J1407b : l'objet céleste aux anneaux 200 fois plus vastes que ceux de Saturne
Retour sur la première découverte de J1407b, un objet céleste qui semble être une planète géante dotée d'un système d'anneaux encore plus imposant que celui de Saturne.
Les scientifiques estiment qu’au moins trente anneaux encerclent l'objet céleste J1407b, créant un disque si étendu qu’il occulte son étoile deux mois durant.
En 2012, une équipe d’astronomes américains et britanniques a découvert ce qui semblait être une planète géante encerclée d’anneaux 200 fois plus gros que ceux de Saturne.
Ce corps céleste, connu sous le nom de J1407b, gravite autour d’une étoile à 430 années-lumière de la Terre ; une distance relativement proche si l’on raisonne en termes cosmiques. Selon Matthew Kenworthy de l’université de Leiden aux Pays-Bas, auteur principal de l’étude sur cette découverte publiée en 2015 dans Astrophysical Journal, J1407b est probablement 10 à 40 fois plus massif que Jupiter.
Aussi grande que puisse être la supposée planète, sa taille n’a rien d’extraordinaire en comparaison aux 5 000 autres exoplanètes recensées en 2022. Ce qui rend J1407b si exceptionnel, c’est qu’il s’agit du premier objet céleste découvert qui soit doté d’anneaux similaires à ceux de Saturne. Cependant, si les anneaux de Saturne étaient aussi grands que ceux de J1407b, ils seraient si vastes qu’ils arriveraient à mi-chemin entre Saturne et Jupiter.
La découverte de ces anneaux géants était purement accidentelle. En 2011, Mark Pecaut, de l’université de Rochester dans l’État de New York, étudiait les données issues du projet SuperWASP dont l’objectif est de découvrir des exoplanètes. Il étudiait les étoiles, et non pas les planètes ; les archives du SuperWasp traitaient toutefois des deux sujets, et notamment des taux de rotation des jeunes étoiles situées dans l’Association Scorpion-Centaure.
Ces étoiles étaient somme toute assez banales… à l’exception d’une seule. Pecaut, qui travaille à la Rockhurst University à Kansas City dans le Missouri, a remarqué que l’intensité de la lumière de l’étoile augmentait et baissait de manière inhabituelle. « La première fois que j’ai observé les images, je savais que nous étions tombés sur quelque chose de vraiment étrange », explique Eric Mamajek, coauteur de l’étude et chercheur à la NASA depuis 2016.
La lumière de l’étoile, plutôt que de perdre progressivement en intensité l’espace de quelques heures (comme on l’observe généralement lorsqu’une planète passe devant une étoile), a continué à scintiller pendant deux mois : petit à petit, son intensité a diminué, a légèrement augmenté puis a baissé à nouveau. Selon Kenworthy, « au début, nous pensions que les images étaient dégradées à cause du bruit » mais, en réalité, ces dernières étaient de très bonne qualité. « C’est l’une des plus belles séries de données que j’ai vues de ma vie », confiait-il en 2015.
Les astronomes se sont vite rendu compte que l’objet qui avait provoqué ces étranges variations lumineuses devait être un système d’anneaux. Mais pour que le passage des anneaux dure deux mois, il fallait que ceux-ci soient gigantesques, et donc bien plus larges que tout ce que l’on avait pu observer auparavant. L’équipe a tout fait pour déterminer si une autre cause pouvait expliquer ce phénomène, avançant par exemple que la lumière de l’étoile aurait été estompée par des nuages de poussière. En 2012, après un an d’hésitation, ils ont enfin annoncé leur découverte.
Affirmer avoir découvert un système d’anneaux géant était audacieux. La nouvelle n’a pas été accueillie à bras ouverts, se rappelle Mamajek. Une autre analyse, visant à décrire la structure des anneaux de manière plus précise et à prouver qu’ils reproduisaient les mêmes variations lumineuses que celles observées par les astronomes, est finalement parvenue à convaincre les plus sceptiques.
DE JEUNES ANNEAUX EN TRANSITION ?
Cependant, le fait que cette étoile et tout ce qui lui est associé ne soient âgés que de 16 millions d’années (ce qui n’est rien en comparaison aux 4,59 milliards d’années du Soleil) reste potentiellement problématique. Si les anneaux sont si jeunes, les plus éloignés devraient prochainement se conglomérer et former des lunes ; c’est ce qu’il s’est passé avec Saturne aux débuts de notre propre système solaire. Que des astronautes aient pu observer ces anneaux dans une phase si éphémère de leur existence constitue donc une remarquable coïncidence.
« L’existence d’un système d’anneaux complexe et transitoire est plausible », expliquait Eric Ford de l’Université d'État de Pennsylvanie, qui est spécialisé dans les exoplanètes. Selon lui, cette coïncidence est cependant peu vraisemblable : « Quel est le pourcentage de chance pour que des astronomes observent un objet qui se trouve dans une phase transitoire relativement rapide ? ».
Par ailleurs, il est bien plus difficile d’observer la supposée planète, censée occuper le centre du système d'anneaux, que les anneaux eux-mêmes. En réalité, les astronomes ne peuvent que supposer la présence de cet objet central. Il se pourrait, cependant, que nous ne puissions simplement pas voir la planète depuis notre angle de vue. (Kenworhy a créé une animation pour expliquer ce phénomène.)
Un autre problème se pose, reconnaissent les auteurs : le système d'anneaux (si c’est bien de cela qu’il s’agit) n’est passé qu’une seule fois devant l’étoile. « C’est intéressant, mais si cela n’a pas fait l’objet d’observations répétées, j’estime qu’à ce stade, mieux vaut ne pas prendre les choses pour acquises », expliquait David Kipping, astronome à Harvard, après la publication de l’étude.
Cela ne veut pas dire que les scientifiques ont donné leur dernier mot. Mamajek, Kenworthy et leurs collègues surveillent de près l’étoile dans l’espoir d’observer le phénomène tant désiré se répéter. Pour les aider, ils ont même recruté un groupe d’astronomes amateurs de haut niveau rassemblés sous la American Association of Variable Star Observers.
« Il sera très intéressant de voir ce qui ressortira de tout cela à mesure que l’on fera de nouvelles observations, que l’on ajoutera des pièces au puzzle », affirmait Natalie Batalha, l’une des scientifiques qui était à la tête de l’équipe derrière la mission Kepler de la NASA, une opération couronnée de succès dont l’objectif était de découvrir de nouvelles planètes. « Il pourrait en effet s’agir de la toute première planète à anneaux découverte à l’extérieur de notre système solaire. »
Depuis, d’autres objets substellaires dotés d’anneaux ont été découverts, à l’instar de PDS 110b, situé à plus de 1 000 années-lumière de la Terre.
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Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise en 2015. Il a été mis à jour par l'équipe de rédaction française en novembre 2022.