La découverte d'oxygène dans l'espace pourrait compliquer la recherche de vie extraterrestre
La découverte d'oxygène moléculaire sur une comète pourrait imposer aux scientifiques de revoir leur conception du système solaire primitif et la recherche de la vie dans l'univers.
L’étrange comète en forme de canard autour de laquelle la sonde Rosetta orbite depuis plusieurs années est de plus en plus étrange : à l’instar des plantes sur Terre, la planète rejette de l’oxygène moléculaire, ou O2, dans l’espace qui l’entoure. L’oxygène moléculaire est considéré comme rare dans le cosmos, ou du moins exceptionnellement difficile à détecter.
« C’est la découverte la plus surprenante que nous ayons faite jusqu’à présent, » a déclaré Kathrin Altwegg de l’université de Bern, membre du projet Rosetta. L’équipe a détecté de l’oxygène pour la première fois il y a environ trois ans, et a pris le temps d’exclure les sources possibles autres que la comète elle-même. « La première fois que nous l’avons détecté, » se souvient Altwegg, « je crois que nous avons tous été un peu dans le déni parce que ce n’est pas quelque chose que l’on est censé trouver sur une comète. »
Bien entendu, l’oxygène moléculaire est courant sur Terre. Il a initialement été rejeté en très grande quantité par des algues bleu-vert photosynthétiques il y a environ 2,5 milliards d’années. Mais jusqu’à récemment, les astronomes n’avaient détecté de l’O2 gazeux qu’en de rares endroits, dont deux nuages moléculaires très lointains. Ces observations, publiées dans la revue Nature, ne se contentent pas de repenser le système solaire primitif, elles portent aussi un coup dur aux scientifiques qui espéraient identifier la signature de la vie sur d’autres planètes.
« Cette découverte est un véritable avertissement concernant la recherche d'exoplanètes et de traces de vie, » commente Sara Seager, du MIT. « L’O2 est le gaz le plus connu sur notre liste de signatures de la présence de la vie. »
RETOUR AUX SOURCES
Les comètes sont des machines à remonter le temps faites de glace et voyageant dans l’espace. Contrairement aux planètes, où des fours intérieurs ont plus ou moins cuit les ingrédients pour mieux les redisposer, les comètes ont conservé leurs composantes originales. Ainsi, les scientifiques peuvent se servir de ces boules de poussière glacées pour plonger leur regard dans le passé jusqu’aux origines du système solaire. Elles ont été formées à ce moment-là par des débris gelés entrant en collision. On pense que les molécules enfermées par une comète reflètent la composition de la poussiéreuse nébuleuse primordiale qui tournoyait autour d’un soleil encore très jeune.
Au-delà de l’orbite de Neptune, les températures étaient bien entendu glaciales. Mais jusqu'à présent personne n’imaginait que cet endroit était suffisamment froid ou suffisamment calme pour que deux atomes d’oxygène se rencontrent, se lient et restent collés l’un à l’autre.
« Tous nos modèles affirment qu’il ne devrait pas y en avoir ici, » commente l’auteur de l’étude, Andre Bieler de l’université du Michigan à Ann Arbor.
Même si l’oxygène moléculaire ne représente qu’un petit pourcentage de tout ce que dégage la comète, environ 3,8 % par rapport à l’eau, le fait même d’en retrouver sur Tchouri suffit à pousser les scientifiques à reconsidérer la composition et la température du nuage de poussière primordial. « Cette glace n’a pas été chauffée suffisamment pour être retraitée, » commente Bieler.
Le dioxygène, sous forme de gaz, n’a été observé qu’autour de deux autres étoiles, ce qui laisse à penser qu’il s’agit d’un composant rare du milieu interstellaire. Les scientifiques évoquent désormais la possibilité que ces résultats reflètent en fait la difficulté de le détecter à distance.
« Les nouvelles molécules que l’on trouve sur des comètes ont presque toujours été trouvées auparavant dans le milieu interstellaire, » explique Mike A’hearn de l’Université de Maryland, à College Park. Cependant, il ajoute que « l’abondance [sur Tchouri] est tellement basse qu’on ne l’aurait certainement pas observée par télédétection. »
À LA RECHERCHE DES PETITS MICROBES VERTS
C’est bien le problème que pourraient rencontrer les scientifiques partis à la recherche de la signature de la vie sur les exoplanètes : personne ne pense qu’il y a des microbes qui respirent sur Tchouri. Pourtant, l’oxygène moléculaire, indique Seager, est tout en haut de la liste des gaz pouvant indiquer la présence d’une vie extraterrestre. S’il s’avère que l’oxygène est courant dans le cosmos, il faudra réexaminer son statut de biosignature potentielle.
En revanche, un taux élevé d’O2 dans l’atmosphère d’une planète pourrait quand même indiquer la présence de la vie.
« La durée de vie de l’O2 dans l’atmosphère est si courte qu’il ne peut pas y être présent longtemps sans être produit de façon continue, » explique Seager, ajoutant qu’il existe de nombreuses façons de produire de l’oxygène moléculaire qui n’ont rien à voir avec la vie.
« La comète nous montre que l’on n’avait pas imaginé toutes les scénarios. »