En février, une comète venue des frontières du système solaire sera visible à l'œil nu

La comète C/2022 E3 (ZTF) sera aisément visible dans le ciel nocturne début février : un passage exceptionnel qui représentera une opportunité unique pour les astronomes.

De Lou Chabani
Publication 26 janv. 2023, 16:18 CET
La comète C/2022 E3 (ZTF) est déjà observable par tous les astronautes amateurs à travers le ...

La comète C/2022 E3 (ZTF) est déjà observable par tous les astronautes amateurs à travers le monde, mais elle sera visible à l'œil nu uniquement le 1er février 2023.

PHOTOGRAPHIE DE Dan Bartlett

Il s’agit peut-être d’un événement unique dans l’histoire de notre planète. Le 1er février, la comète C/2022 E3 passera assez près de la Terre pour être visible à l’œil nu. Pour l'observer, il vous faudra quitter la ville et observer le ciel par temps clair, entre la Petite et la Grande Ourse, potentiellement avec des jumelles. Pour reconnaître ces constellations : il faut s’armer d’une carte du ciel, se tourner vers le nord et chercher deux groupes d’étoiles en forme de casserole. La comète devrait apparaître dans cette zone comme une étoile plus floue que les autres.

Aussi appelée comète ZTF, du nom du programme de recherche astronomique Zwicky Transient Facility, elle a été découverte en mars 2022 par les astronomes du California Institute of Technology (Caltech).

« Lorsque nous l’avons découverte, nous ne savions pas qu’il s’agissait d’une comète », se rappelle Thomas Prince, professeur de physique émérite du Caltech. « Chaque nuit, juste après le crépuscule et juste avant l’aube […], nous prenons plusieurs images, avec un intervalle de quelques minutes. Nous cherchons ainsi les objets qui semblent bouger d’une image à l’autre. »

C’est au cours de ces observations que la comète C/2022 E3 a pu être détectée, grâce à une séquence de cinq images prises toutes les 2,5 minutes.

 

UNE ALLIANCE ENTRE LES CONTINENTS

C'est l’observatoire américain Caltech qui a pris les images, et qui est donc à l’origine de la découverte de la comète. Le télescope utilisé se distingue notamment par un champ d’observation parmi les plus larges au monde, qui permet de capturer chaque nuit la moitié du ciel visible.

« Quand nous voyons que quelque chose a bougé, nous envoyons [les images] au Centre des planètes mineures, qui est l’endroit où sont recensés toutes les comètes et tous les astéroïdes », explique Thomas Prince. « Au début, nous ne savions pas s’il s’agissait de l’un ou l’autre, mais le 21 mars 2022, le centre a confirmé qu’il s’agissait d’une comète. Elle avait une queue et son orbite était caractéristique. »

Lors de sa première détection, la comète était trop lointaine pour que les astronomes puissent clairement déterminer sa trajectoire. Néanmoins, au fil des mois, cette dernière s’est peu à peu précisée, leur permettant de déduire de nombreuses informations.

« Lors de la détection, nous ne pouvions pas dire à quelle distance la comète se trouvait, mais au bout d’une semaine, sa trajectoire est devenue plus claire. À ce moment, nous avons su qu’elle venait des confins du système solaire. »

Les spécialistes l’ont classée dans la catégorie des comètes à longue période, terme qui englobe les comètes dont la période orbitale est supérieure à 200 ans ; celle de la comète ZTF approche en effet les 50 000 ans. Son passage près de la Terre serait ainsi une chance inespérée de l’étudier.

« La première chose que nous voulons observer sera la nature de son passage : quelle luminosité atteindra-t-elle, et présentera-t-elle des événements lumineux ? », décrit Mike Kelley, astronome de l’Université du Maryland impliqué dans la découverte de la comète. « Ce sont de soudaines augmentations de la luminosité dues à la libération de gaz et de poussière. »

De plus, si le passage de la comète C/2022 dans notre ciel ne durera que quelques jours, les astronomes n’arrêteront pas de l’observer de sitôt. Une fois que cette dernière se sera éloignée de la Terre, un second projet d’observation reposera sur l’utilisation du tout récent télescope spatial James Webb.

« Nous l’observerons vers fin février pour étudier sa spectroscopie et déterminer sa composition », ajoute l’astronome. « Depuis la Terre, ces gaz sont plus difficiles à observer, surtout le dioxyde de carbone. Il y en a aussi dans notre atmosphère, et nous ne pouvons pas distinguer la lumière émise par le dioxyde de carbone de la comète de celle qui est émise par le nôtre. »

La spectroscopie repose en effet sur la détection de la lumière émise par un gaz lorsqu’il est traversé par la lumière. Chaque gaz rayonnant avec une longueur d’onde lui étant propre, l’observation du rayonnement de la queue d’une comète peut fournir de très précieuses informations aux scientifiques.

« Il y a trois composants principaux dans la queue d’une comète : l’eau, le monoxyde de carbone et le dioxyde de carbone », résume Mike Kelley. « Nous avons des moyens de détecter l’eau et le monoxyde, mais le dioxyde, qui est un composant récurrent, doit être observé depuis l’espace. »

Fonctionnant grâce à un immense panneau solaire, ce dernier ne peut pas être orienté depuis la Terre et doit constamment rester tourné vers notre étoile pour être opérationnel. L’observation s’effectuera donc lors du passage de la comète ZTF dans le champ de vision du télescope.

Autre circonstance requise : la vitesse de la comète est pour le moment trop rapide pour permettre son observation par le télescope James Webb. Pour le moment, ce dernier est incapable de la suivre de manière claire et devra attendre qu’elle perde une partie de sa vitesse pour pouvoir la capturer.

En attendant, ce 1er février, les télescopes terrestres seront braqués sur la comète afin de rassembler un maximum d’informations, une opération effectuée en collaboration avec de nombreux observatoires à travers le monde.

« Le Zwicky Transient Facility est un programme rassemblant plusieurs partenaires internationaux, notamment en France avec l’IN2P3 », présente Thomas Prince. « Nous avons aussi des collaborateurs en Allemagne ou à Taiwan. »

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    La comète C/2022 E3 a été découverte au cours d'une veille astronomique, reposant sur la réalisation de plusieurs clichés pris à quelques minutes d'écart, juste avant l'aube ou juste après le crépuscule. Sur ces cinq images, on peut clairement voir la comète bouger au milieu des étoiles.

    PHOTOGRAPHIE DE Dr. Thomas Prince, ZTF/Caltech

     

    VERS L’INFINI ET AU-DELÀ !

    Selon les astronomes, la comète serait originaire du nuage de Oort. Situé au-delà de la ceinture de Kuiper bordant notre système solaire, ce nuage de corps célestes dépasse même l’orbite pourtant très large de Pluton.

    Formé aux confins des limites gravitationnelles de notre système solaire, soit presque 30 000 fois la distance Terre-Soleil, il est constitué d’une multitude d’objets célestes divers, eux-mêmes issus de la formation des différentes planètes. Selon les chercheurs, la comète ZTF aurait ainsi quitté le nuage il y a plusieurs millions d’années, peut-être après être entrée en collision avec une autre comète.

    « Pour l’instant, compte tenu de l’orbite que présentait la comète avant de revenir entre nos planètes, il semblerait que la dernière fois qu’elle est passée près de la Terre était il y a 50 000 ans. Mais rien n’est sûr », explique Mike Kelley.

    « Nous ne savons pas quand elle a été poussée hors du nuage de Oort, et nous n’avons aucun moyen de le savoir », ajoute le Dr Prince. « C’est peut-être la première fois ! »

    Une fois passée près de la Terre, la comète ZTF poursuivra son chemin à travers notre système solaire. Passant à proximité des planètes gazeuses, dont l’attraction gravitationnelle est bien supérieure à celle des planètes telluriques, son orbite pourra alors être à nouveau modifiée : un facteur bien connu des astronomes qui est régulièrement utilisé pour nos propres vaisseaux spatiaux, et qui pourrait nous séparer pour toujours de la petite comète.

    « Nous connaissons sa période orbitale actuelle, mais ça ne veut pas dire qu’elle sera toujours la même lorsqu’elle s’éloignera », conclut Thomas Prince. « Nous ne saurons vraiment où elle ira que lorsqu’elle sera en train de s’éloigner des planètes. En réalité, elle pourrait ne jamais revenir ! »

    Ce rendez-vous exceptionnel pourrait donc être le dernier, et il serait bien dommage de le manquer.

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