Météo de l’espace : comment nous protéger des caprices du soleil ?

Si le cycle solaire actuel produisait une éruption aussi forte que l'événement de Carrington en 1859, des régions, voire des pays entiers, pourraient être dépourvus d’électricité pendant des mois. Les scientifiques tentent de nous protéger au mieux.

De Amandine Venot
Publication 14 oct. 2024, 17:52 CEST
L'activité surprenante du Soleil sur un cliché de Solar Orbiter

Alors que le Soleil approche du maximum de son cycle d'activité magnétique, nous observons davantage d'explosions brillantes, de taches solaires sombres, de boucles de plasma et de tourbillons de gaz très chauds.

PHOTOGRAPHIE DE ESA & NASA/Solar Orbiter/EUI Team

Dès 1859, les scientifiques ont commencé à étudier les évènements solaires. Cette discipline est aujourd'hui étudiée sous le nom de météorologie de l’espace et répond au besoin de protéger notre planète des caprices de notre étoile.

La vie du Soleil est rythmée par des périodes d’activités plus ou moins intenses, appelées cycles solaires. Ces cycles ont une durée moyenne de onze ans. En 2019, notre astre est entré dans son 25e cycle, qui atteindra l’apogée de sa puissance en juillet 2025.

Les cycles de fortes activités solaires, plus imprévisibles, sont marqués par une augmentation du nombre d’éjection de masse coronale et d’éruptions solaires. Sur Terre, nous en avons été témoins dans la nuit du 10 au 11 mai dernier lorsqu’un voile d’aurores boréales s’est étendu jusqu’en France. Cette tempête a été la plus puissante des derniers mois. 

Même si la plupart des tempêtes solaires n’ont pour conséquences que des aurores boréales, certaines ont pu créer par le passé des dommages très importants. À titre de comparaison, les scientifiques se basent sur l’évènement de Carrington, une suite d’éruptions solaires observées en septembre 1859 par l’astronome Richard Christopher Carrington. À l’époque déjà, des éléments technologiques s'en étaient trouvés perturbés et de nombreux télégraphes avaient pris feu.

Comprendre : le Soleil

Si une tempête aussi extrême que l’évènement de Carrington avait lieu aujourd’hui, les dommages matériels et humains seraient innombrables. De nouvelles missions ont donc émergé : aux États-Unis, la NASA et la NOAA sont chargées de prévoir les évènements solaires. Au sein de l’Union Européenne, les trois acteurs qui étudient la question sont l’Agence Spatiale Européenne (ESA), l’association européenne de la météorologie et du climat de l’espace (E-SWAN) et la commission européenne. 

 

LES ÉRUPTIONS SOLAIRES

Parce que « notre société dépend de plus en plus des technologies, elle est vulnérable face aux conséquences d’une éruption solaire », explique Giuseppe Mandorlo, qui dirige le projet Vigil dans le cadre du programme de sécurité spatiale de l’ESA

« Les premiers dommages matériels seront infligés aux réseaux et transformateurs électriques », soulève-t-il. Même si les industries ont tenté de les renforcer, face à une tempête magnétique de grande ampleur, il y a de grands risques qu’ils prennent feu. Des régions - voire des pays entiers - pourraient être dépourvus d’électricité pendant des mois. Le chercheur affirme que « cela pourrait prendre une à deux années à réparer selon les dégâts ». 

Sans électricité, les réseaux de communication cesseront également de fonctionner. D’abord, « nous ne serons plus capables de recevoir des informations de nos satellites sur l’état de l’éruption » avance le chercheur. « Mais en plus, tous les réseaux de données sur lesquels nous comptons seront bloqués ». Nous n’aurons plus accès au GPS, qui par extension nous empêchera d’effectuer par exemple, des paiements par cartes bancaires. « Des effets secondaires qui peuvent être beaucoup plus coûteux et beaucoup plus difficiles à gérer que l'effet principal, à savoir la perte du GPS », déplore-t-il. 

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    La future mission Vigil de l'ESA offrira une capacité unique en son genre : surveiller le Soleil pour fournir des données constantes et en temps quasi réel sur l'activité solaire potentiellement dangereuse.

    PHOTOGRAPHIE DE ESA – A. Baker

    Dans l’espace, la situation serait d’autant plus compliquée sans la protection du champ magnétique terrestre. « Nos satellites sont créés de manière à résister aux tempêtes magnétiques, mais pas à la pire qui soit », déclare Giuseppe Mandorlo. Si une particule cogne le satellite ou la station spatiale internationale à un endroit vulnérable, les ordinateurs de bord risquent de crasher, et les astronautes d’être irradiés. Sur Terre, dans un avion à 3 000 ou 4 000 pieds, la situation serait similaire : il y aurait des risques d'irradiation. 

    « Certaines éruptions sont chargées en particules électriques très rapides qui voyagent à 30 % de la vitesse de la lumière et font le voyage Soleil-Terre en seulement quelques heures », indique Olivier Katz, prévisioniste au Centre d’Observation de la Météorologie de l’Espace des Alpes (COMEA), qui s'est donné pour mission de produire des bulletins de météorologie de l’espace à l’aide des données fournies par les différentes institutions. L’objectif est de créer une chaine de communication fonctionnelle qui produirait des bulletins météo pour que la population soit au courant de ce qu'il se passe autour de notre planète.

     

    LES SOLUTIONS POUR NOUS PROTÉGER

    Giuseppe Mandorlo estime qu’« essuyer une telle tempête sans préparation nous coûterait des centaines de milliards, voir des trilliards d'euros » en dommages matériels, et des pertes humaines innombrables. Pour éviter un tel désastre, il y a néanmoins des solutions. La mise en place d’un système d’alerte suffisamment en amont du jour de l’impact permettrait de pouvoir éteindre les réseaux électriques, les ordinateurs pendant quelques heures, et prévenir les pilotes et les astronautes de manière à ce qu’ils puissent se protéger en appliquant les mesures prévues à cet effet. 

    Pour ce faire, les scientifiques ont besoin de gagner du temps. Un objectif que Giuseppe Mandorlo et son équipe tentent d'atteindre avec la mission Vigil. Cette dernière s’inscrit dans un programme de sécurité de l’espace financée à hauteur d’environ 750 millions d’euros, mise en place par l’agence spatiale européenne. L’objectif de la mission est d’envoyer le satellite Vigil au point Lagrange 5, l’une des positions dans l’espace où les champs gravitationnels du Soleil et de la Terre fournissent une force égale de manière à ce que l’objet qui se tient en ce point accompagne les deux objets célestes.

    Lorsque Vigil sera en place en 2031, il permettra de fournir « des images à la fois du côté du Soleil et de la Terre ». Une position qui permettra d’évaluer non seulement la vitesse mais aussi la densité des éjections de masse coronale en provenance du Soleil. « Si nous connaissons la vitesse, nous connaîtrons le temps d’impact. Et si nous connaissons le temps d’impact, nous connaîtrons la localisation de l’impact », éclaircit le chercheur. 

    Mais la mission Vigil permettra aussi de « voir » des indices de rejets de masse coronale derrière le Soleil, avant que ces indices ne soient visibles depuis la Terre. À ce jour, grâce aux données du satellite de la NASA situé au point Lagrange 1, les scientifiques ne sont capables de prédire une tempête solaire que douze à dix-huit heures avant son impact sur Terre. 

    Avec les nouvelles données de Vigil, combinés à celle de la NASA, l’ESA aura la capacité de prédire une tempête solaire quatre à cinq jours avant qu’elle n’atteigne notre planète. « La mission Vigil va changer la donne », affirme Giuseppe Mandorlo. Il nuance cependant « nous devons encore travailler sur la reconnaissance des signes annonciateurs ».

    D'ici quelques années, le travail du Centre d’Observation de la Météorologie de l’Espace des Alpes pourrait également prendre une ampleur internationale. « La Chine et la Russie peuvent s'avérer des alliés important pour la discipline. Ils ont déjà une agence spatiale, financée par une armée très forte », affirme Jean Lilstenten, créateur du COMEA. « Le manque de communication est de transaparence est néanmoins facheux », déplore-t-il, ajoutant qu'il a perdu « tout contact avec [ses] collègues russes depuis le début de la guerre [en Ukraine]». 

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