De mystérieuses explosions massives ont été observées dans l’espace

Les astronomes ont été étonnés d’observer des flashs inhabituels de lumière bleue intense, des milliards de fois plus puissante que celle émise par notre soleil, dans des galaxies lointaines.

De Avery Schuyler Nunn
Publication 12 janv. 2024, 16:45 CET
Vue d’artiste représentant la cause éventuelle d’un flash lumineux qui s’est répété dans l’espace lointain : un ...

Vue d’artiste représentant la cause éventuelle d’un flash lumineux qui s’est répété dans l’espace lointain : un trou noir accrétant de la matière d’un disque et formant un jet puissant.

PHOTOGRAPHIE DE Image courtesy Robert L. Hurt, Caltech, IPAC

Septembre 2022, Californie du Sud : bouche bée, des astronomes observent au télescope un flash soudain de lumière bleu intense, environ dix-milliards de fois plus puissante que celle émise par le soleil, dans une galaxie située à un milliard d’années-lumière.

Après avoir pointé plusieurs télescopes différents sur la zone afin de surveiller l’explosion, les chercheurs ont trouvé qu’elle ressemblait à d’autres évènements de ce type s’étant récemment produits, connus sous le nom d’optiques bleues rapides lumineuses (luminous fast blue optical transients, ou LFBOT). Trois mois après que le nouveau LFBOT s’est estompé, les astronomes ont repositionné leurs télescopes au même endroit pour réaliser cinq expositions de trois minutes. C’est alors qu’ils ont remarqué un autre éclair lumineux extrêmement rapide dans les images.

« Nous les avons regardées en nous demandant si nous ne rêvions pas, confie Anna Ho, astronome à l’université de Cornell. Nous n’avions jamais vu un flash aussi rapide et lumineux dans l’espace, encore moins dans le sillage d’un autre évènement ».

L’étude écrite par Anna Ho et ses collègues sur les LFBOT et parue en novembre 2023 dans la revue Nature vient clore un vieux débat parmi la communauté scientifique concernant la nature de ces mystérieuses explosions cosmiques. Elle souligne la présence d’un corps stellaire dense (un trou noir ou une étoile à neutrons subsistant après la mort d’une étoile plus grande), qui serait à l’origine de ces incroyables explosions.

Découvertes en 2018, les LFBOT se caractérisent par des flashs lumineux récurrents, chacun durant quelques dizaines de secondes, qui se produisent des mois après l’explosion initiale. Grâce à une caméra optique à haute vitesse, les chercheurs ont pu obtenir des données clés sur l’évènement, qui ont non seulement confirmé l’intensité des explosions répétées, mais aussi fourni des informations sur leur courte et inédite échelle de temps.

« Au début, nous pensions qu’il s’agissait d’un satellite étrange ou de quelque chose dans ce genre, se souvient Anna Ho. Nous avons essayé de vérifier ce que nous avions vu en utilisant d’autres télescopes… Sur quelques mois, nous avons observé 14 explosions au total. Le doute n’était plus permis : il s’agissait donc d’un phénomène bien réel, de l’explosion de ce qu’il restait d’un évènement céleste. »

Cette découverte a beaucoup fait parler dans la communauté scientifique, laissant les chercheurs du monde entier captivés et motivés. « Le plus excitant au sujet de cette découverte, c’est à quel point elle est sans précédent, explique Daniel Perley, astrophysicien à l’université de Liverpool John Moores, au Royaume-Uni, et co-auteur de la nouvelle étude. Personne n’a jamais observé quelque chose de ce genre. Elle fait progresser nos connaissances sur le fonctionnement des phénomènes violents ».

 

SURVEILLER DES FLASHS DANS L’ESPACE

Depuis quelques années, les astronomes peuvent « faire des films » du ciel nocturne grâce à des expositions plus longues qui captent davantage de lumière que les images statiques. Anna Ho et d’autres chercheurs du Zwicky Transcient Facility, un ensemble de télescopes utilisés pour surveiller le ciel nocturne et trouver des objets célestes dont la luminosité change, ont analysé, tous les deux jours, les images prises de l’intégralité du ciel de l’hémisphère nord. Si les LFBOT sont environ dix fois plus lumineux qu’une supernova, la rapidité à laquelle ils se produisent fait que la plupart des télescopes manquent les flashs.

« Quelque chose qui ne dure que quelques minutes passe complètement inaperçu si vous regardez une fois par nuit, souligne Anna Ho. Dans ce cas, nous avons été très chanceux ».

La production d’une chose aussi puissante, rapide et lumineuse que les LFBOT, qui éjectent de la matière à une vitesse proche de celle de la lumière, nécessite une source hautement énergétique. Selon les astronomes, il s’agirait d’une étoile à neutrons ou d’un trou noir.

Lorsqu’une grande étoile se transforme en supernova à la fin de sa vie, elle laisse derrière elle un noyau dense, connu sous le nom d’étoile à neutrons. Si sa densité est suffisante, elle s’effondre en trou noir. « Il est très difficile d’obtenir des jets approchant de la vitesse de la lumière d’autre chose que des trous noirs ou des étoiles à neutrons, précise Brian Metzger, physicien à l’université de Columbia et réviseur de la nouvelle étude. C’est une découverte vraiment formidable. Ces éclairs nous permettent vraiment de mieux appréhender leur géométrie. Jusqu’à présent, nous ne savions pas précisément si nous observions les évènements de profil ou de face ».

Les causes exactes de ces explosions demeurent cependant un mystère. Les LFBOT sont-ils émis lors de la naissance d’un objet compact ? Lorsqu’une étoile explose et laisse derrière elle son noyau dense ? Ou correspondent-ils au rajeunissement d’un objet compact, comme un trou noir qui perturbe une autre étoile ? Comment est-il possible que quelque chose qui explose pendant des mois puisse produire des flashs d’énergie aussi rapides et intenses ?

Selon Daniel Perley, les éclairs pourraient provenir de jets jaillissant de la source, à l’instar du faisceau lumineux d’un phare qui balaie la Terre tandis que l’objet tourne. Les explosions soudaines pourraient également être provoquées par les champs magnétiques d’une étoile à neutrons, un phénomène observé chez les jeunes étoiles à neutrons hautement magnétiques. Autre cause possible : les variations survenant dans le disque d’accrétion dense de matière qui entoure un trou noir et qui sont connues pour les éclairs qu’elles provoquent.

« Nous ne sommes pas encore certains de ce qu’il s’agit exactement, confie Anna Ho. Si ces flashs nous intéressent tant, c’est parce que toutes les bonnes idées quant à leur nature pourraient conduire à la découverte d’un certain type de phénomène important étudié depuis longtemps ».

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Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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