Observation d'étranges étoiles ''plissant'' l'espace-temps : ce que l'on sait
Si elle s'avère réelle, une fusion supposée entre deux étoiles à neutrons pourrait être un indice précieux sur la formation de l'or dans la galaxie.
Dans les salles d'une réunion consacrée à l'astronomie cette semaine, des conversations animées se sont faites entendre, alors que des scientifiques attendaient les résultats de rapports au sujet d'une collision potentielle entre des étoiles mortes exotiques. Si toutes ces discussions s'avèrent fondées, les scientifiques auraient détecté les premières ondulations spatio-temporelles causées par une fusion cataclysmique de deux étoiles à neutrons.
Ces ondulations, plus connues sous le nom d'ondes gravitationnelles, ont été détectées pour la première fois en 2015 par la congrégation de scientifiques LIGO Science Collaboration. Ce phénomène, ainsi que deux autres détections avérées, s'est produit lors de la collision de deux trous noirs.
Aujourd'hui, il se peut que des astronomes aient détecté des ondes gravitationnelles causées par deux corps stellaires pivotant l'un autour de l'autre jusqu'à finalement fusionner. Il semblerait que cette fusion ait laissé une empreinte cosmique pérenne que les équipes s'empressent d'observer grâce aux yeux les plus pointus de la Terre présents dans les cieux.
Vendredi dernier, les équipes de LIGO et de l'antenne interférométrique européenne Virgo ont annoncé la fin de leurs dernières observations dans le cadre de leurs recherches sur ces ondulations. Ils ont indiqué avoir découvert des « candidats prometteurs répondant aux critères d'ondes gravitationnelles ». Il nous faut désormais attendre la confirmation de ces découvertes suite à l'examen et la vérification des données par les scientifiques.
En attendant, la probabilité selon laquelle LIGO aurait pu apercevoir des corps stellaires en proie à une danse mortelle nous a poussés à nous interroger : que savons-nous des étoiles à neutrons ? Pourquoi devrions-nous nous y intéresser ?
QU'EST-CE QU'UNE ÉTOILE À NEUTRONS ?
Comme son nom l'indique, une étoile à neutrons est presque exclusivement composée de neutrons ou de particules subatomiques neutres. Elle se forme lorsqu'une étoile bien plus grande et brillante que le Soleil épuise ses réserves en combustible thermonucléaire et explose en une supernova frénétique. Bien que les couches extérieures de l'étoile soient happées par l'espace, son noyau s'effondre sur lui-même et forme une sphère de la taille de San Francisco dont la masse équivaut au minimum à celle de notre Soleil. Ces étoiles, qui pivotent à toute vitesse, sont les objets célestes les plus compacts après les trous noirs : l'équivalent d'un carré de sucre de leur composition pèserait un milliard de tonnes.
ÇA PARAÎT FOU DIT COMME ÇA...
En effet. Et c'est même encore plus exotique.
Les étoiles à neutrons sont mortes, au sens où leurs noyaux ne sont plus des éléments en fusion ; elles ne brillent donc pas comme le Soleil. Ce qui ne veut pas dire qu'elles sont placides pour autant. Le champ magnétique d'une étoile à neutrons peut être plus d'un billiard de fois plus puissant que celui de la Terre, son champ gravitationnel environ cent milliards de fois plus fort. Autrement dit, mieux vaut ne pas vous approcher de l'une de ces choses si vous préférez rester en un seul morceau.
SI ELLES NE BRILLENT PAS, COMMENT POUVONS-NOUS LES APERCEVOIR ?
De diverses manières, en réalité. Les étoiles à neutrons ont constitué la base de l'une des découvertes les plus célèbres en astronomie. Il y aura 50 ans ce mois-ci, Jocelyn Bell Burnell, tout juste diplômée, a observé des impulsions d'ondes radio provenant d'une région céleste quelconque. Ces impulsions constantes étaient espacées de façon régulière, provoquant rapidement des spéculations sur la présence d'extraterrestres.
En réalité, une étoile à neutrons en était à l'origine. Lorsque certaines de ces étoiles pivotent, elles émettent des faisceaux localisés de radiation électromagnétique. Quand ces faisceaux parcourent la Terre, ils apparaissent sous la forme d'ondes radio. Ces signes propres aux étoiles à neutrons ont fini par être connus sous le nom de pulsar. Au-delà des ondes radio, les étoiles à neutrons émettent des rayons X en raison de la chaleur extrême de leur surface, dans un périmètre d'environ un million de degrés.
POURQUOI DEVRIONS-NOUS NOUS INTÉRESSER À CES ÉTOILES MORTES COMPACTES ?
Les astronomes étudient ces objets astrophysiques extrêmement singuliers afin de tester certains principes physiques fondamentaux. Concrètement, les étoiles à neutrons pourraient bien être les bijoutiers cosmiques à l'origine des métaux précieux, tels que l'or.
Selon Enrico Ramirez-Ruiz de l'université de Californie à Santa Cruz, le processus est le suivant : la collision d'étoiles à neutrons libère un flot de neutrons qui se déposent et s'accumulent rapidement sur les noyaux lourds à proximité. Ils finissent par former des éléments plus lourds que le fer, comme l'or, l'argent et le platine. Ce mécanisme s'appelle le processus R, pour « capture des neutrons rapides », et se produit à la fois lors de la fusion d'étoiles à neutrons et au sein de supernovas, bien que la danse tourbillonnante des étoiles mortes soit désormais considérée comme la principale source d'or de la galaxie. Une seule collision est capable de générer une quantité d'or équivalente à la masse de Jupiter.
COMMENT CES MÉTAUX SE SONT-ILS RETROUVÉS SUR TERRE ?
Selon Enrico Ramirez-Ruiz, les matières stellaires précieuses résultant de ces fusions finissent disséminées à travers le cosmos, à la manière des pépites de chocolat sur un cookie. Si une autre étoile voit le jour par hasard près de l'une de ces pépites, l'or ou le platine se glissera dans le nuage de gaz qui a donné naissance à cette nouvelle étoile et sera par conséquent intégré à l'étoile et à ses planètes.
Lorsque notre très jeune Terre était une masse frémissante en fusion, ses atomes d'or originels se sont affaissés jusqu'à son noyau. Par la suite, les astéroïdes qui s'y sont écrasés ont apporté davantage d'or, aspergeant la croûte terrestre des substances brillantes et précieuses qu'ils détenaient.
D'ACCORD, MAIS POURQUOI TENONS-NOUS TANT À APERCEVOIR DES ÉTOILES À NEUTRONS ENTRER EN COLLISION ?
Cette histoire qui consiste à dire que ce sont des bijoutiers cosmiques est un peu controversée. Elle contredit une théorie vieille comme le monde, selon laquelle les supernovas sont les créatrices de la majorité de l'or présent dans l'univers.
Si nous pouvions assister à une collision d'étoiles à neutrons, cela nous aiderait vraisemblablement à résoudre ce débat puisque le processus R serait observable. Pour ce faire, des scientifiques devraient pointer un télescope infrarouge, comme le télescope spatial Spitzer de la NASA, en direction du cataclysme et rechercher les signes de formation des éléments. Il est également probable qu'assister à la fusion d'étoiles à neutrons résolve le mystère qui plane sur le type d'objets célestes qu'un tel événement engendre. Un trou noir pourrait apparaître, voire même un type d'étoile éphémère, aux formes et matières étranges.
POURQUOI PENSONS-NOUS QUE LIGO A ASSISTÉ À L'UNE DE CES FUSIONS ?
Avant de passer trop de temps à alimenter ces suppositions, des données accessibles au public (bien qu'indirectes) indiquent que l'équipe de LIGO aurait détecté un signal d'onde gravitationnelle observable à différentes longueurs d'ondes électromagnétiques, soit exactement ce qui devrait se produire dans le cas d'une fusion d'étoiles à neutrons.
À la fin de la semaine dernière, des télescopes situés sur et au-delà de notre planète ont rapidement pivoté afin d'observer les conséquences d'une brève explosion de rayons gamma ayant eu lieu le 17 août au cœur d'une galaxie appelée NGC 4993. Cet éclatement de rayons gamma, auquel on a attribué le nom GRB170817A, est le type d'événements censés se produire lors de la collision de deux étoiles à neutrons.
Les observations enregistrées auprès du télescope spatial Hubble et l'observatoire de rayons X Chandra montrent clairement qu'ils sont à la recherche d'ondes gravitationnelles et de GRB170817A. Plusieurs des télescopes de l'Observatoire européen austral sont braqués dans la même direction.
Cependant, avant toute annonce officielle, l'équipe LIGO souhaiterait s'assurer autant que possible de l'existence réelle des signaux d'ondes gravitationnelles et que l'explosion des rayons gamma et ces signaux proviennent exactement du même objet. Cela requiert un certain temps.
« Nous souhaitons réellement comprendre les données que nous avons recueillies et veiller à être certains de ce que nous publions », explique David Shoemaker, porte-parole de LIGO issu du Massachusetts Institute of Technology. « La diffusion croissante d'informations à ce stade des observations pourrait conduire à des rétractations ou à des modifications dans les semaines à venir. Nous travaillons de façon aussi acharnée et aussi rapide que possible ! »