probablement suffisante pour être observée par la caméra de la sonde Europa Clipper. Niebur précise toutefois que ces estimations ne sont pas infaillibles, puisque « la caméra est toujours en construction. »

Néanmoins, si Europe produit bel et bien son propre halo de lumière, celui-ci pourrait ouvrir la voie à de grandes découvertes. La méthode pourrait également être appliquée à l'étude d'autres lunes joviennes glacées, comme Ganymède, ajoute Ines Belgacem, planétologue rattachée à l'Agence spatiale européenne et spécialisée dans l'étude de la surface des mondes glacés, qui n'a pas pris part à la présente étude.

En déterminant la composition de l'enveloppe glacée d'Europe, nous pourrions en savoir plus sur la chimie de l'océan qu'elle recouvre. Avec ses vastes étendues de glace dépourvues de relief et l'hypothèse alléchante de l'existence de geysers d'eau, l'apparence de la lune suggère que ce corps liquide regagnerait peu à peu la surface sur une échelle des temps géologiques. Parallèlement, certaines parties de la croûte semblent s'enfoncer dans l'océan subglaciaire. Déterminer la composition de la surface pourrait donc être un bon moyen de savoir si - et comment - la vie a pu apparaître dans les profondeurs.

« Il y a encore beaucoup à apprendre de cette lune, vraiment beaucoup, » déclare Belgacem.

Aucune sonde n'a étudié Europe en détail depuis la mission Galileo dans les années 1990, ce qui explique pourquoi nous avons tant de mal à combler nos lacunes sur ce monde glacé. Mais patience, les réponses devraient bientôt nous être apportées par les sondes Clipper et JUICE, elles-mêmes aidées dans leur tâche par cette nouvelle étude.

« Plus nous en savons avant le lancement de ces missions, plus leurs données seront pertinentes, » conclut-elle.

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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