La NASA choisit SpaceX pour ramener l'Homme sur la Lune
L'agence spatiale américaine vient d'annoncer l'attribution à SpaceX d'un contrat de 2,9 milliards de dollars visant à concevoir une version de la fusée Starship capable d'amener des astronautes sur la Lune.
Elon Musk, le fondateur et PDG de SpaceX, prend la parole devant une fusée Falcon 9 pour annoncer que SpaceX lancera le milliardaire japonais Yusaku Maezawa pour une mission en orbite autour de la Lune, le 17 septembre 2018. SpaceX vient également de décrocher un contrat avec la NASA dans lequel la société s'engage à envoyer les astronautes de l'agence spatiale américaine sur la Lune dans le cadre du programme Artemis.
Étape capitale vers le retour programmé par la NASA de l'Homme sur la Lune, l'agence spatiale vient tout juste d'annoncer que SpaceX sera le constructeur du véhicule qui permettra aux astronautes de fouler à nouveau la surface de notre satellite naturel. Selon le programme actuel, baptisé Artemis, les astronautes sont censés quitter la Terre à bord de la fusée Space Launch System (SLS) de la NASA, atteindre l'orbite lunaire au sein de la capsule Orion également développée par l'agence spatiale américaine puis rejoindre la fusée Starship de SpaceX pour amorcer la descente finale jusqu'en surface.
D'une valeur de 2,9 milliards de dollars, le contrat décroché par SpaceX devra servir à mettre au point une version de la fusée Starship adaptée à l'environnement lunaire. Le véhicule à l'allure futuriste est encore au stade de prototype, avec des tests actuellement conduits au sein d'une installation au Texas. L'offre de SpaceX a supplanté celle de Blue Origin, la société de Jeff Bezos qui a déjà travaillé avec des entreprises du secteur de la défense comme Lockheed Martin, Northrop Grumman et Draper, ainsi que celle de Dynetics, un autre sous-traitant du département de la Défense des États-Unis basé à Huntsville, en Alabama.
Qu'est-ce que le programme Artemis de la NASA ?
Annoncé en 2017 sous l'administration Trump et baptisé Artemis en 2019, le programme a pour objectif le retour des astronautes américains sur la Lune pour la première fois depuis la mission Apollo 17 en 1972, ainsi que l'alunissage de la première femme et de la première personne de couleur.
L'administration Biden a elle aussi exprimé tout son soutien au programme. Cependant, alors que l'équipe de l'ex-président Donald Trump était favorable à une expédition habitée vers la surface de la Lune à l'horizon 2024, la somme allouée par le Congrès des États-Unis au financement du programme ne suffira pas à tenir l'échéance selon les estimations de la NASA. Suite à cette restriction budgétaire et au retard accumulé dans le développement de la fusée SLS et d'autres éléments du programme, la NASA se retrouve donc contrainte de réévaluer la date à laquelle elle pourra de nouveau envoyer des Hommes sur la Lune.
La mission Artemis I, dont le lancement est prévu dès la fin de l'année 2021, consistera en un vol test non habité de la capsule Orion et de la fusée SLS. Elle sera suivie de la mission Artemis II dans laquelle un équipage utilisera la fusée SLS et la capsule Orion pour rejoindre l'orbite de la Lune sans s'y poser, à l'instar de la mission Apollo 8 en 1968. Enfin, la mission Artemis III utilisera la fusée SLS, la capsule Orion et la fusée Starship pour achever le voyage et atteindre la surface de la Lune.
Afin de parcourir les 384 400 km qui nous séparent de la Lune, les astronautes emprunteront le lanceur lourd SLS de la NASA puis le vaisseau spatial Orion. Une fois l'orbite lunaire atteint, la capsule Orion devra s'amarrer au Human Landing System (HLS), l'élément pour lequel la NASA a sélectionné SpaceX. Posté en orbite autour de la Lune, cet engin spatial attendra jusqu'à une centaine de jours l'arrivée des astronautes afin d'assurer leur alunissage. Pour regagner la Terre, l'équipage quittera la Lune à bord de la fusée Starship avant d'embarquer à nouveau dans la capsule Orion pour le trajet retour.
Starship de SpaceX ?
Starship est un lanceur spatial lourd actuellement développé par SpaceX. La fusée complète se composera de deux éléments : un booster, ou propulseur d'appoint, de 70 m de hauteur appelé Super Heavy et un étage supérieur de 50 de haut baptisé Starship. Ensemble, le booster et l'étage supérieur de la fusée portent également le nom de Starship. À la différence des lanceurs précédents, l'objectif est de construire une fusée capable d'atterrir de façon autonome après avoir été lancée. La fusée Falcon 9 de SpaceX actuellement utilisée par la NASA pour envoyer des astronautes sur la Station spatiale internationale (ISS) dispose déjà d'un booster capable de réaliser cette prouesse, ce qui permet sa réutilisation.
Lors de ces missions à destination de la Lune, le booster Super Heavy permettra de lancer Starship depuis la Terre jusqu'à l'orbite lunaire où l'étage supérieur de la fusée permettra aux astronautes d'atteindre la surface à l'aide de ses propres moteurs.
Depuis décembre 2020, SpaceX a lancé quatre prototypes de la fusée Starship dans le cadre de tests de vol à haute altitude. À ce stade, les fusées Starship ont réussi à atteindre l'altitude de 12 400 m, mais tous les prototypes ont explosé lors des tentatives d'atterrissage. Conformément aux exigences de la NASA, SpaceX devra effectuer une démonstration d'alunissage non habité avant de pouvoir envoyer des astronautes sur la Lune.
Quelles entreprises ont répondu à l'appel d'offres de la NASA pour la construction du module lunaire ?
SpaceX était l'une des trois équipes en concurrence pour décrocher le contrat de la NASA, avec Blue Origin et Dynetics.
La plus grande surprise liée à cette annonce de la NASA réside peut-être dans le choix d'attribuer le contrat à SpaceX uniquement. D'ordinaire, la NASA sélectionne ses fournisseurs par paires, ce qui lui permet de choisir entre deux options de véhicules spatiaux lors des missions critiques et de poursuivre un programme donné en cas d'échec de l'un des sous-traitants. Ainsi, pour son programme Commercial Resupply Services visant à ravitailler la Station spatiale internationale, l'agence travaille avec SpaceX et Northrop Grumman ; et pour le Commercial Crew Program, la NASA a choisi SpaceX et Boeing.
En sélectionnant uniquement SpaceX, la NASA témoigne de sa confiance accordée au constructeur pour mettre au point une version de Starship capable d'atterrir sur la Lune. En outre, le fait de missionner un seul fournisseur implique pour la NASA la possibilité de retourner sur la Lune en respectant le budget accordé par le Congrès, puisque la proposition de SpaceX à 2,9 milliards de dollars était substantiellement inférieure à celle de ses concurrents et l'entreprise s'engage à financer plus de la moitié des coûts de développement de Starship. En revanche, cela signifie également que la NASA n'a pas d'option de secours pour le moment.
« C'est inhabituellement audacieux pour la NASA de s'engager auprès d'un seul fournisseur, encore plus pour un engin spatial aussi ambitieux ; Starship, c'est l'audace incarnée, » déclare Casey Dreier, porte-parole et conseiller en politique spatiale de l'organisation à but non lucratif Planetary Society. Alors que Starship servira dans un premier temps au transport des astronautes vers et depuis la Lune, elle est avant tout conçue pour envoyer des équipages sur Mars. Ainsi, en investissant dans Starship, « la NASA investit également en second lieu dans les missions habitées sur Mars, » explique Dreier.
Pour le moment, l'agence préfère conserver sa liberté d'action pour les futures missions Artemis. Le contrat de SpaceX couvre les missions jusqu'à Artemis III ainsi que la démonstration antérieure. Pour Artemis IV et au-delà, la NASA prévoit de lancer un nouvel appel d'offres aux entreprises pour des solutions de transport d'équipage vers et depuis la Lune.
Quand verrons-nous Starship s'envoler pour la Lune ?
Lors d'une visioconférence avec différents médias le 16 avril, les responsables du programme ont annoncé que Starship ne déposerait pas d'astronautes à la surface de la Lune avant 2024. La NASA a rappelé qu'elle était en train de réévaluer l'agenda des missions Artemis et n'a pas pris d'engagements fermes. « Nous ne procéderons pas au lancement avant que tout soit prêt, avant que tous les systèmes soient sûrs, » a déclaré la directrice des programmes de la NASA, Lisa Watson-Morgan, pendant la conférence.
Le programme Artemis de la NASA n'est pas la seule mission lunaire que SpaceX espère lancer. En 2018, l'entreprise a signé un accord avec le milliardaire japonais Yusaku Maezawa visant à l'envoyer en compagnie d'un groupe d'artistes en orbite autour de la Lune. L'entreprise espère lancer cette mission, baptisée dearMoon, en 2023.
Cela dit, une mission à destination de la Lune est extraordinairement ambitieuse et il n'est pas impossible que la NASA, SpaceX et d'autres organisations subissent des revers dans la préparation du matériel censé permettre aux astronautes de fouler la surface lunaire en toute sécurité. Néanmoins, une fois les astronautes de retour sur la Lune, la NASA espère qu'ils pourront y vivre et travailler plus longtemps afin de tester les technologies nécessaires aux futures expéditions martiennes.
« Je pense que cette décennie sera la plus fascinante de la conquête spatiale depuis l'ère Apollo, » conclut Dreier, « et la mission Artemis y est pour beaucoup. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.