L'été, il neige sur Mars
Selon de nouvelles simulations atmosphériques, la planète rouge serait balayée par d'inattendues bourrasques de neige.
Au nord de Mars, de fines poussières de neige volent et retombent au cours de la nuit.
Cette scène étonnante nous est offerte par de nouvelles simulations montrant des couches virevoltantes au sein de l'atmosphère de Mars. Celles-ci se mélangent plus violemment que ce que l'on imaginait et provoquent des tempêtes.
Bien qu'elle soit virtuelle, cette averse de neige concorde assez bien avec les observations réalisées par un robot déposé sur Mars en 2008. Elle pourrait expliquer comment une neige si différente peut tomber des cieux polaires de la planète rouge.
Selon l'étude de scientifiques décrivant la découverte publiée cette semaine dans la revue Nature Geoscience, si ces simulations s'avèrent correctes, la neige estivale sur Mars se caractériserait paR des rafales pouvant durer plusieurs heures. Des flocons de glace tombent de nuages situés dans l'atmosphère de la planète. Ces flocons ne réussissent parfois pas à atteindre le sol et il est possible qu'ils laissent une empreinte givrée pour accueillir l'aurore.
« Il n'y a pas suffisamment de neige pour pouvoir construire un bonhomme de neige », explique Aymeric Spiga, coauteur de l'étude et planétologue auprès du CNRS. Toutefois, la neige joue probablement un rôle essentiel dans le cycle hydrologique de la planète.
« Les chutes de neige, les rafales descendantes, tout ceci est très nouveau », déclare John Wilson, du centre de recherche Ames de la NASA. « C'est probablement ce qu'il se passe dans l'atmosphère martienne et doit avoir un impact sur la distribution de l'eau. »
DES TEMPÊTES DE GLACE SÈCHE
Il est question de chutes de neige sur Mars depuis un certain temps. Avant toute chose, nous savons que la planète rouge abrite des nuages et de la glace hydrique souterraine.
Le module atterrisseur Phoenix de la NASA, déposé à proximité du pôle Nord martien en 2008, a observé des structures fines très haut au-dessus du sol, semblables aux virgas que l'on voit sur Terre. Ces traînées célestes se forment lorsque les précipitations n'atteignent pas complètement le sol ; les scientifiques en sont donc arrivés à la conclusion que Phoenix avait assisté à une tempête de glace hydrique en haute altitude.
Cela nous ramène en 2012, lorsque des scientifiques ont annoncé que la sonde spatiale Mars Reconnaissance Orbiter de la NASA avait observé une sorte de nuage de flocons de dioxyde de carbone sur le pôle Sud.
C'est la seule et unique fois qu'une neige de glace sèche a été observée dans le système solaire. Contrairement à la délicate virga du nord, cette glace sèche atteint non seulement le sol, mais contribue également de façon significative aux calottes glaciaires saisonnières de dioxyde de carbone de la planète, selon Paul Hayne du Jet Propulsion Laboratory de la NASA.
« Les tempêtes de CO2 sont bien plus intenses », affirme-t-il. Quant à sa contribution aux calottes, il ajoute : « nous l'avons estimée à 20 % de l'accumulation saisonnière, soit plusieurs mètres au total ».
Afin de comprendre l'impact des nuages de glace hydrique sur la météorologie, Aymeric Spiga et ses collègues ont mis en place un modèle informatique à haute résolution et observé les réactions de leur carré d'atmosphère martienne numérique.
Au cours de la nuit sur Mars, les nuages de glace hydrique diffusent de la lumière infrarouge qui refroidit l'atmosphère environnante. Cela génère des gouttes d'air glacé qui s'accumulent sur l'air plus chaud. Ces gouttes froides chutent ensuite et provoquent des courants violents ainsi que des vents n'étant pas censés exister dans les nuages martiens.
Les particules glacées présentes dans les nuages sont poussées par les courants de convection et finissent propulsées vers la surface lorsque des précipitations éclatent.
Selon Paul Hayne, ces chutes de neige sont l'une des principales découvertes de la simulation.
« En rayonnant, les nuages refroidissent l'air environnant plus rapidement, provoquant ainsi une augmentation de la croissance des nuages et, à terme, des chutes de neige », explique-t-il. Il n'est cependant pas certain que ce mécanisme puisse expliquer les tempêtes de glace sèche spectaculaires observées.
Pour John Wilson, il s'agit toujours d'un résultat qui coïncide avec les observations de Phoenix. Ancien météorologue à la NOAA (agence américaine dédiée aux océans et à l'atmosphère), il travaille actuellement sur la simulation du climat sur Mars pour la NASA. D'après lui, ce type d'observations peuvent être des ingrédients essentiels pour les modèles de circulation générale complexes utilisés pour comprendre Mars.
À terme, les scientifiques souhaitent avoir recours à ces modèles pour remonter le temps et entrevoir le passé aquatique de la planète. Or, de telles choses ne pourront être réalisées que lorsque les modèles reproduiront avec précision le climat actuel.
« Il y a dix ans, on pensait que les nuages de glace hydrique influaient peu sur le climat de Mars », explique John Wilson. « Nous réalisons aujourd'hui qu'ils jouent un rôle important... les choses deviennent plus riches, plus complexes et plus intéressantes que ce que nous croyions. »