La Terre vue depuis l'espace : une expérience inoubliable
Les astronautes qui ont eu la chance de s'éloigner de notre planète l'affirment : la somptueuse vision de la Terre depuis le cosmos a bouleversé leur conception de la vie sur Terre.
Cet article a paru dans le magazine National Geographic de mars 2018.
À voir sur National Geographic : découvrez la Terre comme vous ne l'avez jamais vue dans One Strange Rock, nouvelle série événement réalisée par Darren Aronofsky, diffusée tous les dimanches sur National Geographic.
À quoi ressemble la Terre au milieu du cosmos ? Pendant des millénaires, les hommes n'ont pu que l'imaginer.
Esclaves de la gravité et de la biologie, il nous est difficile de quitter la Terre. Pour la plupart d'entre nous, toute vie se réduit à notre globe. Depuis 1961, en près de six décennies de vols spatiaux habités, seuls 556 êtres humains en orbite ont vu le Soleil se lever derrière la Terre, dont tout juste 24 ont regardé celle-ci rapetisser au loin jusqu'à la taille d'une montre. Et 6, pas un de plus, se sont retrouvés sur la face cachée de la Lune - seuls face au cosmos.
Un vol spatial n'est pas une chose naturelle. Après tout, notre physiologie a évolué précisément pour s'épanouir sur la planète Terre, et non pas au-delà. C'est peut-être la raison pour laquelle les astronautes ont du mal à décrire le fait de voir notre globe depuis l'espace.
Nous n'avons pas encore forgé les mots pour transmettre vraiment les réalités du vol spatial, estime l'astronaute italien Luca Parmitano, de l'Agence spatiale européenne. Les termes sont inévitablement limités par leurs sens et leurs connotations, quelle que soit la langue que l'on choisisse - et Parmitano en parle cinq.
Jusqu'au milieu du XXe siècle, il n'y avait nul besoin d'exprimer ce que signifie le fait de voir notre planète depuis l'espace. « Nous ne pensions tout simplement pas en termes de vols spatiaux, » constate Luca Parmitano.
Voir la Terre depuis l'espace peut changer votre vision du monde. L'Américaine Nicole Stott a volé deux fois à bord de la navette Discovery. Elle en est revenue avec un nouvel élan pour créer une oeuvre d'art illustrant ce spectacle. L'astronaute canadien Chris Hadfield raconte que, en orbite autour de la Terre, il se sentait plus proche de ses habitants que jamais auparavant.
En 1984, Kathy Sullivan a été la toute première Américaine à réaliser une sortie spatiale. Elle en a tiré un sentiment d'admiration et de respect pour les systèmes complexes qui, ensemble, font de la Terre une oasis improbable : « Ce qui a grandi en moi lors de ces vols, ce sont la motivation et le désir concret [...] de ne pas seulement profiter du paysage mais de montrer l'importance et l'unicité de ce que je voyais. »
Kathy Sullivan a pris sa retraite de la NASA, puis a dirigé durant trois ans l'Administration nationale des études océaniques et atmosphériques, utilisant les capteurs optiques des satellites en orbite pour poursuivre sa passion. La Terre vue du ciel est si extraordinairement belle qu'elle ne se lassait jamais de la regarder, assure Sullivan : « Je ne suis pas sûre que je voudrais être dans la même pièce que quelqu'un qui pourrait s'en lasser. »
Même quand les mots nous manquent, une simple image de chez soi vu du ciel peut changer notre façon d'envisager les choses. En 1968, les membres de l'équipage Apollo 8 furent les premiers Hommes à s'éloigner de la Terre pour effectuer une boucle autour de la Lune. À la veille de Noël, l'astronaute William Anders prit une image passée à la postérité : celle d'un monde luxuriant s'élevant au-dessus de l'horizon lunaire stérile et truffé de cratères. Ce cliché, appelé Lever de Terre, a permis de prendre conscience de la beauté et de la fragilité de notre planète.
« 2018 marque le cinquantième anniversaire de cette image emblématique, qui a contribué à définir le mouvement écologiste. Que nous faut-il corriger pour atteindre le centième anniversaire ? » s'interroge l'astronaute américain Leland Melvin. Avec d'autres anciens voyageurs de l'espace, il travaille à utiliser les expériences des astronautes pour aider les habitants de la Terre à adopter les modes de vie plus viables.
Manifestement, le désir de protéger la planète est fréquent chez ceux qui s'en sont éloignés. En cinq missions, le cosmonaute russe Gennady Padalka a passé plus de jour dans l'espace que quiconque. Mais ce qui le ramène sur terre est plus puissant encore que la gravité. « Nous sommes reliés génétiquement à cette planète. »
Or jusqu'à nouvel ordre, la Terre est unique dans sa capacité à favoriser la forme de vie que nous connaissons. Lors des dix dernières années, les astronomes nous ont montré que nous ne sommes qu'un monde parmi les milliards que contient à elle seule la Voie lactée, notre galaxie. Mais notre planète offre une combinaison de caractéristiques géologiques, écologiques et biologiques qui, dans les parages galactiques, en font le seul lieu propice pour les Hommes.
Comme quoi, on est jamais aussi bien que chez soi.