« Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine » décrit à peine cette petite galaxie scintillante qui flotte à l’extrémité de l’univers observable. Ce petit groupe d’étoiles, appelé GN-z11, constitue l’objet le plus distant que les astronomes aient pu repérer à ce jour : il existait lorsque l’univers avait tout juste 400 millions d’années.
« Il s’agit d’une des galaxies les plus anciennes », explique Garth Illingworth de l’Université de Californie à Santa Cruz, qui a décrit la galaxie dans The Astrophysical Journal. « Pour dater sa formation, il faut remonter près de 97 % du temps d’existence de l’univers : elle a 13,4 milliards d’années. »
Eh oui, il aura fallu 13,4 milliards d’années à la lumière pour traverser l’univers et nous parvenir, à travers l’œil du télescope spatial Hubble. Mais cela ne signifie pas que la galaxie se situe à 13,4 milliards d’années lumières ; l’univers s’est en effet étendu entre-temps, ce qui veut dire que GN-z11 est en vérité bien plus éloignée de la Terre que cela.
« A ce stade, nous estimons que la galaxie est à environ 32 milliards d’années lumières de nous », explique le co-auteur de l’étude Pascal Oesch, de l’Université de Yale.
En d’autres termes, la galaxie a existé il y a tellement longtemps que cela en deviendrait presque ridicule, et elle est désormais tellement, tellement éloignée de nous que cela en devient absurde. Pour dire les choses poliment.
Une usine à étoiles précoce
En scrutant l’univers, vous remontez aussi le temps. Par conséquent, la galaxie dans sa forme actuelle est probablement très différente de ce que Hubble voit aujourd’hui.
Mais il y a 13,4 milliards d’années, ce petit nœud brillant d’un milliard d’étoiles faisait environ 1 % de la taille de la Voie Lactée. Malgré sa petite taille, cette galaxie précoce générait des étoiles bien plus rapidement que la nôtre. Des étoiles très chaudes, jeunes, extrêmement massives – le type d’étoiles qui existaient au début de l’univers, d’après les astronomes.
Ils ne s’attendaient simplement pas être en mesure de les observer si rapidement.
« Nous n’avions pas imaginé pouvoir trouver de galaxie aussi lumineuse et aussi ancienne dans l’histoire de l’univers », reconnaît Oesch. « La grande question maintenant est de savoir s’il existe beaucoup d’autres galaxies aussi brillantes, dont la formation remonte aux débuts de l’univers. Personnellement, j’en doute ; je pense que nous avons été chanceux ici. »
La plus lointaine, mais pas pour longtemps
L’Histoire nous a appris que les records en matière de distance astronomique ne tiennent jamais bien longtemps. La dernière galaxie la plus lointaine, appelée EGSY8p7, avait été signalée en juillet 2015. Plus jeune que GN-z11 de 200 ou 300 millions d’années, elle a un décalage vers le rouge de 8,68 (ce phénomène permet de décrire le niveau de décalage du spectre de la lumière lorsqu’elle traverse le cosmos ; plus la mesure de décalage vers le rouge est élevée, plus la distance est grande). Et avant cela ? La gagnante était EGS-zs8-1, une galaxie elle aussi plus jeune de 200 millions d’années, découverte en février 2015. Elle avait un décalage vers le rouge de 7,78.
Quant à notre nouvelle détentrice du record, elle a un décalage vers le rouge de 11, un nombre que les scientifiques ne s’attendaient pas à voir aussi vite. Quoi qu’il en soit, la lumière du fond cosmique micro-onde – un vestige du Big Bang – a un décalage vers le rouge de 1 089.
Les nouvelles technologies, de plus en plus pointues, décèlent dans le ciel des objets toujours plus intrigants, toujours plus distants. Ainsi, bien que GN-z11 soit la gagnante du moment, elle risque de perdre son titre encore plus rapidement qu’un médaillé d’or olympique. En 2018, le télescope James Webb sera lancé et, si tout va bien, permettra de remonter le temps d’une manière encore plus impressionnante que Hubble.
« Fondamentalement, Hubble commence à connaître ses limites », explique Illingworth. « Si vous vous aventurez un tout petit peu plus loin, il n’y a plus de lumière. Hubble ne voit rien. »