Mars : atterrissage réussi pour le rover chinois Zhurong

Après un atterrissage historique sur Mars, le rover Zhurong va partir à la recherche d’eau et de signes de vie sur la planète rouge.

De Andrew Jones
Publication 17 mai 2021, 15:52 CEST
Chinese Mars rover

Cette illustration publiée en 2016 par l’administration d’État pour la Science, la Technologie et l’Industrie de la Défense nationale donne à voir la plateforme d’atterrissage et le rover Zhurong, tous deux élaborés par la Chine pour l’exploration martienne. Le rover tire son nom du dieu du feu de la mythologie chinoise ancienne, faisant lui-même écho au nom chinois de la planète rouge, Huoxing, qui signifie « planète de feu ».

PHOTOGRAPHIE DE Xinhua via Getty Images

Le programme spatial de la Chine a franchi une étape importante il y a quelques jours : son rover Zhurong a réussi son atterrissage sur Mars. Il s’agit du premier atterrissage sur une autre planète pour le pays. Les équipes se préparent maintenant à sortir le rover de sa plateforme d’atterrissage pour partir à l’exploration de la surface poussiéreuse de la planète rouge. Sa mission consistera à rechercher des traces d’eau et de signes de vie passée.

Avec cet atterrissage, la Chine devient le deuxième pays de l’histoire à déposer un rover sur la surface martienne. Après des mois passés en orbite autour de Mars, le vaisseau Tianwen-1 a largué le rover Zhurong. Il a atterri sur Utopia Planitia, une vaste plaine qui aurait été un jour recouverte d’un océan martien. Le rover, pesant près de 240 kg, a survécu à une descente périlleuse vers la surface. Après son entrée dans l’atmosphère, il a dû faire face à un freinage puissant alors qu’il se déplaçait à une vitesse supersonique avant d’utiliser des rétrofusées pour sécuriser son atterrissage sur le sol.

 

LA ZONE D’ATTERRISSAGE

Baptisé en référence au dieu chinois du feu, Zhurong est un rover de la même taille que Spirit ou Opportunity de la NASA. Ces deux derniers ont atterri sur la planète rouge en 2004. Ils ont renvoyé des images et des données spectaculaires sur Terre, permettant d’en apprendre davantage sur la surface martienne. Ce véhicule d’exploration spatial chinois devrait permettre d’en découvrir encore plus sur la présence d’eau et l’ancienne habitabilité de la planète. Ces données pourraient permettre d’ouvrir la voie à de futures missions habitées vers Mars.

« Atterrir en toute sécurité sur Mars, c’est un énorme défi, surtout pour la première tentative d’atterrissage en douceur pour la Chine », a déclaré Long Xiao, planétologue à l’université chinoise des géosciences. « Mais il s’agit d’une étape nécessaire pour l’exploration de Mars et de l’espace lointain. »

 

UNE DESCENTE ÉPROUVANTE

Réussir la descente sur la surface de Mars est un véritable défi. Avant le 15 mai 2021, seule la NASA avait réussi à poser des engins spatiaux sur la surface martienne et à les exploiter. En 1971, le module soviétique Mars 3 a réussi à transmettre la moitié d’une photo avant de sombrer dans le silence après 100 secondes de mission. Avec cet atterrissage et en parcourant la surface de la planète rouge, la Chine prend une longueur d’avance sur nombre de ses concurrents en termes d’exploration spatiale.

Zhurong a réussi à survivre aux légendaires « 7 minutes de terreur ». Il s’agit de la durée entre l’entrée dans l’atmosphère et le contact avec la surface. L’Administration spatiale nationale chinoise n’a eu d’autre choix que de regarder l’atterrissage autonome se dérouler à près de 320 millions de kilomètres de là. La distance entre notre planète et Mars est si grande qu’il faut compter 18 minutes pour recevoir un signal de la planète rouge. Entre-temps, la seule chose à faire est d’espérer que tout se passe comme prévu.

Zhurong est resté attaché à son orbiteur, à l’intérieur d’un bouclier de protection conçu pour protéger le véhicule lors de la descente dans l’atmosphère martienne. Après avoir subi une entrée dans l’atmosphère enflammée, le rover a été relâché et un parachute a été déployé pour ralentir davantage sa chute.

Ensuite, la plateforme d’atterrissage qui soutenait le rover a enclenché des moteurs-fusées pour procéder à la descente finale vers la surface. Un télémètre laser et un scanner 3D ont fourni des données sur l’altitude et le relief, tandis que la zone d’atterrissage a été sélectionnée de manière autonome grâce aux caméras.

China's Moon rover

Dans le cadre de sa mission Chang’e 3 vers la Lune, la Chine a réussi à poser un atterrisseur et à déployer son premier rover lunaire en 2013.

PHOTOGRAPHIE DE ACADÉMIE CHINOISE DES SCIENCES, ADMINISTRATION SPATIALE NATIONALE CHINOISE, THE SCIENCE AND APPLICATION CENTER FOR MOON AND DEEPSPACE EXPLORATION, EMILY LAKDAWALLA DE THE PLANETARY SOCIETY ET ANDREW BODROV, VIA GETTY IMAGES

Il est bien plus difficile d’atterrir sur Mars que sur la Lune, explique Michel Blanc de l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie. Toutefois, la Chine a été préparée à cet atterrissage martien grâce à plusieurs missions vers la Lune réussies. L’atterrissage historique de Chang’e 4 sur la face cachée de la Lune en 2019 a demandé « des capacités technologiques très développées » en matière d’intelligence artificielle et d’évitement des risques en toute autonomie, souligne M. Blanc. En outre, les moteurs-fusées embarqués par Zhurong sont similaires à ceux utilisés par la Chine pour assurer l’atterrissage de trois vaisseaux sur la Lune.

Toutes ces technologies, couplées aux parachutes supersoniques utilisés par les Chinois pour le retour des capsules spatiales transportant des astronautes en orbite, ont permis à l’Administration spatiale nationale chinoise de procéder à un atterrissage sur la planète rouge.

 

UN NOUVEAU ROVER SUR MARS

Une fois que les six roues de Zhurong quitteront la plateforme d’atterrissage pour rejoindre la surface poussiéreuse de Mars, le rover déploiera ses panneaux solaires pliables en forme de papillon et explorera la zone dans le cadre de sa mission principale qui durera trois mois. Toutefois, le véhicule pourrait opérer au-delà de cet objectif prudent. Les missions principales des rovers Spirit et Opportunity, eux aussi alimentés par énergie solaire, devaient durer quatre-vingt-dix jours. Pourtant, ils ont exploré Mars pendant des années.

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    On pense qu’Utopia Planitia abritait autrefois une mer. On y trouve des couches de sédiments qui pourraient contenir des traces d’eau. Autre nouvelle encore plus excitante, ces couches rocheuses pourraient renfermer des indices d’une vie passée sur Mars, affirme James Head III, planétologue à l’université Brown.

    « Puisque le site d’atterrissage présélectionné est proche d’un ancien littoral océanique, et qu’il est différent des autres, les données scientifiques pourraient dévoiler de nouveaux secrets sur Mars », déclare Long Xiao. Ce site vient compléter les recherches menées par Curiosity et Perseverance, les deux véhicules d’exploration spatiale de la NASA. Ils ont étudié respectivement les anciens lacs situés dans les cratères de Gale et de Jezero, ajoute M. Head.

    Zhurong transporte avec lui six instruments. Deux caméras panoramiques et un imageur multispectral apporteront des informations sur le relief et sur sa composition. Un autre instrument muni d’un laser permettra de gazéifier les roches afin d’analyser leur composition, un outil similaire aux spectromètres laser embarqués par Curiosity et Perseverance. Un magnétomètre, couplé avec un instrument placé sur l’orbiteur, mesurera l’intensité des champs magnétiques. Une station météorologique étudiera la température atmosphérique locale, la pression, le vent et les sons sur Mars.

    L’un des instruments les plus fascinants à bord du rover n’est autre qu’un radar à pénétration de sol. Il sera utilisé pour rechercher les nappes d’eau ou de glace situées sous la surface. M. Head rappelle que le module Viking 2 de la NASA, installé dans une région au nord du site d’atterrissage de Zhurong en 1975, avait capturé des phénomènes impressionnants. Il avait notamment observé des contractions de la glace, des gelées à la surface martienne ainsi que des terrains où se distinguaient des motifs de polygones. Ces derniers auraient pu être créés par des contractions de la glace située en sous-surface engendrées par le changement des saisons.

    Le radar à pénétration de sol de Zhurong sondera la surface grâce à deux fréquences différentes. Il recueillera les données d’écho des couches inférieures et recherchera de la glace ou de l’eau saumâtre situées jusqu’à 10 mètres de profondeur.

    « [La sonde] Tianwen-1 devrait être en mesure d’explorer et de détecter toute neige ou glace située en sous-surface grâce à sa charge utile », déclare M. Head. De telles poches de glace pourraient s’avérer précieuses pour de futures missions habitées. De plus, toute poche d’eau ou d’eau salée protégée des radiations qui frappent la surface pourrait fournir un habitat pour des formes de vie simples.

     

    LE PROCHAIN CHAPITRE DE L’EXPLORATION SPATIALE CHINOISE

    La Chine partagera les données obtenues grâce à la sonde Tianwen-1 et à Zhurong, comme elle l’a fait lors de ses missions d’exploration lunaire, précise Long Xiao. Ces informations bénéficieront aux planétologues du monde entier.

    La mission servira également de préparation pour le prochain voyage de la Chine depuis Mars. Le pays prévoit de rapporter des échantillons de la planète rouge, une mission audacieuse dont le lancement est prévu pour 2028. Outre Mars, la Chine prévoit de lancer une sonde vers Jupiter, avec un éventuel atterrissage sur la lune Callisto, de collecter des échantillons d’un astéroïde géocroiseur et d’envoyer des vaisseaux similaires à Voyager vers les frontières de notre système solaire.

    « À l’époque de l’exploration des océans, la Chine a marqué l'Histoire avec les voyages de Zheng He vers l’Asie du sud-est et l’Afrique », indique Zhang Xiaoping professeur associé au State Key Laboratory of Lunar and Planetary Sciences à l’université des sciences et technologies de Macao, en référence aux expéditions du début du 15e siècle. Zhang Xiaoping estime que la mission d’exploration de Mars par la Chine représente la poursuite de ces épopées.

    Selon lui, Tianwen-1 et Zhurong sont « d’une grande importance pour l’étude de l’univers inconnu. [Ils] stimulent l’enthousiasme scientifique des jeunes, la créativité du pays tout entier, [ils] améliorent la capacité à explorer l’inconnu et élargissent l’espace de vie de l’humanité. »

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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