L'une de ces astronautes pourrait devenir la première femme à se rendre sur la Lune
Dix-huit astronautes américains ont été sélectionnés par la NASA et vont commencer à s’entraîner pour les missions Artemis. Celles-ci ont pour objectif d’envoyer à nouveau des Hommes sur la surface lunaire.
L’astronaute de la NASA Christina Koch prend un selfie spatial avec la Terre en arrière-plan. Le 18 octobre 2019, elle s’est aventurée dans le vide spatial en compagnie de l’astronaute de la NASA Jessica Meir pendant sept heures et 17 minutes lors de la première sortie extravéhiculaire exclusivement féminine.
Cela fait près de 50 ans que l’Homme a foulé pour la dernière fois le sol lunaire. Le trio de la mission Apollo 17 de la NASA s’était alors posé non loin d’une ancienne mer de lave, Mare Serenitatis (la mer de la Sérénité).
L’agence spatiale américaine affiche aujourd’hui à nouveau son envie de retourner sur la surface lunaire. Elle relance le programme Artemis, qui a pour objectif d’envoyer des humains sur la Lune d’ici la fin de la décennie. Mais cette fois, l’équipage ne sera pas exclusivement masculin. La NASA s’est engagée à ce que la première femme à poser les pieds sur la Lune fasse partie du vol Artemis inaugural.
Hier, l’agence spatiale a enfin dévoilé qui de ses 47 astronautes en activité prendront part au programme Artemis. Les sélectionnés s’entraîneront en vue du retour historique de l’Homme sur la Lune.
« Nous avons pour objectif de nous rendre de manière durable sur la Lune, d’apprendre à vivre et à travailler sur un autre monde », a déclaré Jim Bridenstine, administrateur de la NASA, lors d’une réunion du National Space Council (Conseil national de l’espace) au cours de laquelle il a révélé le nom des 18 astronautes choisis pour l’entraînement.
L’astronaute de la NASA Scott Tingle (à droite) fait partie des sélectionnés qui se prépareront pour les missions Artemis. Il est ici photographié en compagnie de l’astronaute Steve Swanson alors que les deux hommes s’entraînaient pour des sorties extravéhiculaires au Neutral Buoyancy Laboratory (laboratoire de flottabilité neutre), situé non loin du Centre spatial Johnson de la NASA à Houston, au Texas.
Envoyer des humains sur la surface d’un autre monde et les faire revenir sur Terre est sans aucun doute le Saint Graal d’un programme spatial. Mais ces voyages sont périlleux et requièrent des années d’entraînement pour les accomplir en toute sécurité. C’est d’ailleurs pour cette dernière raison que les astronautes de la NASA commencent à se préparer à une éventuelle mission sur la Lune.
« Les voyages spatiaux ne sont pas faits pour les impatients. Ils sont dangereux et très complexes », confie l’astronaute Nicole Mann, pilote d’essai de la Navy et ancienne combattante qui s’entraînera en vue des missions Artemis. « Nous disposons d’un groupe de personnes qui travaillent ensemble, aux États-Unis, mais aussi à l’international, et qui vont unir leurs forces pour faire de ce programme une réussite ».
Pour le moment, aucun des 18 astronautes n’a été affecté à une mission Artemis spécifique. Par ailleurs, la NASA a indiqué que d’autres astronautes rejoindront les rangs du groupe actuel, notamment ceux de partenaires internationaux. Cependant, les personnes dont le nom a été dévoilé hier seront les premières à commencer l’entraînement.
Sur les 18 astronautes sélectionnés, neuf sont des femmes. L’une d’elles pourrait donc être la première femme à marcher sur la Lune. La moitié du groupe a également déjà séjourné dans l’espace, à l’instar de Christina Koch (qui a d’ailleurs établi le record du plus long séjour pour une femme à bord de la Station spatiale internationale), Victor Glover et Kate Rubbins (tous deux à bord de l’ISS à l’heure actuelle). Les autres sont de nouvelles recrues, des « rookies » principalement issus des promotions d’astronautes 2013 et 2017.
L’astronaute de la NASA Jessica Meir tournoie sur une chaise rotative afin de tester son système vestibulaire, dans les locaux réservés à l’équipage de l’hôtel Cosmonaut, à Baïkonour, au Kazakhstan, le 18 septembre 2019. Une semaine plus tard, elle était à bord d’une fusée russe Soyouz qui rejoignait la Station spatiale internationale.
« Lorsque je pense au programme Artemis, il y a cet enfant au fond de moi qui devient surexcité. Chacun d’entre nous éprouve ce sentiment », confie l’astronaute Frank Rubio, ancien combattant et médecin des forces spéciales. Il figure sur la liste des personnes sélectionnées pour le programme. « En tant qu’Américain et être humain, je suis tout excité à l’idée d’y prendre part ».
DIRECTION LA LUNE
Monde totalement à part, la Lune est empreinte de mystère et de mythologie. Nos incursions y ont été de captivantes, quoique qu’éprouvantes, démonstrations des capacités humaines.
Grâce à ces voyages, nous avons pu placer la Terre dans son contexte, comme l’atteste le cliché iconique intitulé « Lever de Terre ». Pris par l’équipage d’Apollo 8 le jour du réveillon de Noël 1968, cette photographie a immortalisé notre planète multicolore s’élevant au-dessus de l’horizon gris et criblé de cratères. C’était la première fois que des humains voyaient la Terre depuis une distance suffisante pour prendre conscience du vaste royaume cosmique qui l’entourait. La première fois aussi que l’on saisissait la fragilité de notre petite planète recouverte presque entièrement d’eau. Artemis II, la première mission habitée du programme Artemis, est conçue pour réaliser un voyage similaire. Elle devrait ainsi, peut-être dès 2023, tourner autour de la Lune avant de revenir sur Terre.
« Si je peux prendre part à ces missions, peu importe mon rôle, mon rêve deviendra réalité », confie l’astronaute de la NASA Jessica Meir. Cette dernière, qui s’entraîne déjà en vue des missions Artemis, a cumulé plus de 200 jours dans l’espace à bord de la Station spatiale internationale. « Il y a tellement de choses à explorer avec le programme Artemis. Nous nous rendons sur de nouveaux sites et une foule de nouvelles théories et d’expériences scientifiques y seront vérifiées et réalisées ».
Mais aller sur la Lune et surtout revenir sur Terre est extrêmement difficile. La mise en orbite de l’engin spatial autour de la Lune exige un délicat changement d’allégeance gravitationnelle qui doit être exécuté à la perfection. Quant à l’alunissage, un exploit que Neil Armstrong et Buzz Aldrin ont bien failli ne pas réaliser le 20 juillet 1969, il comporte encore davantage de risques. Enfin, le décollage de la surface lunaire, l’amarrage à un autre vaisseau spatial et le retour sur Terre impliquent des manœuvres tout aussi délicates exécutées en sens inverse.
Dire que les astronautes de la NASA sont prêts à relever le défi serait un euphémisme. Ils n’attendent que cela.
Quand Jessica Meir était en maternelle, son institutrice lui a demandé ce qu’elle aimerait faire quand elle serait plus grande. « Je me souviens très clairement avoir dessiné un astronaute se tenant à côté du drapeau des États-Unis sur la surface de la Lune. Ce n’était pas moi dans l’espace, c’était moi sur la Lune. Donc à mes yeux, cette mission a toujours été celle de mes rêves, le moteur de ma curiosité. »
UN RETOUR DURABLE
Ces dernières années, le programme Artemis de la NASA s’est progressivement accéléré. Initialement développé comme une sœur jumelle du programme Apollo, Artemis répliquera, sous leur forme la plus basique, les diverses missions qui ont envoyé des astronautes sur la Lune dans les années 1960 et 1970. La NASA pourrait procéder au lancement de la mission d’alunissage Artemis III dès 2024 à condition qu’Artemis II rentre sans encombre de son voyage dans l’orbite lunaire. Artemis III pourrait toutefois être décalée si le projet continue d’accuser les retards et les dépassements de coûts.
Comme imaginé, Artemis utilisera le lanceur spatial lourd Space Launch System (SLS) de la NASA, ainsi qu’une capsule spatiale Orion pour envoyer les astronautes dans l’orbite lunaire. Pour la suite du programme, notamment pendant la mission Artemis III, Orion devrait s’amarrer à un véhicule conçu et mis au point par une entreprise privée et qui transportera l’équipage jusqu’à la surface de la Lune, sans doute non loin son pôle Sud glacé.
Le programme Artemis est ambitieux à bien des niveaux. S’il venait à être réalisé dans son intégralité, un avant-poste spatial en orbite autour de la Lune, baptisé Gateway, serait alors construit. Cette petite station pourrait servir de point de passage pour les astronautes depuis et vers la surface lunaire, voire offrir un soutien aux missions menées plus loin dans le système solaire.
La NASA compte collaborer avec des partenaires internationaux pour établir une présence durable sur la Lune. Elle espère que ses partenaires étrangers accepteront l’ensemble de principes exposés dans un document intitulé les Accords d’Artemis. Ces accords abordent notamment la question des engagements en matière d’utilisation de la Lune à des fins pacifiques, de coopération en cas d’urgence, de partage des connaissances et des données scientifiques et de préservation des sites présentant un intérêt historique, à l’image de la zone d’alunissage de la mission Apollo 11.
Au cours de leur entraînement pour devenir de véritables astronautes, Jessica Meir et Victor Glover ont participé à une formation de survie dans la nature de trois jours, qui a eu lieu près de Rangeley, dans le Maine.
Le calendrier du programme Artemis sera-t-il respecté ? Dans ce contexte d’arrivée au pouvoir d’un nouveau président, de budgets au montants incertains, de pandémie mondiale et de retards répétés dans le développement du SLS et d’Orion, rien n’est garanti.
« Il s’agit d’un effort très onéreux », confie Frank Rubio. « Mais je pense qu’il a été prouvé à plusieurs reprises que lorsque nous faisons des choses difficiles et que nous nous dépassions pour relever des défis colossaux, cela nous rapprochait. Et cela nous pousse à développer de nouvelles technologies, à trouver de nouvelles idées. »
LA LUNE DANS LE VISEUR
Les objectifs scientifiques de la mission Artemis III ont été révélés cette semaine. Ils incluent notamment la collecte de roches lunaires qui seront ensuite ramenées sur Terre. La mission permettra aussi l’étude de l’histoire des impacts d’astéroïdes sur la Terre et la Lune, et la recherche de composés chimiques sous la surface lunaire, notamment de la glace. La NASA espère un jour collecter sur la Lune de la glace qui pourrait être utilisée pour produire du propergol et ainsi faire fonctionner les équipements de survie.
Tous les astronautes qui ont parlé à National Geographic ont indiqué que leur priorité serait de mener à bien une mission lunaire. Avant d’ajouter que s’ils avaient l'opportunité de partir sur la Lune, ils comptaient la saisir.
« Je voudrais absolument sauter, sauter du plus haut que je peux », a confié Nicole Mann. « Que Dieu nous pardonne si nous avons à disposition une sorte de rover », renchérit Frank Rubio. « Même si la science a son importance, je pense que chacun d’entre nous aimerait faire des donuts sur la Lune ».
Quant à Jessica Meir, elle profiterait de la profondeur de l’instant et de la beauté de la Terre vue depuis la Lune. « J’aimerais tellement pouvoir emporter dans l’espace les yeux de tous les humains de la planète pour qu’ils puissent admirer la vue », dit-elle. « Voir la Terre depuis la Station spatiale internationale a été un moment très fort pour moi, dans le sens où l’on prend conscience de la fragilité et de la beauté de notre planète, du fait qu’il faut la protéger et à quel point nous sommes tous liés les uns aux autres. »
Pour le moment, les astronautes du programme Artemis ont les yeux rivés sur la préparation du prochain grand pas de l’humanité dans l’espace. Peut-être même qu’ils admirent la Lune, comme l’astronaute Nicole Mann le fait avec son fils de huit ans.
« Nous nous asseyons toujours dehors et nous adorons regarder les étoiles et la Lune. Désormais, je pense que nous la regardons tous deux avec des yeux qui scintillent différemment », confie-t-elle. « J’espère qu’un jour, il pourra regarder sa mère filer à toute vitesse vers la Lune et y poser les pieds. »
Astronautes du programme Artemis de la NASA :
Joe Acaba (promotion d’astronautes 2004, 306 jours dans l’espace)
Kayla Barron (promotion d’astronautes 2017)
Raja Chari (promotion d’astronautes 2017)
Matthew Dominick (promotion d’astronautes 2017)
Victor Glover (promotion d’astronautes 2013, actuellement à bord de la Station spatiale internationale)
Woody Hoburg (promotion d’astronautes 2017)
Jonny Kim (promotion d’astronautes 2017)
Christina Koch (promotion d’astronautes 2013, 328 jours dans l’espace)
Kjell Lindgren (promotion d’astronautes 2009, 141 jours dans l’espace)
Nicole Mann (promotion d’astronautes 2013)
Anne McClain (promotion d’astronautes 2013, 204 jours dans l’espace)
Jessica Meir (promotion d’astronautes 2013, 205 jours dans l’espace)
Jasmin Moghbeli (promotion d’astronautes 2017)
Kate Rubins (promotion d’astronautes 2009, actuellement à bord de la Station spatiale internationale)
Frank Rubio (promotion d’astronautes 2017)
Scott Tingle (promotion d’astronautes 2009, 168 jours dans l’espace)
Jessica Watkins (promotion d’astronautes 2017)
Stephanie Wilson (promotion d’astronautes 1996, 43 jours dans l’espace)Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.