Et si la plus grande tempête solaire jamais enregistrée était à venir ?
Si le cycle solaire actuel produisait une éruption aussi forte que l'événement de Carrington en 1859, elle pourrait avoir des conséquences s'élevant à des trilliards d'euros et pourrait provoquer des pannes d'électricité longues de plusieurs années.
Illustration représentant des éruptions solaires géantes.
Le 14 février 2011 a eu lieu la plus grande éruption solaire observée en quatre ans. Elle était si intense qu’elle a interféré avec les communications radios et les signaux GPS des avions long-courrier.
Pourtant, en comparaison avec d’autres tempêtes solaires, celle de la Saint-Valentin de 2011 était plutôt modeste. Mais cette explosion d’activité ne fait que marquer le début du prochain maximum solaire, qui atteindra son apogée dans les deux prochaines années.
« L’activité solaire est cyclique, un peu comme la saison cyclonique », a alors expliqué Tom Bogdan, directeur du Centre de prédiction météorologique spatiale de Boulder, dans le Colorado, lors d’une réunion de l’Association américaine pour l’avancement des sciences à Washington.
« Cela faisait quatre ou cinq ans qu’il hibernait, qu’il ne faisait pas grand-chose. » Aujourd’hui, le soleil se réveille, et même si le prochain maximum solaire semble parti pour être l’un des plus faibles jamais observés dans sa globalité, des évènements individuels très intenses pourraient toutefois avoir lieu.
La plus grande tempête solaire jamais enregistrée a eu lieu en 1859 au cours d’un maximum solaire d’à peu près la même intensité que celui dans lequel nous entrons, d’après la NASA.
Cette tempête a été baptisée l’évènement de Carrington, du nom de l’astronome britannique Richard Carrington qui remarqua les violentes éruptions solaires et fut le premier à faire le lien entre l’activité solaire et les perturbations géomagnétiques sur Terre.
Au cours de l’évènement de Carrington, des aurores boréales ont été observées jusqu’à Cuba et Honolulu au sud, et des aurores australes jusqu’à Santiago du Chili au nord.
Les éruptions étaient si violentes que les « habitants du nord-est des Etats-Unis pouvaient lire leur journal à la seule lumière des aurores », a déclaré Daniel Baker, du Laboratoire de physique atmosphérique et spatiale de l’université du Colorado, lors d’une conférence de géophysique en décembre 2016.
De plus, les perturbations géomagnétiques furent si intenses que des opérateurs télégraphiques américains signalèrent que leurs équipements produisaient des étincelles, dont les plus violentes causèrent des incendies, souligne Ed Cliver, astrophysicien au Laboratoire de recherche de l’US Air Force à Bedford, dans le Massachussetts.
En 1859, ces évènements étaient surtout des curiosités. Mais si quelque chose de la sorte arrivait aujourd’hui, les infrastructures de haute technologie du monde entier seraient paralysées.
« Les plus menacées », a continué Bogdan, du Centre de prédiction météorologique spatiale, « sont les technologies avancées présentes dans presque tous les aspects de notre vie. »
UNE ÉRUPTION SOLAIRE POURRAIT ROMPRE LE "CYBER-COCON" DE LA TERRE
Premièrement, a expliqué Baker, de l’université du Colorado, des perturbations électriques aussi intenses que celles qui ont détruit les machines télégraphiques (« l’internet de l’époque ») auraient des conséquences bien plus graves.
Une tempête solaire orientée vers la Terre la frappe généralement, mais pas forcément, en trois vagues successives.
En premier arrive la lumière solaire de haute énergie, composée majoritairement de rayons X et de lumière ultra-violette. Elle ionise la haute atmosphère terrestre et interfère avec les communications radios. Puis, c’est au tour d’une tempête de radiations potentiellement dangereuses pour les astronautes non-protégés.
Enfin, l’éjection de masse coronale (CME), nuage chargé de particules avançant plus lentement, atteint l’atmosphère terrestre au bout de quelques jours. Lorsqu’une CME frappe la Terre, les particules solaires peuvent interagir avec le champ magnétique terrestre pour produire de puissantes fluctuations électromagnétiques.
« Nous vivons dans un ‘cyber-cocon’ qui enveloppe la Terre », explique Baker. « Imaginez quelles pourraient être les conséquences. »
L’une des préoccupations principales concerne les perturbations du système mondial de positionnement (GPS), omniprésent dans les téléphones portables, les avions et les voitures, a continué Baker. Industrie mondiale d’une valeur de 13 milliards de dollars (11,5 milliards d’euros) en 2003, le GPS devrait atteindre une valeur estimée à un trillion de dollar (1,15 trillion d’euros) en 2017.
Baker a ajouté que les communications satellites, tout aussi essentielles à de nombreuses activités quotidiennes, seraient menacées par les tempêtes solaires.
« Lorsque vous payez votre plein d’essence par carte de crédit, c’est une transaction par satellite », rappelle-t-il.
Mais la plus grande crainte concerne les dégâts potentiels sur le réseau électrique. En effet, les surtensions provoquées par les particules solaires pourraient endommager les plus gros transformateurs électriques. Cela prendrait beaucoup de temps de remplacer l’un d’entre eux, et encore plus s’ils sont des centaines à avoir été détruits d’un coup, a commenté Baker, co-auteur d’un rapport du Conseil national américain de la recherche sur les risques liés aux tempêtes solaires.
Cliver, du Laboratoire de recherche de l’US Air Force, le confirme : « On n’en a pas beaucoup de rechange. »
La moitié est des Etats-Unis est particulièrement vulnérable à cause de l’interconnectivité de ses infrastructures électriques. Des pannes pourraient déclencher une réaction en chaîne, comme un effet domino.
« Imaginez une grande ville sans électricité pendant une semaine, un mois, ou une année », suggère Baker. « Les pertes engendrées pourraient s’élever à 1 voire 2 milliards de dollars (841 millions à 1.6 milliard d’euros), et les répercussions pourraient se faire ressentir pendant plusieurs années. »
Même si le prochain maximum solaire n’engendre pas un évènement de l’envergure de celui de Carrington, il est déjà arrivé que de plus petites tempêtes agissent sur l’électricité et les communications.
Les « tempêtes d'Halloween » en 2003, par exemple, ont interféré avec les communications satellites, provoqué une brève panne de courant en Suède, et illuminé le ciel d’aurores boréales fantomatiques jusqu’en Floride et au Texas.
AFFINER LES PRÉDICTIONS MÉTÉOROLOGIQUES SPATIALES
Une solution serait de reconstruire les infrastructures électriques pour les rendre moins vulnérables aux perturbations solaires.
Une autre, de mieux les prévoir. Les scientifiques qui utilisent le nouvel Observatoire de la dynamique solaire (SDO) espèrent mieux comprendre le comportement du Soleil alors qu’il entre dans son prochain maximum et commence à produire de plus grandes tempêtes.
Ces études pourraient aider les scientifiques à prédire quand et où les éruptions solaires sont susceptibles de se produire, et si une éruption donnée est dirigée vers la Terre.
« De meilleures prédictions engendreraient des prévisions plus précises, et [les officiels] pourraient prendre les bonnes mesures palliatives », a déclaré Rodney Viereck, physicien au Centre de prédiction météorologique spatiale.
Même aujourd’hui, a renchéri Bogdan, les émissions les plus destructrices issues de violentes tempêtes sont assez lentes pour être détectées par les satellites d’observation du soleil bien avant que les particules ne frappent la Terre. « Cela nous donne [environ] vingt heures pour déterminer les mesures à prendre », explique Viereck.
Cela suffirait pour que les compagnies électriques puissent au moins protéger leurs précieux transformateurs en les désactivant avant l’arrivée de la tempête sur Terre. Il y aurait des pannes locales, mais d’une plus courte durée.
« La bonne nouvelle, c’est que ces tempêtes ont tendance à passer en quelques heures », a ajouté Bogdan.
Cependant, les scientifiques se bousculent pour apprendre tout ce qu’ils peuvent au sujet du Soleil afin d’émettre des prédictions encore plus tôt.
Selon Vierick, les prédictions météorologiques spatiales doivent rattraper leur retard. « Nous en sommes au même niveau que les prédictions météorologiques il y a cinquante ans. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.