Le cœur de Pluton est brisé depuis des milliards d’années
La région glacée en forme de cœur d'environ 2 000 kilomètres de large, observable sur Pluton, intrigue les astronomes depuis des années.
Sputnik Planum, la lumineuse région de glace qui forme la moitié occidentale du cœur de Pluton, se trouve dans un ancien bassin d’impact.
Il y a des milliards d’années, un fragment de débris interplanétaire a percuté Pluton de plein fouet et y a laissé un cratère de 825 kilomètres de diamètre. Mais à défaut de s’être transformée en un vilain renfoncement, cette cicatrice impressionnante est peut-être à l’origine d’une des formations les plus charismatiques de Pluton : son cœur de glace.
Des données de la sonde New Horizons, lancée par la NASA, qui a survolé Pluton au mois de juillet 2015, ont aidé les scientifiques à mieux comprendre le caractère extraordinairement varié de la surface de ce monde : on y trouve des plaines lisses et glacées, des crêtes parallèles au milieu d’un relief « en peau de serpent », et de potentiels volcans de glace.
Des observations ont révélé qu’une formation circulaire entoure le ventricule occidental de Tombaugh Regio, région reconnaissable à sa forme en cœur.
« La question est la suivante : "Pourrait-il s’agit de la relique géante d’un bassin d’impact ?" », s’interrogeait Paul Schenk lors de la 47e réunion de la Division des sciences planétaires de l’Union américaine d’astronomie. « La clé pour répondre à cette question est : "Est-il profond ?", et la réponse est oui. »
D’après ce membre de l’Institut lunaire et planétaire, ce bassin est profond de quatre kilomètres environ et couvre près d’un tiers de Pluton. Pour trouver un cratère de taille similaire, il faut se rendre à l’autre bout du Système solaire, sur Mercure, où se trouve le bassin de Caloris, qui occupe lui aussi près d’un tiers de la surface de cette planète irradiée et dense. Pour s’en faire une idée plus terrienne, c’est comme si un cratère oblitérait tout ce qui se trouve entre le Mexique et le Canada, de la Californie à la Caroline du Nord, c’est-à-dire la majorité des États-Unis.
Sur Pluton, une plaine de glace sans bosses (Sputnik Planum) se trouve à l’intérieur de ce bassin. Il s’agit d’une région qui, contrairement à la balafre potentiellement vieille de quatre milliards d’années dans laquelle elle se trouve, est relativement jeune : elle n’est apparue qu’il y a dix millions d’années environ. Les rebords du bassin sont abrupts au nord mais érodés au sud, où un large pan a disparu. Mais sa forme générale n’en saute pas moins aux yeux.
« Il est en effet circulaire, sauf en ce qui concerne l’extension méridionale, explique Paul Schenk. Le terrain est essentiellement plat. »
Sputnik Planum, plaine de glace lisse, se trouve dans un très ancien bassin d’impact.
Selon Douglas Hamilton de l’Université du Maryland à College Park, l’impact a créé une dépression qui a pu s’avérer idéale pour laisser s’accumuler les glaces en mouvement, hypothèse que vient renforcer son emplacement, qui se trouve sur la face de Pluton qui ne voit jamais Charon, l’imposante lune de la planète naine. La danse folle de Pluton et de sa lune est verrouillée de sorte qu’elles présentent constamment la même face l’une à l’autre. Ainsi, Charon ne vient jamais peupler le ciel de Sputnik Planum, et jamais les maigres rayons de soleil que le satellite renvoie, jamais l’éclat de l’astre, ne viennent réchauffer le cœur bivalve de Pluton.
La géométrie aide à faire de la région un piège à froid efficace, c’est-à-dire une zone où les glaces peuvent converger. Et cela semble bel et bien être ce qui se produit ici. À en croire les déclarations de Will Grundy de l’observatoire Lowell lors de la réunion de la Division des sciences planétaires, Sputnik Planum regorge d’à peu près tous les types de glaces répertoriés sur Pluton (monoxyde de carbone, azote, méthane). La seule forme de glace qui y brille par son absence est celle qui se forme à partir d’eau et dont sont composées les montagnes flottantes de la planète naine.
À vrai dire, Sputnik Planum est davantage une calotte glaciaire qu’autre chose.
« Nous observons des calottes glaciaires dans tout le Système solaire, des calottes glaciaires sur Terre, des calottes glaciaires sur Mars, indique Douglas Hamilton. Ce que nous devons expliquer c’est pourquoi cette calotte glaciaire se situe à 30 degrés nord sur Pluton. »
Découvrir ce qui s’est passé exactement nécessitera un peu de travail, mais les scientifiques sont en bonne voie pour résoudre l’énigme du cœur de Pluton.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.