Les grands mystères du cosmos décryptés
Les mystères de l'univers sont-ils insolubles ? Certains peuvent en tout cas être décryptés.
C’est une anecdote bien connue et apocryphe : un célèbre scientifique fait une conférence sur l’astronomie quand une femme dans le public se lève et le contredit. L’Univers, dit-elle, repose sur le dos d’une tortue géante. « Mais sur quoi repose cette tortue ? » demande-t-il, l’air suffisant. « Très astucieux, jeune homme », répond-elle. « Mais il y a des tortues jusqu’en bas ! »
Les cosmologistes qui tentent de comprendre les événements au commencement du temps en arrivent parfois à se poser des questions tout aussi spécieuses. Malgré un consensus général sur ce qui s’est passé au début de l’Univers juste après le big bang, d’énormes obstacles scientifiques et philosophiques nous empêchent de comprendre ce qui est advenu avant : la transition du rien à quelque chose. Selon la chronologie, il y a 13,8 milliards d’années, juste après sa création, l’univers était incroyablement petit, chaud et dense.
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Les quatre forces fondamentales qui le gouvernent (gravité, électromagnétisme, nucléaire faible et nucléaire forte) étaient unifiées. Puis l’univers se dilata à une vitesse extraordinaire lors d’une brève phase d’inflation cosmique et elles se séparèrent les unes des autres. Les milliers d’années suivantes ont correspondu à une phase de refroidissement durant laquelle les particules se formèrent, puis les atomes ; l’univers commençait à ressembler à ce que nous en connaissons, la matière se condensait pour former les étoiles et les planètes.
Ce scénario pose toujours la question de ce qui existait avant le big bang. Aucune information ne peut nous parvenir sur ces instants primordiaux, mais des physiciens ont émis une hypothèse partielle. D’après la physique quantique, même dans un vide parfait des fluctuations aléatoires peuvent produire de la matière et de l’énergie. L’univers est peut-être juste apparu subitement.
Ce à quoi les critiques rétorquent que cette réponse suppose que les lois physiques existaient déjà, une variante de l’analogie de la tortue : de la physique jusqu’en bas !
OÙ EST PASSÉE L'ANTIMATIÈRE ?
Durant les folles années du début du XXe siècle, quand la physique redéfinissait notre représentation de la matière, les scientifiques réalisèrent que chaque particule devait avoir une antiparticule – de même masse et de charge opposée. Ainsi, aux électrons (chargés négativement) doivent correspondre les positrons (chargés positivement), et aux protons (chargés positivement) les antiprotons (chargés négativement).
De fait, les expériences menées à l’aide des accélérateurs permettent de produire exactement ces particules, et en grandes quantités. Mais les particules de matière et d’antimatière doivent être tenues à distance les unes des autres pour ne pas s’annihiler dans une explosion d’énergie.
La physique établit aussi que des quantités égales de matière et d’antimatière ont dû être créées au moment du big bang. Mais bien que l’on ait détecté des antiparticules dans l’espace, presque tout ce qui se voit est composé de matière. Où est donc passée l’antimatière ?
Explication possible : les taux de désintégration des particules et des antiparticules pourrait différer même légèrement. Cette différence aurait suffit à entraîner, au cours des temps, l’asymétrie actuelle. L’antimatière manquante demeure l’une des énigmes de la cosmologie. Les expériences menées au Grand collisionneur de hadrons à Genève réussiront peut-être à éclaircir le mystère.
QU'EST-CE QUE LA MATIÈRE NOIRE ?
Dans les années 1930, l’astronome suisse Fritz Swicky étudiait des amas de galaxies en rotation, quand il parvint à une conclusion troublante : aux vitesses observées, ces amas auraient dû catapulter leurs étoiles dans l’espace comme de malheureux enfants qui tomberaient de leur manège. Ces amas ne pouvaient tenir unis que s’ils contenaient beaucoup plus de masse qu’on n’en avait observé.
Plus tard, des mesures des mouvements galactiques ont permis d’éclaircir le mystère de la matière sombre. Les physiciens estiment désormais qu’environ 27 % de la matière de l’Univers est composée de cette substance inconnue, qui n’émet ni ne reflète aucune lumière. La matière sombre pourrait être constituée d’objets invisibles, comme les massives étoiles appelées naines brunes, et les trous noirs.
Toutefois, les scientifiques émettent une autre hypothèse : il existerait des « particules massives interagissant faiblement », les Wimps. Celles-ci auraient des masses individuelles très faibles et seraient difficiles à détecter, mais elles seraient si nombreuses qu’elles induiraient l’effet gravitationnel requis.
Des expériences à bord de la station spatiale internationale ont détecté des particules à haute énergie qui ont peut-être été propulsées par la collision de particules de matière sombre.
D'OÙ VIENNENT LES PUISSANTS RAYONS COSMIQUES ?
Sortez et vous serez bombardé par un rayon cosmique à peu près toutes les secondes. Vous ne sentez rien ? C’est parce que chacun d’eux est une particule subatomique, typiquement un proton. Observés depuis une centaine d’années, les rayons cosmiques pleuvent à grande vitesse dans l’atmosphère terrestre, venant de toutes les directions.
Une partie provient du Soleil, mais la plupart sont issus de sources lointaines et inconnues. Quelques-uns sont si énergiques qu’ils voyagent presque à la vitesse de la lumière. Les scientifiques se sont longtemps demandés quelle sorte d’accélération pouvait propulser une particule à pareille vitesse.
Il est tout simplement impossible de remonter à la source d’une particule parce que les rayons cosmiques s’incurvent le long de champs magnétiques présents dans l’espace interstellaire et autour de notre planète. Toutefois, des chercheurs ont établi un lien entre les rayons à ultra-haute énergie et les champs magnétiques entourant les résidus de supernovae.
Apparemment, certaines particules chargées, piégées par ces champs magnétiques, accélèrent en tournant au travers de l’onde de choc de la supernova ; ils prennent de la vitesse et peuvent alors en jaillir comme une balle dans l’espace. En février 2013, des astronomes ont annoncé que le télescope spatial Fermi avait détecté un rayonnement gamma caractéristique de ces interactions autour de deux résidus de supernovae, ce qui pour l’instant constitue la meilleure piste pour expliquer l’origine de ces particules mystérieuses.
LES TACHES SOLAIRES AFFECTENT-ELLES LE CLIMAT TERRESTRE ?
Les observateurs traquaient les taches solaires bien avant de savoir de quoi il s’agissait. Au XIXe siècle, un astronome amateur, Samuel Heinrich Schwabe, qui pendant dix-sept ans, chaque jour, comptales taches sombres qu’il observait à la surface du Soleil, constata que leur nombre croissait et décroissait selon un cycle régulier de onze années.
Depuis, les scientifiques ont appris que les taches solaires marquent les endroits où les lignes de champ magnétique percent la surface visible du Soleil. Quand le cycle solaire est à son maximum, le rayonnement ultraviolet augmente et le Soleil devient très actif, avec des éruptions capables de perturber les transmissions électriques sur Terre. La théorie selon laquelle les taches solaires peuvent avoir plus d’incidence – comme affecter le climat de notre planète, par exemple – a été longtemps tournée en ridicule.
Désormais, des chercheurs croient qu’il pourrait y avoir du vrai dans cette idée. Une phase d’activité réduite des taches solaires, entre 1645 et 1715, appelée le minimum de Maunder, est liée à une période froide où la moyenne des températures fut de plusieurs degrés inférieure à la normale.
Des recherches sur les anneaux de croissance des arbres sont aussi en faveur d’une relation entre cycles solaires et climat. Mais le climat de la Terre est très complexe et ses mécanismes toujours a l’étude. La question des taches solaires aussi.
QUELLE EST LA NATURE DU NOYAU TERRESTRE ?
Le noyau terrestre commence à 2 897 km sous nos pieds, mais il est si inaccessible qu’il pourrait aussi bien se trouver dans une autre galaxie. Pourtant, les scientifiques se sont fait une certaine idée de sa nature en étudiant comment les ondes cosmiques traversent notre planète, en calculant la masse et la densité de la Terre d’après ses interactions avec d’autres corps, et en forant ses couches supérieures.
Se basant sur ces mesures, les scientifiques estiment que le noyau est une sphère métallique d’environ 3 541 km de rayon, et donc de la taille de Mars. Cette sphère est peut-être constituée de deux couches : un noyau interne, solide, et un noyau externe, liquide. Dans le noyau interne, la température atteint quasiment les 6 000 °C. Cette chaleur est à l’origine des déplacements de nos plaques tectoniques.
Des questions demeurent. Certaines découvertes laissent imaginer l’existence dans le noyau interne d’un noyau encore plus interne, solide et en fer. Par ailleurs, les mesures sismiques indiquent que le noyau interne tourne à une vitesse différente de celle du reste de la Terre. Enfin, selon des études récentes, le noyau dégagerait plus de chaleur que prévu. Là encore, on ignore pourquoi. Le chercheur David Stevenson a proposé plus ou moins sérieusement d’élargir une faille de la Terre pour y envoyer une sonde.
QUAND LA VIE A-T-ELLE DÉBUTÉ SUR TERRE ?
Encore jeune, la Terre a franchi un seuil il y a entre 4 et 3,5 milliards d’années, en devenant une planète vivante. Mais comment les premières formes de vie – des organismes recueillant de l’énergie et se reproduisant – sont-elles apparues dans les océans ? Dans l’hypothèse où la vie se serait formée à partir d’une chimie organique élémentaire, deux principales écoles de pensée se dégagent.
Pour l’une, les ingrédients nécessaires à la vie sur Terre sont venus de l’espace, où les scientifiques ont découvert un nombre surprenant de molécules organiques complexes ; des analyses spectroscopiques de nuages moléculaires interstellaires ont révélé la présence de composés organiques, comme des sucres ; certains composés organiques ont aussi été trouvés dans des échantillons cométaires et des météorites.
Il n’est pas impossible – il est même probable – que des comètes et autres fragments cosmiques riches en glaces heurtant la jeune terre aient apporté à sa surface des substances organiques nécessaires à l’apparition de la vie.
Selon l’autre école de pensée, plus répandue, la vie aurait surgi de réactions chimiques dans l’océan. Réalisée en 1953, la célèbre expérience de Miller-Urey, où ces scientifiques ont soumis à des décharges électriques une « soupe primordiale » et vu émerger des acides aminés, a montré qu’aucune condition particulière n’était nécessaire pour que se forment des composés chimiques. De nombreuses variations de cette hypothèse ont été avancées, y compris celle de la formation de substances organiques surgissant près de cheminées hydrothermales, ou ailleurs sous la glace d’océans gelés.
L’étape suivante n’est pas moins dure à déchiffrer : comment des substances chimiques organiques se sont-elles structurées en un système d’auto-réplication, avec des protéines et des acides nucléiques travaillant ensemble ? De nombreux scientifiques croient que l’ARN – et non l’ADN – fut la première forme du code génétique. Il reste que la plupart des travaux sur les origines de la vie sont toujours largement spéculatifs.
PEUT-ON VOYAGER DANS LE TEMPS ?
Un être humain pourrait-il vraiment voyager à travers le temps ? Les physiciens répondent peut-être, d’une certaine manière, mais pas de la façon dont l’évoque la science-fiction.
Les scénarios de voyages dans le temps s’inspirent des implications les plus extrêmes des théories de la relativité d’Einstein. Le temps n’est pas distinct ou absolu ; en tant que partie du continuum espace-temps, il ralentit pour des objets très massifs ou particulièrement rapides.
Ainsi, une femme de 20 ans qui s’installerait dans un vaisseau spatial voyageant pendant cinq ans à une vitesse proche de celle de la lumière reviendrait sur une Terre où se seraient écoulées cinquante années, comme si elle avait voyagé quarante-cinq dans le futur. Et elle aurait obtenu le même effet si elle s’était rendue sur un objet très massif, comme une étoile à neutrons.
Les tunnels spatio-temporels sont un autre portail temporel théorique. Certaines formes de trous noirs pourraient constituer des tunnels de ce genre. Toutefois, s’ils existaient, ils auraient besoin d’une espèce exotique de matière antigravitationnelle pour rester ouverts, et il est quasiment certain que tout ce qui voyagerait à travers eux serait détruit. Ces méthodes radicales exigent d’énormes quantités d’énergie, beaucoup plus que nous ne pouvons actuellement en exploiter, et elles ne valent que pour le voyage dans le futur. Le voyage dans le passé, même théoriquement, paraît impossible.
VIVONS-NOUS DANS UN MULTIVERS ?
Une autre possibilité de multivers suggère que notre Univers se dilate à l’infini au-delà des limites observables. La matière et l’énergie se combinent d’autant de manières que possible avant de se répéter, créant un Univers dupliqué plus loin.
En énonçant des hypothèses nouvelles et audacieuses, les scientifiques ouvrent parfois des voies inattendues. Ainsi en a-t-il été de la cosmologie, l’étude de l’origine et de la structure de l’Univers. Les théories sur l’expansion de l’Univers primordial et les moyens de réconcilier la pesanteur avec d’autres forces physiques ont conduit à penser qu’il existait une infinité d’autres Univers.
La théorie de l’inflation cosmique, énoncée pour la première fois par Alan Guth, en 1980, résout certains des problèmes soulevés par le big bang, en postulant que l’espace-temps s’est déployé avec une extraordinaire rapidité peu après sa formation. Pour des théories corollaires, même si notre Univers a cessé de se dilater, cette inflation peut se poursuivre ailleurs et former d’autres Univers – autant d’innombrables bulles à côté de la nôtre.
La théorie des cordes est une tentative de combler le fossé entre la physique relativiste et la physique quantique ; à un niveau subatomique fondamental, l’Univers offrirait beaucoup plus de dimensions que les quatre que nous lui connaissons.
D’autres Univers pourraient s’être formés dans cet espace multidimensionnel, invisibles pour nous.
L’un des grands problèmes des théories de multivers, c’est qu’elles sont improuvables. Nous ne pouvons pas observer ces autres Univers.
COMMENT FINIRA L'UNIVERS ?
Dans le film Annie Hall, le jeune Alvy Singer refuse de faire ses devoirs parce que l’Univers est en expansion. « Et s’il est en expansion, un jour il disparaîtra, et ce sera la fin de tout ! Alors, à quoi bon ? » Alvy n’a pas tort, du moins en ce qui concerne l’Univers. Il est en expansion et il prendra fin sous sa forme présente. Mais quelle sera la nature de cette fin ?
En fonction de la quantité totale de matière et d’énergie dans l’Univers, l’un des trois modèles suivants prévaudra sans doute : le big crunch (« le grand écrasement »), le big chill (« le grand refroidissement ») ou le big rip (« la grande déchirure »).
Dans le big crunch, la masse dans l’Univers est suffisante pour ralentir et inverser son expansion, de sorte que ce der- nier s’effondre sur lui-même. Dans le big chill, la masse n’est pas suffisante pour interrompre l’expansion, de sorte que les galaxies s’éloignent les unes des autres, et perdent leur éclat en refroidissant. Dans le cas du big rip, l’Univers en accélération sous l’effet de l’énergie sombre se fragmente jusqu’à ses atomes.
Les astronomes estiment que le big crunch est peu vrai- semblable, compte tenu de ce que l’on sait sur la matière dans l’Univers. Lequel des deux autres scénarios l’emportera ? Cela dépendra de ce que nous apprendrons sur la matière sombre et l’énergie sombre.
TROUVERONS-NOUS UN JOUR LA THÉORIE DES SUPERCORDES ?
La théorie des cordes pourrait être un moyen d’unifier les lois de la physique.
Souvent décrite comme le Saint Graal de la physique, la théorie des supercordes voudrait réconcilier les modèles conflictuels actuels du monde physique.
La physique révolutionnaire du XXe siècle nous a laissé deux manières d’expliquer la nature. L’une est la relativité, qui décrit les interactions à grande échelle de l’Univers, la gravitation en particulier, en terme de géométrie espace-temps. L’autre est la physique quantique, qui dépeint les interactions à petite échelle des trois autres forces – l’électromagnétisme et les interactions fortes et faibles –, en terme d’échanges de particules. Ces deux théories sont malheureusement incompatibles.
La théorie des supercordes tente de jeter un pont entre elles. Complexe et controversée – en fait un ensemble de théories –, elle part de l’idée que les particules fondamentales sont constituées de boucles de « cordes », ou membranes, qui vibrent dans toutes les directions. Les mathématiques ardues de la théorie des supercordes s’appliquent à toutes les forces basiques.
Toutefois, cette théorie a ses détracteurs, qui la considèrent comme non vérifiable et non scientifique. La plupart des chercheurs estiment que ces théories finiront par se réconcilier. « Les sciences matures ne se développent pas en remplaçant une théorie par une autre, écrit le physicien James Trefil, mais en incorporant les anciennes aux nouvelles. »