eRosita : une cartographie inédite de la voûte céleste

L'instrument à rayons X eRosita vient de lever le voile sur certains des mystères spatiaux qu'il a pu rencontrer. Son exploration a donné naissance à une carte des objets émettant des rayons X dans la voute céleste.

De Amandine Venot
Publication 11 déc. 2024, 16:07 CET, Mise à jour 12 déc. 2024, 11:10 CET
Modèle 3D du voisinage solaire. La barre de couleur représente la température du LHB telle qu'elle ...

Modèle 3D du voisinage solaire. La barre de couleur représente la température du LHB telle qu'elle est colorée à la surface du LHB. La direction du centre galactique (CG) et du nord galactique (N) est indiquée en bas à droite. Les filaments en orange représentent la densité de la poussière (d'après Edenhofer et al. 2024). 

PHOTOGRAPHIE DE eRosita - Max Planck Institute

L’expansion de l’univers est l’un des phénomènes que nous connaissons le moins. Pour percer ce mystère, différents outils ont été placés depuis une cinquantaine d’années sur des satellites afin d’établir une carte de l'univers, appelée All-Sky survey.

Dans la même visée, une équipe scientifique de l’institut Max Planck de physique extraterrestre a placé eRosita sur l’observatoire spatial russo-allemand Spektr-RG en juillet 2019. Cet outil (aujourd'hui éteint) était doté d’un détecteur à rayons X et avait pour but de révéler l’existence de corps célestes qu’on ne saurait voir à l’œil nu, mais qui sont visibles grâce à des émissions thermiques (rayons X chauds) ou des champs magnétiques intenses (rayons x non thermiques). Ces rayons X sont émis ou réfractés par des phénomènes comme la poussière cosmique, des trous noirs, les rémanents d’une étoile massive ou encore des vents stellaires.

 

CARTOGRAPHIER L’ESPACE

Des scientifiques se sont déjà évertués à cartographier l’espace, mais aucun outil n’était doté d’une technologie aussi avancée que celle d’eRosita. Contrairement aux autres instruments qui patrouillent dans la même partie du spectre électromagnétique, eRosita est le seul à pouvoir dessiner une carte des sources des rayons X de l’ensemble de la voûte céleste.

La collecte de données effectuée par eRosita a été remarquable. Elle a notamment été facilitée par des caméras de bien meilleure qualité et de meilleures conditions que lors de la dernière tentative, trente ans auparavant. « Au moment du lancement de l’instrument il y a quatre ans, le soleil était dans une période de faible activité, ce qui a permis d’établir des scans d’une meilleure qualité durant les deux premières années de la mission », confirme Michael Freyberg, spécialiste des hautes énergies astrophysiques à l’institut Max Planck. 

Après quatre ans d’exploration, eRosita a pu confirmer que la forte quantité de rayons X autour de notre système solaire, détectée depuis le point de vue en plongée du satellite, n’était pas due à de simples vents stellaires, mais à une « bulle locale de gaz chaud - Local Hot Bubble (LHB) », une région où le gaz est beaucoup moins dense que dans les zones environnantes. 

L'instrument eRosita a analysé les sources de rayons X dans la voûte céleste et en a ...

L'instrument eRosita a analysé les sources de rayons X dans la voûte céleste et en a fait une carte. En rouge sont représentés les gazs chauds de faible densité, en bleu les gazs chauds de forte densité, environnant la bulle locale. Les espaces blancs représentent les tunnels interstellaires. 

PHOTOGRAPHIE DE Michael Yeung / MPE

Cette faible densité est due à la température très élevée du gaz qui permet à ses molécules de bouger plus vite et d’occuper plus d’espace. C’est d’ailleurs grâce à cette température que la LHB émet des rayons X détectables par des instruments comme eRosita. « Elle est estimée à 100 millions de kelvin soit un million de degrés », ajoute Michael Yeung, spécialiste des hautes énergies de l’astrophysique à l’institut Max Planck.

Un tel phénomène n’est possible que « via l’injection d’une certaine quantité d’énergie dans le milieu interstellaire, une énergie qui peut être fournie uniquement par l’explosion d’une étoile massive comme une supernova », informe Michael Freyberg. Il ajoute « aucun autre phénomène n’aurait pu créer quelque chose qui nécessite autant d’énergie pour sa formation, mais aussi pour son maintien ».

 

UN RÉSEAU DE TUNNELS ?

L’existence d’une bulle locale de gazs chauds n’a pas été la seule découverte permise par la dernière All-Sky survey. Les scientifiques ont découvert à l’intérieur de la LHB des « trous entourés de poussière cosmique et remplis de gaz chauds ». Ces espaces s’étendent « à la verticale, ce qui peut indiquer que le gaz chaud s’étend plus librement dans certaines directions, comme une cheminée », explique Michael Yeung. Ils sont visibles aux analyses par rayons X, représentés en blanc sur le disque galactique. 

Depuis la découverte de leur existence il y a cinquante ans, ces cheminées ont pris le nom de tunnels, mais selon Michael Yeung, « il ne se s’agit pas du meilleur terme pour qualifier ces phénomènes ». Il penche plutôt pour celui de « canal » puisque ce dernier ne fait que relier deux bulles de gaz chaud. « Il ne s’agit pas d’un moyen pour se rendre dans une tout autre partie de l’Univers », précise le scientifique.  

Grâce au travail de cartographie effectué par eRosita, les scientifiques ont aussi observé que ce tunnel, ou ce canal, allait dans la direction de la constellation du Centaure. « C’est très visible », témoigne Michael Yeung. « Il y a de la poussière cosmique délimitant un passage de gaz chauds ». Potentiellement, « le tunnel lierait la LHB avec la super bulle Loop 1 ». 

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    Image JWST de la galaxie fantôme de Watkins et al. 2023.

    Image JWST de la galaxie fantôme de Watkins et al. 2023.

    PHOTOGRAPHIE DE Watkins et al. 2023.

    Les phénomènes de tunnels interstellaires et de bulles chaudes ne sont pas rares. « Ce serait irréaliste de dire qu’il n’y a qu’une seule bulle dans l’Univers. […] C’est un processus naturel, multiple, que nous pensons déjà observer dans d’autres galaxies comme celle de la galaxie phantom », explique Michael Freyberg. 

    « L'abondance des bulles dans la galaxie phantom observée par le télescope spatial James Webb, pourrait être très similaire à la Voie lactée si nous pouvions l'observer de face », explique Michael Yeung. « Notre position dans notre galaxie nous empêche cependant de sonder l'émission de gaz chauds de très loin ». 

    Dans un article fondateur publié en 1974, les scientifiques Donald Cox et Barham Smith avaient déjà émis l'hypotèse de l'existence dans la Voie lactée d'un réseau de bulles chaudes, reliant d'autres bulles que la LHB et la super bulle Loop 1 via des tunnels interstellaires.

    Pour s'en assurer, les scientifiques espéraient pouvoir « observer d'ici dix à quinze ans des galaxies proches de face, comme la galaxie phantom et ainsi vérifier, avec la prochaine génération de téléscopes à rayons X, si ces bulles étaient remplies de gazs chauds comme la LHB ». Seulement « la NASA a estimé que ce projet n’était pas prioritaire », regrette Michael Freyberg. Désormais, « les scientifiques ne peuvent espérer une nouvelle mission avant trente ans ».  Malheureusement, seul eRosita était en capacité de cartographier les corps célestes émettant des rayons X, et l'outil est désormais éteint.

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